Le patron a toujours raison.

Ah bon, mais c’est quoi, ton travail ?

Le personnel hospitalier demandait plus de moyens.

Les agences régionales de santé (ARS) ont créé des postes. Ce sont des postes qui attaquent l’hôpital de l’intérieur. C’est le cœur du travail des soignants qui est attaqué.


Les ARS ont, par exemple, créé des postes de « directeur qualité » ou de « case manager ». On a eu beau demander, on n’a pas encore bien compris en quoi consiste leur travail. Sinon à accélérer la transformation de l’hôpital en entreprise. Et puis, on a bien compris que le « directeur qualité » est mieux payé que les soignants.

J’ai demandé à consulter les fiches de poste de ces nouveaux emplois qui ne font qu’humilier un peu plus les soignants. J’ai eu mal au crâne avant d’avoir fini de lire les deux pages remplies de sigles et autres prothèses verbales. Je n’invente rien, je vous cite le profil de poste d’un « case manager » (rédigé par un FFCS (un « faisant fonction de cadre de santé ») de l’hôpital de Nantes) : « Le case manager coordonne l’ensemble des activités déterminées avec les usagers dans une idée de coopération interprofessionnelle. Il garantit la flexibilité et la variabilité de l’intensité des interventions. Le référent ou case manager assure ainsi la coordination avec les différents acteurs sanitaires, sociaux, les concertations, les liens avec la famille, et sera garant du « Parcours Global Coordonné » [PGC] de l’usager. »

Là, je prends un Doliprane.

Je demande au FFCS :

Des postes qui attaquent l’hôpital de l’intérieur ?

Mais l’objectif étant de détruire un service public qui coûte un pognon de dingue, on flingue les métiers qui le font vivre. On détruit des savoir-faire en les remplaçant par des nouveaux pseudo-métiers qui s’exerceront en distanciel.

« [Le case manager interviendra dans le cadre du] DIPPE (Dispositif Détection et Intervention Précoce dans les troubles Psychotiques Émergents), qui consiste à développer, en s’appuyant sur des dispositifs de soins et d’accompagnements, un projet de prévention secondaire en santé mentale. Le DIPPE se propose de favoriser la détection des jeunes âgés de 15 à 30 ans présentant des situations d’Ultra-Haut Risque (UHR) de transition psychotique et de permettre l’accompagnement de ceux-ci ainsi que de jeunes patients présentant des troubles psychotiques débutants, selon des pratiques reproductibles, déjà expérimentées à l’étranger et dans quelques centres français. Ces nouveaux modèles, fondés sur le case management, favorisent la coordination entre les différents acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux entourant les jeunes accompagnés, dans des soins spécialisés et un suivi intensif dans leur milieu de vie. » Non, le « case management » désorganise une équipe de soins.

La coordination, elle a lieu de fait quand nous ne sommes pas empêchés de travailler par des avalanches de mails et de formulaires informatiques à remplir, qui entravent l’écoute du patient et les échanges entre les soignants.

Alors ça n’est à la fois contre la réforme des retraites qu’il faudrait manifester, c’est contre l’usage de ces mots escrocs et de ces faux métiers qui détruisent ce qui reste d’humanité dans les pratiques d’accueil et de soin.


Yann Diener. Charlie Hebdo. 25/01/2023