Chercher du travail à 55-60 ans

Pour inciter les plus âgés à travailler jusqu’à 64 ans, le gouvernement veut réduire leur durée d’indemnisation au chômage. Mais pas facile de trouver un poste pour les plus de 55 ans…

La misère serait moins pénible au soleil », voulait croire Aznavour.

Face à la Méditerranée, alors qu’elle se refait le film de la décennie écoulée, Laurence Bricteux frôle la métaphore musicale. Ancienne directrice générale de NRJ chargée du numérique, elle a posé ses valises à Marseille lorsqu’elle a perdu son poste, en 2013. Ses réponses à des offres d’emploi tombent alors dans le vide, son réseau professionnel est amorphe, son téléphone ne sonne plus : autant quitter Paris pour un ailleurs moins cher et moins gris.

« Je n’avais jamais cherché de travail, c’était mon premier trou d’air, se remémore cette ex-cadre de 56 ans. Mes interlocuteurs ont commencé à me faire comprendre que retrouver un poste dans le numérique serait compliqué vu mon âge, et que je serais davantage employable avec dix ans de moins… » Voilà pour la date de péremption.

Laurence, mère célibataire, s’attelle alors à « bricoler pour faire rentrer des sous ». Celle qui a gagné ses galons chez Apple et Monter, un site de recherche d’emploi, se lance dans l’apprentissage du code, l’enseignement du marketing digital et se fait coach en entrepreneuriat, enchaînant les petits contrats. « On m’a proposé des missions à 500 euros par mois en capitalisant sur mon CV sans me payer à ma juste valeur », soupire-t-elle. Elle mettra plus de quatre ans à décrocher un CDI au sein de l’école Simplon.

« L’âge, un frein majeur »

Des Laurence en quête du rebond professionnel à 55 ans passés, la France en compte des centaines de milliers. Plus de 1,5 million des inscrits à Pôle Emploi (devenu France Travail en début d’année) avaient plus de 50 ans en novembre dernier. Ils ont été poussés vers la sortie par des entreprises soucieuses d’alléger toujours plus leur masse salariale, avant d’être jugés à la va-vite « trop expérimentés », « trop chers » ou « pas assez dynamiques » par les recruteurs.

« L’âge reste un frein majeur du retour à l’emploi », a acté l’organisme dans une étude dédiée, en 2022. A tel point que ces seniors – un langage statistique qui hérisse certains des concernés – représentent plus du tiers des chômeurs de longue durée, c’est-à-dire sans activité depuis plus d’un an.

Qu’importe, pour le gouvernement qui rêve de son « plein-emploi », avec un taux de chômage à 5 % à l’horizon 2027. Aussi, après avoir diminué d’un quart la durée d’indemnisation de tous les chômeurs en février dernier, l’exécutif entend rogner spécifiquement celle des seniors. Avec l’ambition de doper leur taux d’emploi, inférieur à la moyenne européenne (55,9 % contre 62,4 %), notamment pour assurer l’équilibre financier des caisses de retraite.

Car aujourd’hui un futur retraité sur deux est inactif au moment de liquider ses droits.

La faute, selon l’exécutif, à un système d’assurance chômage trop généreux avec les plus anciens et qui n’incite pas à travailler plus longtemps… Dans le détail : les chômeurs sont indemnisés dix-huit mois jusqu’à 52 ans, puis vingt-deux mois et demi de 53 à 54 ans, puis vingt-sept mois à partir de 55 ans.

Olivier Dussopt, le ministre du Travail sortant, suggérait de décaler de deux ans ces seuils – comme l’âge de départ en retraite.

Bruno Le Maire, le très libéral ministre confirmé à l’Economie, prône, lui, un alignement de tous les chômeurs sur le même curseur – le moins favorable, de dix-huit mois. Ce sera à Cathe­rine Vautrin, nouvelle ministre du Travail, de trancher, sur la base des propositions formulées par les partenaires sociaux, d’ici à la conclusion attendue le 26 mars.

Le consensus va être délicat à trouver tant les syndicats restent hostiles à toute nouvelle coupe. « Les seniors ne sont pas responsables de leur situation, et réduire leur durée d’indemnisation ne va pas améliorer leur maintien ou leur accès à l’emploi, balaye Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT chargé du dossier. C’est de l’idéologie. »

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Agathe Ranc et Emmanuelle Souffi. L’Obs n° 3094 (extraits). 18/01/2024


Les prénoms ont été modifiés


2 réflexions sur “Chercher du travail à 55-60 ans

  1. bernarddominik 25/01/2024 / 18h28

    Dans une économie libérale seule une forte pénurie peut amener le patronat à embaucher des plus de 50 ans.
    Pour moi la seule solution c’est que l’embauche ne puisse se faire que sur des critères professionnels en imposant l’anonymat du CV, mais plus certain encore que les entreprises confient leurs recrutements à France Travail.

  2. tatchou92 25/01/2024 / 22h45

    Ont-ils oublié qu’ils s’étaient prononcés pour augmenter progressivement l’âge de départ à la retraite et augmenter la durée de cotisation requise ? Je pense à nos jeunes qui font des études supérieures pendant 5 ou 6 ans, à ceux qui n’ont rien trouvé en dehors de petits boulots, à ceux qui ont été licenciés et vont de CDD et CDD… A ceux qui sont malades et doivent être reclassés…Quel avenir pour eux et Qui va cotiser pour financer les retraites actuelles et à venir…??

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