La poule aux œufs d’or

Deux milliards d’œufs, c’est la ponte annuelle du premier volailler français.

En un an, LDC a gobé le plus gros producteur d’œufs coquille en France, Matines, et le mastodonte de l’œuf transformé Ovoteam.

Si le champion tricolore de la volaille (15 % de la production, pour 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires) cherche à mettre autant d’œufs dans son panier, c’est « grâce » à l’inflation, qui fait s’envoler les ventes.

Et pour cause : l’œuf est la protéine animale la moins chère du marché. Deux œufs apportent autant de protéines que 100 grammes de viande ou de poisson et coûtent jusqu’à dix fois moins cher.

Les Français, qui, l’an dernier, ont avalé chacun en moyenne 220 œufs, sont partis pour en manger neuf de plus cette année. Non seulement les consommateurs qui ont le moins d’oseille se ruent sur les œufs coquille en grande surface, mais l’agroalimentaire compte plus que jamais sur l’œuf transformé pour préserver les marges de ses desserts industriels et plats préparés.

En effet, 35 % des 15 milliards d’œufs engloutis chaque année en France le sont sous forme d’ovoproduits.

Une matière bon marché que les géants de l’œuf transformé comme Ovoteam (900 millions d’œufs par an) livrent en poudre, en liquide dans des camions-citernes remplis de blanc ou de jaune, mais aussi sous forme d’œufs durs en barres prétranchées.

Mauvaise nouvelle pour les poules : en temps de crise, les Français qui font le plein d’œufs sont un peu moins regardants sur leurs conditions de vie.

Ce qui compte, c’est le prix. Sachant que l’œuf d’une poulette qui vit dans une cage avec 16 autres congénères par mètre carré — c’est le cas d’une poule sur quatre en France — est proposé en moyenne 15 centimes pièce, contre 19 centimes celui d’une poule au sol, qui évolue librement à l’intérieur d’un poulailler où elle cohabite avec 9 cocottes par mètre carré, 25 centimes l’œuf de la poulette dite de « plein air », parce qu’elle jouit d’un parcours extérieur, et 38 centimes s’il provient d’un élevage bio.

La plupart des Français rechignent encore à mettre dans leur assiette de l’œuf pondu par une poule en cage, mais l’agroalimentaire et la restauration collective — qui, contrairement aux producteurs d’œufs en boîte, ne sont pas tenus de préciser le mode d’élevage — en utilisent respectivement dans leur tambouille 38 % et 76 %.

Ils pourront toujours prétendre qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs…


Article non signé lu dans le Canard enchaîné. 22/11/2023