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C’était beau comme une soirée électorale. Tous se félicitaient, les sondeurs s’étaient trompés, une fois de plus ; le PS résistait mieux que prévu, somme toute ; et Sarkozy poussait un immense soupir de soulagement. Lui avait gagné son pari : l’union UMP-UDI-Modem empêchait le FN de se proclamer “premier parti de France”.

Les fameux “éléments de langage”, de plus en plus caducs

De son côté, Manuel Valls s’auto-congratulait d’avoir mené campagne contre le FN et s’attribuait le mérite des quelques points de participation supplémentaires. Comme quoi, quand on veut mobiliser, on peut mobiliser, répétait-il en substance.

Une possible bérézina avait été évitée, c’était indéniable, il restait à gérer une simple déroute. Pour un peu, Valls l’aurait transformée en une petite défaite de rien du tout, un épiphénomène. C’est beau, la communication, beau comme un mirage qui s’est évaporé au fil de la soirée.

Ne sont restés que les fameux “éléments de langage”, de plus en plus caducs à mesure que s’accumulaient les mauvaises nouvelles. Mais Cambadélis insistait : le PS avait fait mieux qu’aux municipales, mieux qu’aux européennes et mieux que ce que les plus funestes sondages lui promettaient.

A l’écouter, on commençait à se dire que les sondages ne servaient qu’à ça, au fond : exagérer la catastrophe pour que les dirigeants socialistes puissent pousser un soupir de soulagement plutôt qu’un cri de dépit.

Ce 22 mars restera un très mauvais souvenir

Car dimanche prochain, puis jeudi 2 avril, au moment de l’élection des présidents des conseils départementaux, la troisième sévère défaite électorale d’affilée de la gauche risque d’être sérieusement aggravée. Le PS comptera alors ses départements perdus et se rapprochera de ses plus basses eaux, des 23 départements détenus en 1992, en plein mitterrandisme déliquescent. Et ses adversaires de gauche, qu’ils soient mélenchonistes, duflotistes, voire aubrystes, n’auront aucune raison de se réjouir, tant ils auront peiné à incarner une alternance crédible. Pour eux aussi, ce 22 mars restera un très mauvais souvenir, perte du Nord comprise.

La droite, elle, a gagné. Personne ne peut le lui contester. Mais laquelle ? Celle qui se place à la remorque idéologique du FN dès qu’il s’agit d’emballer un scrutin dans sa dernière ligne droite, au point de s’attaquer sans honte aux menus de substitution des cantines scolaires ? Ou celle qui se tient un peu mieux, à peine, et qui continue de marteler la nécessité de l’union de la droite et du centre, et donc d’une primaire présidentielle qui les réunirait tous ensemble ? L’UMP Sarkozy ou l’UMP Juppé ? Les deux à la fois, sans doute, et c’est bien là leur problème.

Le vainqueur inattendu de la soirée 

Le triomphe complet du FN a été évité, c’est vrai et c’est une bonne nouvelle.

Mais la moins bonne est qu’il continue de progresser, dans des élections qui l’intéressaient pour la première fois, représentés par des candidats souvent inaptes, voire carrément transparents.

Les électeurs frontistes ont parfois voté pour des fantômes, et le FN fait pourtant 25 % des suffrages exprimés, soit 5 millions de voix. Là encore, ça aurait pu être pire, certes, mais c’est un score qui doit laisser songeur Bruno Mégret, le grand théoricien déchu de la nécessaire implantation locale du Front national. Alors qu’il n’existe plus politiquement depuis longtemps, c’est lui le grand vainqueur de ce 22 mars.

Victoire posthume.

Edito de Frédéric Bonnaud – Les Inrocks. Source de l’article