Au cœur de la revendication…

… l’avenir du collège et la colère enseignante

Écoles fermées, cortèges multiples : la journée d’action, ce jeudi 01 février 2024, à l’appel de la quasi-totalité des syndicats, s’annonce puissante, de la primaire à l’université.

L’actuelle ministre de l’Éducation -pour combien de temps encore compte tenu de ses gamelles – Amélie Oudéa-Castéra risque de vivre sa montée au Golgotha en cette journée de grève et de manifestations dans l’éducation nationale. Dépassons ses maladresses déclaratives, parlons avant tout l’état de l’école et ce que le gouvernement lui promet, du « choc des savoirs » à la réforme des lycées professionnels ou agricoles, qui mettent les enseignants en colère.

Et pas seulement les enseignants. Il est peu commun, en effet, de voir les syndicats de personnels de direction et même les inspecteurs exprimer leur inquiétude et appeler dans la foulée à la mobilisation.

Côté inspecteurs, le SUI-FSU dénonce « l’épuisement professionnel » qui les frappe, à base de « demandes toujours plus urgentes et d’injonctions contradictoires », avec au final une volonté de « réduire (leur) rôle à la promotion des consignes ministérielles », dont ils contestent le bien-fondé.

Du côté des personnels de direction, il est tout aussi rare de voir le syndicat majoritaire, le SNPDEN-Unsa, plutôt accompagnateur des réformes depuis 2017, contester aussi vertement les dernières annonces. Dans une lettre adressée à la ministre, son secrétaire général, Bruno Bobkiewicz, dénonce « une vision et un projet pour l’école antinomiques avec les valeurs portées par le SNPDEN-Unsa ».

Au cœur de la colère : l’avenir du collège et la contestation, sur le fond comme sur la forme, de la mise en place de groupes de niveau en mathématiques et en français, dès la rentrée 2024 en 6ᵉ et en 5ᵉ et à la rentrée suivante en 4ᵉ et 3ᵉ.

Sur le fond, le Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, dénonce un « tri stigmatisant des élèves qui définira dès l’entrée en 6ᵉ leur parcours scolaire ». La quasi-unanimité des enseignants et de leurs organisations redoute, pêle-mêle, l’éclatement du groupe classe (français et mathématiques représentent un gros tiers des emplois du temps) dont les conséquences ont déjà été mesurées, sur des élèves pourtant plus âgés, avec la réforme du lycée.

Des doutes plus que sérieux s’expriment sur les effets du regroupement des élèves les plus faibles et aussi sur le stress généré, pour des enfants de 11 ans, par les tests d’évaluation nationale à l’entrée en 6ᵉ qui détermineront les groupes de niveau vers lesquels ils seront dirigés.

Tous s’inquiètent également de la volonté de faire du diplôme national du brevet (DNB), en fin de 3ᵉ, un point de passage obligatoire conditionnant l’accès au lycée. Le risque de « relégation scolaire » est pointé dans les classes « prépa lycée » envisagées pour celles et ceux qui n’obtiendraient pas le DNB.

Car, au-delà des objections de fond, le contexte vient lui aussi mettre en cause la valeur de ces dispositifs. Groupes de niveau comme « prépas lycée » vont exiger des postes… qui n’existent pas, et que les 2 300 créations – dont une majeure partie par redéploiement – annoncées par la ministre ne suffiront pas à éponger. Moyennant quoi, en 6ᵉ et 5ᵉ, la limitation à 15 des effectifs des groupes « faibles » impliquera, de façon mécanique, des effectifs à 30 et plus dans les autres groupes, donc une dégradation des conditions d’apprentissage.

Quant aux « prépas lycée », s’il s’avère impossible de les créer en nombre suffisant pour les quelque 93 000 élèves (chiffres de l’échec au DNB 2023) concernés, que deviendront ces derniers ? La réponse probable à ces questions redouble la colère : tout se fera au détriment des dédoublements en langues et en sciences, des options telles que langues et cultures de l’Antiquité ou européennes, des classes bilangues…

Autant de dispositifs souvent conçus, entre autres, pour diversifier les parcours et (ré)introduire de la mixité socio-scolaire dans les collèges, dont ni les enseignants ni les familles ne souhaitent faire table rase.

Mais la colère ne se limite pas au collège : de la primaire – où des centaines d’écoles devraient être fermées, en particulier en Île-de-France – au supérieur, où la dégradation des salaires et des conditions d’études atteint des sommets, en passant par les lycées professionnels et aussi l’enseignement agricole, elle déborde à tous les étages et atteint aussi les parents, comme en témoigne le soutien apporté par la FCPE au mouvement de ce jeudi. Sans vraies réponses, elle ne risque guère de s’éteindre.


Olivier Chartrain. Source (extraits)


3 réflexions sur “Au cœur de la revendication…

  1. raannemari 01/02/2024 / 19h55

     » Dépassons ses maladresses déclaratives,  »
    Appelons les choses par leur nom : il s’agissait de mensonges et non de « maladresses déclaratives !

    • Libres jugements 01/02/2024 / 20h36

      Certes Anne-Marie, mais ce texte ne m’appartient pas. Reste que tu as raison.
      Amitiés. Michel

  2. tatchou92 01/02/2024 / 22h00

    Ils touchent à ce que nous avons de plus sacré… nos enfants, nos petits enfants qui s’entassent dans des amphis surchargés, parfois assis dans l’escalier… dans ma ville nous nous battons depuis près de 50 ans pour un Lycée.. pas grave leurs mômes sont accueillis dans les boites privées… et c’est la même bagarre à chaque rentrée contre les fermetures de classes… Bravo aux jeunes qui réussissent dans ces conditions, solidarité avec les familles et les enseignants qui aiment leur métier et désespèrent.

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