EDF : l’impéritie de l’État

L’État, n’ayant pas investi à temps dans de nouvelles centrales et l’obligation à EDF de vendre son électricité à la concurrence à un prix dérisoire, une catastrophe.

17,9 milliards d’euros de pertes en 2022 pour EDF ! Et une dette qui s’envole à plus de 60 milliards d’euros… Décidément, il n’y a que le gouvernement pour estimer que la situation économique du pays est bonne, avec son absurde idée de « retour au plein-emploi », alors que, si l’on regarde la croissance, l’inflation, le déficit budgétaire et le déficit commercial, notre nation connaît l’une des pires périodes de son histoire contemporaine.

Et donc même EDF, fierté de générations de polytechniciens, se casse la figure. La malencontreuse invasion russe de l’Ukraine a fait exploser le prix de l’énergie ce qui – tout est là – couplé à l’absurde marché européen de l’électricité, a coûté des milliards à notre électricien.

  • Vendre beaucoup, pas cher, à des entreprises qui ne font rien

Voici pourquoi : d’irresponsables juristes et hauts fonctionnaires ayant décidé qu’il fallait créer une concurrence sur le marché de l’électricité alors qu’elle n’a aucun sens économique, l’État, brave supplétif du marché – nous sommes ici dans la définition précise du néolibéralisme – a forcé EDF à vendre son électricité pas cher aux entreprises qui ne produisent rien, afin que celles-ci puissent la revendre plus cher aux braves couillons de consommateurs.

Quel est le gain pour l’économie ? Aucun… si ce n’est que l’on a créé au forceps un « marché libre de l’électricité ». Ainsi, EDF est contrainte par la loi de vendre beaucoup d’électricité à TotalEnergies, Engie and co, à un prix très bas. Cela s’appelle l’Arenh, pour l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique : 100 térawattheures à 42 euros le mégawattheure. C’est cadeau ! Et comme si cela ne suffisait pas, l’État a forcé EDF à aller jusqu’à 120 TWh, à un prix très légèrement moins ridicule, 46,2 euros/MWh.

Résultat : EDF, incapable de produire suffisamment à cause de ses centrales rouillées, a dû acheter de l’électricité sur le libre marché, à 500 euros/MWh, pour le revendre 46,2 euros, donc, à des entreprises capitalistes qui utilisent cet argent pour gaver leurs hauts dirigeants, cadres, et actionnaires. Mais on ne va pas les taxer, non !

  • Plus de clients, plus de pertes

Surtout que les si bien nommés « fournisseurs alternatifs », comme on parle de « faits alternatifs » pour désigner les fausses nouvelles, se sont débarrassés de leurs clients, à l’image du toujours social Leclerc qui a résilié d’office leurs contrats en octobre 2021, les consommateurs lésés se retrouvant avec un minable bon d’achat de 50 euros valable dans ses magasins pour toute compensation. Pourquoi ? Parce qu’il était bien plus rentable pour Leclerc, qui possédait de l’électricité Arenh achetée 42 euros, de la revendre 500 euros sur le marché – éventuellement à EDF, oui, le truc est d’une absurdité à peine croyable.

Comme d’autres ont fait faillite, EDF a gagné un million de nouveaux clients l’an dernier. Champagne ? Non, parce que, encore une fois, EDF était obligée de vendre son électricité aux prix du « bouclier tarifaire » quand elle l’achetait sur le libre marché à un prix absurde. Un client de plus, une perte en plus.

  • Un tableau consternant

D’autant que, la chose est connue, un mélange d’angélisme, de je m’en-foutisme et de clientélisme auprès des écologistes ont convaincu François Hollande puis Emmanuel Macron – dans un premier temps – à laisser mourir à petit feu le programme nucléaire, sans que rien ne soit fait pour couvrir le manque de production d’électricité ainsi engendré.

Face à la catastrophe actuelle, le président de la République a sorti ses biscotos et annoncé une « relance » du programme nucléaire. Mais celle-ci prendra des décennies et sera très compliquée à mettre en œuvre, tant les compétences ont été perdues, notamment en raison de la généralisation de la sous-traitance à EDF – faire réparer les centrales par des intérimaires précaires, quelle bonne idée ! –, elle aussi produit direct de l’idéologie néolibérale.

Bref, le tableau est consternant. Un ancien fleuron industriel sacrifié par un pouvoir politique qui, par populisme, refuse que nous payons le vrai prix de l’énergie et qui ne fait rien non plus pour réduire notre consommation nationale d’électricité. Et, de l’autre, des entreprises privées dont les mirifiques profits découlent directement de l’intervention de l’État.

En 1945, Marcel Paul, ministre communiste de la Production industrielle, voulait « unir toutes les forces patriotiques » autour de la « bataille de la nationalisation de l’Électricité et du Gaz ». Il recevra à l’Assemblée le soutien de la plupart des partis, Marcel Poinboeuf du MRP soutenant par exemple le projet afin de « tendre à supprimer une partie des abus du régime capitaliste ». L’établissement public « Électricité de France (E.D.F.) Service national » est créé le 8 avril 1946, lors d’une vaste loi qui ne nationalise pas moins de 1 450 entreprises de production, de transport et de distribution d’électricité.

Le 1er février dernier, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a, contre l’avis de la majorité, adopté la proposition de loi portée par le député socialiste Philippe Brun visant à « protéger le groupe EDF et la souveraineté énergétique française ». Mais cette disposition légale n’est la garantie de rien : la plus grande faillite bancaire de l’histoire contemporaine de la France fut celle, au milieu des années 1990, du Crédit Lyonnais, alors banque publique. Ce qui importe, ce sont les hommes et les femmes. Celles et ceux de la Reconstruction avaient une vision, et le souci de l’intérêt général de la nation chevillé au cours. Et aujourd’hui ?


Jacques Littauer. Charlie Hebdo Web – Source


2 réflexions sur “EDF : l’impéritie de l’État

  1. bernarddominik 19/02/2023 / 8h35

    Quand on apprendra la liste de ceux qui ont profité de ce vol légal je pense qu’on aura de sacré surprises. Mais un président ne peut être poursuivi pour corruption.

  2. Pat 19/02/2023 / 17h54

    Clair, net, lumineux ! Il va falloir commencer à penser à stocker les bougies, le bois, ressortir les lampes à huile sauf à partir dans un grand éclat de lumière que la stupidité aura généré mais soyons positifs comme l’est Lectron ! En travaillant plus nous pourrons nous réchauffer l’hiver et retrouver la solidarité des corps collés les uns contre non…avec les autres ! Le pire (pour ma femme…) c’est qu’ils veulent qu’on achète des voitures électriques ! Bof ! Moi il me reste un vieux vélo dans le garage, ça suffira pour aller à la manif…

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