Une certaine justice

Je ne suis nullement juriste mais si ce qui est décrit est la stricte vérité, nous pourrons affirmer être dans une justice « dite » indépendante mais dictatoriale … et je le redoute… MC

Depuis le coup de chaud de Mélenchon et ses accusations baroques contre le pouvoir politique, le gouvernement et le parquet de Paris brandissent, tel le saint sacrement, la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) ayant autorisé les 17 perquisitions effectuées le 17 octobre.

Et pour cause : ce magistrat est supposé totalement indépendant, contrairement au procureur, placé sous l’autorité de la ministre de la Justice et à l’origine des demandes de perquisitions.

Pas sûr que cela suffise à faire taire les soupçons.

Le plus souvent, les juges des libertés se contentent de donner un coup de tampon machinal sur les demandes présentées par les procureurs. Cet automatisme n’a pas échappé à la commission des Lois du Sénat, qui a récemment déploré le « contrôle souvent trop formel » exercé par ces magistrats.

« Les JLD sont démunis : le dossier qui leur est présenté reste très partiel, ils ne peuvent donc pas toujours vérifier si l’atteinte à la vie privée des justiciables reste bien proportionnelle aux infractions soupçonnées », constate un procureur général. Et d’ajouter : « En général, il y a une pression très forte des enquêteurs, et le juge des libertés finit par céder pour ne pas prendre le risque d’être accusé d’avoir fait échouer les investigations. » Imparable…

Dans les affaires de terrorisme, les JLD font souvent preuve d’une belle plasticité.

En décembre 2015, par exemple, le juge des libertés de permanence au tribunal de Montpellier s’est contenté de copier-coller l’argumentaire du procureur pour autoriser la fouille du domicile d’un couple présenté par des voisins comme des sympathisants de Daech.

En janvier 2018, la Cour de cassation a sèchement rappelé tout le monde à l’ordre : dans un arrêt, elle a répété que les motivations des JLD devaient être « adaptées et circonstanciées », et qu’elles constituaient « une garantie essentielle » pour les libertés individuelles.

D’autres juges des libertés ont tenté de la jouer rebelle : après avoir réclamé en vain les éléments « précis » censés les justifier, ils ont retoqué des perquises ou des écoutes. Mal leur en a pris : les récalcitrants ont carrément été sommés par le procureur – qui n’en a pourtant pas le droit – de justifier leur veto devant une escouade de policiers furibonds. Ce qu’ils ont refusé aussi sec !

Dans les affaires politiques ou financières, en revanche, les JLD hésitent un peu moins à se pousser du col. Les demandes de perquisitions « prestigieuses » – chez un Fillon ou chez un Mélenchon – sont, en général, examinées de plus près que les dossiers visant un banal réseau de cambrioleurs.

Depuis sa création, en décembre 2013, le parquet national financier a ainsi essuyé quelques (rares) refus pour des visites domiciliaires. Un JLD de Nanterre a également envoyé sur les roses le procureur qui lui demandait, en 2013, une perquisition chez Michèle Alliot-Marie, dont le père était soupçonné d’abus de confiance. « Le JLD a estimé qu’il fallait ouvrir une instruction », se souvient un enquêteur. « Du coup, les perquisitions ont eu lieu un an après. »

Justiciable baladé

La plaisanterie ne fait sans doute que commencer. Très inspiré par le ministère de l’Intérieur, le projet de loi de programmation de la justice de Nicole Belloubet renforce (encore) les prérogatives des parquets. Ceux-ci mènent déjà près de 95 % des enquêtes judiciaires, sans la moindre intervention d’un juge d’instruction. Et sans que les avocats puissent demander le moindre acte ni assister aux perquisitions (voir ci dessous).

Une disposition – refusée par le Sénat mais qui devrait être rétablie par l’Assemblée – va même étendre encore la possibilité, pour les procureurs, de procéder à des perquisitions, à des écoutes téléphoniques, à des interceptions électroniques ou à des géolocalisations. Jusqu’à présent, les faits reprochés devaient être punissables d’au moins 5 ans de prison (en pratique : la grande criminalité ou le terrorisme). Désormais, ce sera 3 ans seulement – une limite permettant d’englober la quasi-totalité des infractions passibles de la correctionnelle…

La Chancellerie entend, à l’inverse, limiter davantage le rôle des juges d’ins­truction. Le justiciable souhaitant saisir directement un magistrat instructeur devra dorénavant se lancer dans un véritable parcours du combattant.

Depuis 2007, la loi lui impose déjà de soumettre au préalable sa plainte au procureur, lequel dispose de trois mois pour décider d’ouvrir ou non une enquête. Demain, ce sera six mois ! Et, si le procureur l’envoie balader, le plaignant ne pourra rien faire avant d’avoir réitéré sa démarche devant le procureur général…

Les ministres et responsables politiques soupçonnés de traîner quelques casseroles y gagneront, au passage, un précieux répit.

Merci qui ?

Zone interdite aux avocats

Aujourd’hui, aucun texte ne prévoit la présence d’un avocat lors d’une perquisition. Le 10 octobre [2018], pourtant, le Sénat a adopté, à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation de la justice, une disposition mettant fin à cette anomalie. Le gouvernement s’y est farouchement opposé et n’a pas caché son intention de faire supprimer cette modification par l’Assemblée. Nicole Belloubet, la garde des Sceaux, a expliqué sans rire aux sénateurs que cette avancée des droits de la défense constituerait « une complexification majeure de la procédure pénale ».

Son projet de loi entend renforcer les pouvoirs des parquets, pas ceux de la défense, nuance…


Hervé Liffran et Dominique Simonnot – Le Canard Enchainé – Titre original : « Des perquisitions sévèrement controlées … par des fantômes. » – Parution du 31/10/2018


 

5 réflexions sur “Une certaine justice

  1. bernarddominik 05/11/2018 / 11h35

    Il y a sans contexte une dérive autoritaire sous la présidence Macron. Un président dont les propos sont exagérés, comme comparer notre époque aux années 30, celles de Mussolini Hitler et Franco.

    Les réformes sans tenir comptes des partenaires sociaux, les limitations des droits du parlement, avec, comme pour se moquer de ceux dont les revenus nets baissent, la suppression de la CSG sur les émoluments des parlementaires, la hausse des salaires des ministres et de certains postes clés des emplois réservés. Et puis pour bien diviser les travailleurs, la bonne vieille méthode Sarkozy, les heures sup défiscalisées.

    • Libres jugements 05/11/2018 / 18h04

      Petite question Bernard:
      Dans votre commentaire vous avancez « la suppression de la CSG sur les émoluments des parlementaires »….
      Si vous trouvez la référence à votre affirmation, je suis preneur;

      Cordialement
      Michel

  2. jjbey 05/11/2018 / 17h39

    Il n’y a pas besoin d’être juriste pour comprendre que toutes les modifications intervenues et futures vont dans le même sens: restreindre l’accès à la justice pénales mais aussi civile pour ceux qui n’ont pas les moyens de se payer un avocat.

    Dégouter le justiciable de saisir un tribunal, le décourager d’utiliser ce qui devrait être le garant de ses droits et libertés voilà l’objectif. Pour vérifier mes propos allez dans un conseil de prud’hommes et demander à remplir un document pour saisir cette juridiction.

    Vrai que le travailleur du chantier NNNNN à qui le patron a « oublié » de payer les heures supplémentaires, qui a du mal à lire et à écrire va partir en courant et tenter d’oublier qu’on lui a porté préjudice.

    Mauvais calcul des technos abrutis car il arrivera le jour où celui qui se sent péjoré sera tenté de se faire justice lui-même. Ce sera la Far West ……

  3. tatchou92 06/11/2018 / 15h27

    Nos Parents ont lutté pour que nous connaissions des jours meilleurs : cela semblait possible, nous y avons cru aussi, espéré et milité pour cela(voir 68 pour ma génération, les 1ères mesures de 1981-82) et le réveil a été douloureux pour nous par la suite, ça tourne au cauchemar pour l’avenir de nos enfants et petits enfants, évitons le pire !

    • Luc Nemeth 09/11/2018 / 16h57

      En attendant les jours meilleurs, dont il n’y a pas à désespérer même s’ils se font attendre on serait au moins en droit d’exiger que ceux-qui-nous gouvernent respectent leur propre légalité : quiconque (comme c’est mon cas) à eu affaire à la voyoucratie de la place Vendôme, sait à quoi s’en tenir…

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