Actualité « Française »
Le smic protège-t-il encore de la pauvreté ?
L’avis-Analyse d’Hugo Spring-Ragain (1)
Lire la suiteLes dessous de la fast-fashion
Le voyage d’État du couple Macron en Chine a fait pschitt : Pékin maintient son soutien à la Russie de Poutine dans sa guerre en Ukraine et ne freinera pas son rouleau compresseur commercial qui s’apprête à laminer les économies européennes. Déprimant.
À tel point que le président français, donnant une interview dans l’avion du retour, a menacé de « dé-coopérer, à l’instar des États-Unis » et d’imposer « des droits de douane sur les produits chinois ».
Une déclaration de guerre commerciale, vraiment ? Faut-il croire au coup de semonce présidentiel ?
La lecture de notre enquête sur Shein, menée en partenariat avec l’émission « Complément d’enquête », sur France 2, démontre le caractère tardif et opportuniste de la conversion élyséenne au protectionnisme. On y découvre que les dirigeants de l’enseigne de fast-fashion ont décroché de discrets rendez-vous à Matignon pour faciliter leurs affaires en France.
Plus dérangeant encore : des représentants bien introduits dans les cercles du pouvoir – l’ex-ministre de l’Intérieur Christophe Castaner en tête – ont été grassement rémunérés pour défendre les intérêts du dragon de la mode instantanée. Un lobbying aux conséquences désastreuses. Car Shein, la plateforme qui reçoit 1 million de commandes par jour, n’est pas un site d’e-commerce comme les autres.
Ce bazar numérique bas de gamme, branché sur les réseaux sociaux, impose un modèle de surconsommation fondé sur l’exploitation des travailleurs, la vente de produits non homologués, des émissions de CO2 faramineuses et une explosion des déchets.
Sans oublier, au passage, l’éradication du commerce traditionnel de nos communes. « Si on laisse faire, on vivra la même catastrophe dans le commerce de détail que dans l’industrie. Il nous reste trois ans », alerte Yann Rivoallan, président de la Fédération du Prêt-à-Porter féminin associée à une procédure conjointe contre Shein pour concurrence déloyale.
La riposte s’organise enfin. Devant le tribunal judiciaire de Paris, l’État demande la suspension du site pendant trois mois pour avoir commercialisé des poupées à caractère sexuel d’apparence enfantine. Et dans le cadre du chaotique débat budgétaire, les députés ont adopté une « taxe Shein » de 2 euros ciblant les petits colis d’origine extra-européenne. Heureuse coïncidence, les ministres de l’Économie des Vingt-Sept viennent de tomber d’accord pour appliquer un dispositif semblable dès 2026.
A trois reprises, la Commission européenne a demandé à Shein des informations sur la traçabilité de ses vendeurs et les mesures prises pour empêcher l’écoulement de marchandises illicites. Mais Bruxelles, qui peut infliger de lourdes sanctions financières, n’a pas enclenché de procédure officielle comme cela a été le cas pour les plateformes chinoises d’e-commerce AliExpress et Temu.
Un attentisme qui suscite l’impatience de plusieurs États membres dont la France, qui a appelé la Commission à « sévir ».
Reste l’hypothèse d’une prise de conscience des consommateurs. Au vu des ravages occasionnés, les 24 millions de clients français devraient considérer que les mini-prix affichés sont obtenus au détriment de toutes les règles et s’efforcer de combattre l’addiction entretenue par les algorithmes. Mais rien n’est moins sûr.
Le coup de com du BHV parisien, qui a ouvert ses rayons à Shein, s’est soldé par un fiasco révélateur. Les chalands sont venus tâter les vêtements. Et, après avoir constaté que les prix en magasin étaient un poil plus élevés que sur le site, ont préféré commander en ligne. Pas de petites économies ?
Sylvain Courage. Le Nl Obs. N°3195. 11/12/2025