Pourquoi, oui pourquoi…

… les médias se gardent bien de relater le grave dysfonctionnement « perpétré » par un ex-baveux, devenu chef au Ministère de la justice ? Oui pourquoi parce que qui croira encore que la probité règne dans l’organisation de la justice en France… ? MC

Un procès pour savoir si le garde déchoit

Eric Dupond-Moretti est furibard !

Lundi 6 novembre, alors que son procès devant la Cour de justice de la République (CJR) ne fait que commencer, Rémy Heitz, le procureur général près la Cour de cassation, se lève pour prononcer une déclaration liminaire.

Ce n’est pas très habi­tuel, mais le procès l’est encore moins : un ministre de la Justice jugé pour prise illégale d’intérêts, en plein exercice de ses fonctions, par des magistrats dont il est le supérieur hiérarchique.

Le caractère en tout point inédit de la situation n’a pas échappé au procureur, qui doit porter l’accusation contre celui qui l’a nommé à son poste en juillet dernier. Et pas davantage aux magistrats, « dont la carrière dépend de celui-là même » qu’ils doivent juger.

Il faudra à tout ce petit monde « s’élever » pour conserver son « impartialité », explique l’avocat général. L’enquête « suffit (…) à comprendre les tenants et les aboutissants de cette af­faire », ajoute-t-il.

Mieux, selon Rémy Heitz, « les faits eux-mêmes, qui se déroulent le temps d’une saison (…), sont établis (…). Leur matérialité ne soulève que peu de questions ». Si tout est limpide, autant rentrer chez soi !

Jacqueline Laffont, l’avocate du ministre de la Justice, bondit. Elle dénonce « un préréquisitoire », alors que les débats n’ont pas encore commencé.

Eric Dupond-Moretti fixe lourdement l’avocat général.

Avocat de conscience

Tout ça pour une rancune un peu trop tenace ? L’ex-ténor est soupçonné d’avoir mélangé les genres, usant de sa position de ministre pour régler ses comptes avec quatre magistrats auxquels il avait eu affaire en tant qu’avocat : le juge Edouard Levrault, dans une affaire monégasque, et trois de ses collègues du Parquet national financier (PNF).

Tous ont été l’objet de rapports de l’Inspection générale de la justice (IGJ), suivis de procédures disciplinaires… avant d’être blanchis par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

L’enquête de la CJR a dressé contre le ministre un inventaire
du tout-ce-qu’il-ne-fallait-pas-faire.

Nommé le 6 juillet 2020, Dupont-Moretti retire peu après une plainte qu’il avait déposée, en tant qu’avocat, contre les trois magistrats du PNF, à la suite d’investigations dont il avait fait l’objet dans le dossier Bismuth, visant Nicolas Sarkozy.

Direction de cabinet

Selon les juges de la CJR, c’est bien le signe qu’il « avait conscience de l’existence de ce conflit d’intérêts ». Mais « Acquittator » maintient l’inspection disciplinaire contre les magistrats, conservant ainsi, selon l’instruction, « un intérêt moral personnel dans le résultat de l’enquête (…) l’ayant personnellement visé ».

Les juges de la CJR en sont convaincus : en poursuivant Levrault, le ministre a aussi fait primer son intérêt personnel.

Pour sa défense, Eric Dupond-Moretti explique qu’il n’a fait que suivre les recommandations de son administration… et celles de François Molins, procureur général près la Cour de cassation et la CJR.

Ce dernier, interrogé par le cabinet du ministre sur le bien-fondé d’une enquête administrative contre les magistrats, avait assuré : « Il faut y aller. » Et pourtant… Ce même François Molins, quelques semaines plus tard, va engager les poursuites contre son ministre et signer une tribune (« Le Monde », 29/9/20) pour « alerter » sur un potentiel conflit d’intérêts de Dupond-Moretti.

Comprenne qui pourra.


Le garde des Sceaux encourt cinq ans de prison et 500 000 euros d’amende.


Marine Babonneau. Le Canard enchaîné. 08/11/2023


4 réflexions sur “Pourquoi, oui pourquoi…

    • Libres jugements 15/11/2023 / 15h07

      C’est vrai que c’est un peu guignol cette histoire.
      Attendons le verdict qui devrait avoir lieu ce mercredi 15 novembre dans l’après-midi.
      À entendre les comptes-rendus d’audience, le baveux ministre serait en très mauvaise posture. Voyons si la sentence sera à la hauteur de l’embrouille.
      D’ores et déjà, nous avons pu constater à maintes reprises que la sentence n’a pas la même valeur envers le péquin du coin et un « élevé au rang de pseudo dignitaires ».

  1. Anne-Marie 16/11/2023 / 19h00

    Comme le disait, déjà, un certain de la Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable …

  2. Pat 16/11/2023 / 19h38

    On est jeudi…Il est condamné (avec sursis). Ceci dit, ce n’est pas de sa faute: c’est vraiment dur de trouver du petit personnel aujourd’hui. A France travail peut-être…faut voir…

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