Des PFAS comme s’il en pleuvait

Est-ce une pleine histoire de fous ? On dirait bien.

Les premiers PFAS ont été synthétisés en 1934 par Fritz Schloffer et Otto Scherer, chimistes d’IG Farben. Cette entreprise du diable — elle regroupait notamment Bayer et BASF — sera au cœur de la machine d’extermination nazie. Un beau baptême.

En 1938, un chimiste de DuPont de Nemours, Roy Plunkett, découvre, après un accident de laboratoire, les propriétés de ce qui deviendra le Teflon. DuPont a fait fortune en trois temps : la guerre de Sécession, la Première Guerre mondiale, le plutonium d’Hiroshima. La grande classe.

L’essor de ces merveilles ne commence que dans les années 1950 : en 1953, deux chimistes de 3M découvrent par hasard — encore — une autre famille de PFAS, les PFOS, qui ouvre de nombreux marchés. Très vite, ces industriels savent la toxicité de leurs poisons. Des documents officiels démontrent par exemple que, dès 1961, DuPont a volontairement caché des pièces essentielles du dossier’.

La suite est tout aussi agréable. La machine avance, et l’on commence, en 2000, à parler de régulation des PFAS. Soit une manière de dire qu’on ne fera rien, et en effet. Faute de mieux, on compte. En 1998, l’OCDE — temple du libéralisme — en recense 4 730 différents, et conserve jusqu’en 2021 ce décompte loufoque.

Loufoque ? L’agence fédérale américaine de l’environnement (EPA), en farfouillant dans ses tiroirs, arrive à 14735. Est-ce bien fini ? Non, ça commence. Voilà qu’en 2022 Pub Chem en trouve 6 millions. 6 millions de PFAS différents, dont nul ne sait où ils sont. Quelques dizaines seulement ont été plus ou moins étudiés. On en reste là ? Mais pas du tout !

D’abord, deux mots sur Pub Chem, qui est une banque de données tenue par les National Institutes of Health, une institution gouvernementale américaine. Ce n’est donc pas Pif le Chien. Ensuite, le compteur continue de battre ses records précédents. On en serait à 7 millions. Et on attend mieux. Nos députésne sont donc pas des petits trous-du-cul.


Fabrice Nicolino. Charlie Hebdo. 17/04/2024


1. ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10237242 (en anglais).


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