Uber Files

Nombre de personnes, dans le petit monde entre 2014-2016 des affaires, le considéraient alors comme l’incarnation française de la modernité, en opposition au « vieux monde » ronronnant. Le premier politique « et de droite et de gauche » capable de concilier les intérêts économiques du monde des affaires tout en emportant l’adhésion du corps social.

 Le seul à même de comprendre la « start-up nation », très à la mode à l’époque et la nécessité d’« ubériser » la société afin d’annihiler les situations de rente. 

On sait désormais que tout cela n’était que de l’esbroufe.

À l’époque, Macron était surtout un VRP de luxe des grandes firmes américaines voulant s’implanter en France, au premier rang desquelles Uber, le service de véhicules de transport avec chauffeurs (VTC). C’est un consortium de médias internationaux, dont Le Monde fait partie, qui a révélé l’été dernier ce scandale nommé « Uber Files », et qui a amené à la création d’une commission d’enquête parlementaire à la demande des députés de La France insoumise.

C’est dans ce cadre que le lanceur d’alerte à l’origine des « Uber Files », Mark MacGann, ancien lobbyiste en chef d’Uber quand Macron était à Bercy, a été auditionné le 23 mars par la représentation nationale.

L’occasion de se replonger dans cette période trouble du passé de l’actuel chef de l’État.

Malgré tous les efforts du président de la commission d’enquête, le député macroniste Benjamin Haddad, pour que les discussions portent le moins possible sur les agissements d’Emmanuel Macron à cette époque, Mark MacGann, également questionné par la rapporteure de la commission, l’insoumise Danielle Simonnet, en a suffisamment dit pour que l’on comprenne qu’Emmanuel Macron était le cheval de Troie d’Uber au sein du gouvernement Valls. Alors même que les pratiques de la firme américaine étaient souvent illégales. 

En première ligne pour « vendre » le modèle d’Uber aux pouvoirs politiques dans les années 2010, Mark MacGann se souvient d’avoir d’abord essuyé de nombreuses fins de non-recevoir des cabinets de François Hollande à l’Élysée, de Manuel Valls à Matignon, de Bernard Cazeneuve à l’intérieur, et d’Alain Vidalies aux transports. Tous voyaient bien que les pratiques d’Uber étaient sulfureuses. 

Sur le plan fiscal, d’abord, Uber n’a jamais voulu s’aligner sur la loi française. Pour ne pas payer d’impôts, « on disait qu’Uber France SAS n’était qu’une petite société marketing qui faisait de la promotion, et que les décisions se prenaient à Amsterdam, ce qui était faux », témoigne Mark MacGann.

La firme américaine était également dans le viseur de l’Urssaf qui la soupçonnait de déguiser le salariat de ses chauffeurs en auto-entreprenariat pour ne pas payer de cotisations sociales. La firme a tout fait pour organiser l’opacité autour du véritable statut de ses chauffeurs ; « ça aurait tué le modèle économique d’Uber », dit Mark MacGann.

Pareil avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui contrôlait régulièrement Uber pour ses pratiques commerciales déloyales par rapport aux taxis et aux VTC autorisés.

Effectivement, grâce à ses nombreuses collectes de fonds, Uber « était armé de milliards de dollars », ce qui lui permettait de « proposer des courses à des prix incroyables, décorrélés de toute réalité économique – on appelle cela du dumping », explique Mark MacGann. En vérité, « Uber faisait sciemment un bras d’honneur à la République », ajoute-t-il. 

Et que dire du cynisme absolu envers ses chauffeurs qui, pour « beaucoup, manquaient d’opportunités pour bosser, n’avaient pas le bac : on les séduisait avec des iPhone gratuits, des vêtements, des promesses de salaires mirobolants ». Mais « progressivement, on leur a enlevé des subventions, qui étaient à la base faites pour casser les prix des courses, et l’on a aussi augmenté les commissions que l’on prélevait ».

C’est quand il s’est rendu compte de ces « mensonges » faits aux chauffeurs que Mark MacGann a compris que « le but réel d’Uber était d’enrichir une poignée de personnes aux dépens des autres ». En somme, de réduire à néant « toute réglementation ou loi qui pourrait créer un coût, et ainsi diminuer la part des profits distribuée aux dirigeants et aux investisseurs ».

Selon Mark MacGann, Uber est une société qui, quand elle investit un nouveau marché, « plutôt que de sonner à la porte » pour convaincre les acteurs locaux du bien-fondé de son modèle, « prend un pied de biche et la défonce ».

Hélas, l’entreprise avait beau être « à 90 % dans l’illégalité », dans ce « monde des start-up très à la mode », elle avait des soutiens. Emmanuel Macron, alors « perçu comme le champion de la “French Tech” », était l’un d’entre eux. 

[…]


Mathias Thépot. Médiapart. Source (courts extraits)


Une réflexion sur “Uber Files

  1. bernarddominik 29/03/2023 / 14h30

    Macron est à la tête d’un système de corruption sans précédent dans notre république, pourtant conçue pour la corruption.

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