De l’audace partout…

… sauf au Goncourt !

Le Femina à Neige Sinno et à son admirable Triste Tigre (éd. P.O.L) ; le Médicis — et le prix Décembre — à Kevin Lambert et Que notre joie demeure (éd. Le Nouvel Attila), sa fresque sociale aiguisée, et côté essais, à l’étincelant et exceptionnel Proust, roman familial (éd. Robert Laffont), de Laure Murat ; le Flore au décapant Western (éd. Stock), de Maria Pourchet…

Égrenant, jour après jour, tout au long de la semaine dernière, les noms de leurs lauréats de l’année, les jurys des grands prix de l’automne sont venus ponctuer d’une note pertinente, donc réjouissante, une rentrée littéraire 2023 aussi riche que passionnante. Une rentrée forte en textes tout ensemble engagés et/ou soucieux de faire bouger, secouer, renouveler les formes.

Une rentrée portée par des voix singulières, fortes, souvent féminines : celle, bousculante et profonde, de Neige Sinno, dont le Triste Tigre restera le livre marquant de cet automne littéraire ; celle aussi, élégante et euphorisante, de Laure Murat ; celle, délicate et secrète, de Dominique Barbéris, lauréate du Grand Prix du roman de l’Académie française pour Une façon d’aimer (éd. Gallimard); celles encore de Louise Erdrich (La Sentence, éd. Albin Michel), Han Kang (Impossibles Adieux, éd. Grasset) et Lidia Jorge (Misericordia, éd. Métailié), souveraine triade se partageant les lauriers du Médicis et du Femina, côté romans étrangers.

Dans ce palmarès généreux, ambitieux, pleinement contemporain et sans fausse note, la dissonance est à mettre sur le compte du Goncourt. Arc-boutée sur son souci, brandi en étendard, de promouvoir la « littérature populaire », l’Académie des dix a choisi le romanesque, mais aussi très bavard et peu novateur Veiller sur elle (éd. L’Iconoclaste), de Jean-Baptiste Andrea.

N’aurait-elle pas pu faire preuve de davantage d’audace ? Le vrai succès rencontré par Triste Tigre en librairies n’incite-t-il pas à réviser les pseudo-critères censés déterminer ce qui est « populaire » et ce qui ne l’est pas ? On aimerait que les jeunes jurés du Goncourt des lycéens, dernier des prix importants et prescripteurs de la saison, viennent, dans quelques jours, donner une leçon de cran et de modernité à leurs aînés. Verdict le jeudi 23 novembre.


Nathalie Crom. Télérama N°3852. 08/11/2023


3 réflexions sur “De l’audace partout…

  1. bernarddominik 15/11/2023 / 8h32

    J’espère que « les Goncourts » ont raison de vouloir un livre destiné à un public populaire. Il y a de moins en moins de lecteurs, autant ne pas en perdre encore.

    • Libres jugements 15/11/2023 / 15h01

      Bonjour Christine, merci pour tes commentaires.
      Lorsque je pénètre dans la boutique de ma libraire préférée, au maximum une fois tous les 15 jours, voilà un de mes lecteurs–client préféré. Il faut dire qu’en moyenne je me procure 4-5 livres Environ toutes les quinzaines voir trois semaines lorsque les auteurs ont une écriture un peu plus personnalisée.
      Concernant les lauréats de prix divers, je me garde de ses achats. J’attends de lire ou d’entendre sur la pose de tel ou tel gagnant avant d’éventuellement acquérir l’œuvre primée.

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