Etat d’urgence : Restriction des libertés pour tous sans exception ?

Il y a toujours un revers aux bonnes intentions. Celles consistant a apporter une sécurité à la population française, en cette période d’attentats, risques de ne pas y échapper. Il fallait prendre des initiatives, changer des lois devenues obsolètes, inadaptées aux conflits terroristes, pour autant prenons conscience que ces lois peuvent restreindre pour longtemps la liberté de chacun de nous.

Je lis en ce moment le livre Vichy et les juifs et je suis effaré par les similitudes des lois prisent en 1941 par le gouvernement de Pétain et les projets et actions que préconise le gouvernement d’Hollande/Valls/Cazeneuve poussé par Sarkozy/Le Pen et consort. MC

Extraits d’articles « revue de la presse » du 19 Nov 2015

Senneville Valérie, Les Echos

L’exposé des motifs du projet de loi « prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions » explique la rapidité avec laquelle l’exécutif a réagi et l’ampleur des mesures qu’il entend mettre en œuvre. Présenté mercredi en Conseil des ministres, le texte sera discuté jeudi à l’Assemblée nationale et vendredi au Sénat. Il anticipe la révision de la Constitution qui introduira « UN RÉGIME CIVIL D’ÉTAT DE CRISE ». C’est à cette occasion que le gouvernement ajoutera d’autres mesures, comme :

  • la déchéance de nationalité des binationaux nés Français et la mise en place d’un système de « visas de retour » pour les djihadistes français rentrant de Syrie ou d’Irak ; mesures qui ne peuvent faire l’objet d’une loi simple.
  • (…) L’assignation à résidence élargie et renforcée L’article 4 « adapte et renforce le dispositif d’assignation à résidence », et L’ÉLARGIT A TOUTE PERSONNE « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Une définition particulièrement large qui permet d’inclure des personnes qui ont appelé l’attention des services de police ou de renseignement par leur comportement ou leurs fréquentations, propos, projets… Certains voient dans cette définition une atteinte disproportionnée aux libertés.
  • (…) La personne assignée peut se voir aussi imposer une interdiction de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes « dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ».
  • (…) Les perquisitions administratives sont étendues à tous les lieux, afin d’inclure les véhicules ou les lieux publics ou privés (accès aux données informatiques entre autre).
  • (…) Possibilité de dissoudre des associations (…) Le texte prévoit par ailleurs la dissolution d’associations ou de groupements de fait (…), « compte tenu notamment du rôle de soutien logistique ou de recrutement que peuvent jouer ces structures ».
  • (…) Enfin, le projet supprime la possibilité de prendre des mesures assurant le contrôle de la presse et des publications de toute nature, ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales. (Note la presse écrite, les médias audio ou télévisuelles presque exclusivement aux mains de « capitaines » d’industries ou d’entreprises, directement en accord avec les autorités ou prêtent à se soumettre pour leurs intérêts financiers. MC)

Bredoux Lénaïg, Médiapart

  • (…) Les policiers seront notamment autorisés à porter leur arme en dehors du service, une vieille revendication de la droite et des syndicats de police.
  • (…) Le décret pris par le conseil des ministres, réuni en toute hâte, dans la nuit de vendredi à samedi, permettait d’instaurer l’état d’urgence sur tout le territoire métropolitain pour 12 jours. C’est la limite fixée par la loi. Pour aller au-delà, il faut passer devant l’Assemblée et le Sénat : c’est le premier objectif du texte validé mercredi 18 novembre en conseil des ministres qui prolonge l’état d’urgence à trois mois, « à compter du 26 novembre 2015 ». Mais au gouvernement comme dans la majorité, personne n’exclut que cette période ne puisse être prolongée par la suite. « La perspective que d’autres attentats aient lieu dans les prochaines semaines ne peut être écartée », a affirmé l’influent président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, le député PS Jean-Jacques Urvoas.
  • (…) Une personne assignée à résidence pourra désormais être escortée au lieu de résidence fixé par les policiers ou les gendarmes. Elle pourra être contrainte de pointer, jusqu’à trois fois par jour, dans un commissariat ou à la gendarmerie, ainsi que de devoir remettre son passeport aux forces de l’ordre. Elle pourra aussi être obligée de rester jusqu’à 8 heures par jour à son domicile – un délai qui pourrait être porté à 12 heures lors du débat parlementaire : de très nombreux députés, sur tous les bancs, y sont favorables. Enfin, il sera désormais possible de lui interdire « de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Toutes ces dispositions n’existaient pas jusque-là. Mercredi soir, le groupe LR (ex-UMP) a par ailleurs proposé en commission des lois un amendement pour imposer le bracelet électronique aux assignés à résidence. Cette vieille revendication de la droite a été soutenue par plusieurs socialistes, dont Jean-Jacques Urvoas.
  • (…) Le gouvernement a en revanche maintenu l’interdiction de camps de rétention pour les assignés à résidence. « En aucun cas, l’assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes visées », précise la loi de 1955. Le député LR (ex-UMP) Laurent Wauquiez a proposé la création de tels camps pour toutes les personnes ciblées par une fiche S, soit plus de 11 000 personnes. François Hollande a indiqué lundi que le gouvernement allait saisir le conseil d’État pour examiner la faisabilité juridique d’une telle disposition. « J’en tirerai toutes les conséquences », a-t-il indiqué.
  • (…) Des perquisitions partout, tout le temps Le projet de loi élargit également le champ des perquisitions administratives permises par l’état d’urgence. Contrairement au droit commun, ces perquisitions peuvent être ordonnées de jour comme de nuit, en dehors de toute procédure judiciaire. Ce principe ne change pas. Il est même étendu : elles ne seront plus seulement possibles aux domiciles des personnes visées mais « en tout lieu, y compris un domicile (…) lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Ce peut donc être une salle de prière, un café ou une voiture…
  • (…)François Hollande veut également modifier en profondeur le droit du sol : il a annoncé qu’il allait proposer de déchoir de leur nationalité les binationaux nés français et de leur interdire leur retour sur le territoire, en cas de condamnation pour faits de terrorisme. Autant de mesures jusque-là portées par la droite et l’extrême droite.

Alemagna Lilian, Libération

A gauche, si le soutien au gouvernement se veut «sans ambiguïté», plusieurs voix distinguent déjà ce vote de la révision constitutionnelle que l’exécutif prépare et veut voir adoptée dans les trois mois. « Nous ne sommes pas prêts à inscrire dans le marbre des éléments qui, demain, pourraient créer un régime d’exception », prévient André Chassaigne (PCF). Sergio Coronado (EE-LV), qui votera contre le projet de loi comme trois autres députés – Noël Mamère et Isabelle Attard du groupe écolo, et Pouria Amirshahi au PS – met en garde les siens : « Quand on n’a pas ouvert sa gueule avant, c’est difficile de le faire après

En guise de conclusion …

Le Monde –  Dans une interview … Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, l’état d’urgence devrait être contrôlé par le Parlement

Le gouvernement aurait très bien pu demander une prolongation d’un mois et revenir tous les mois solliciter un renouvellement devant le Parlement. Cela aurait permis un contrôle démocratique et citoyen des mesures mises en œuvre. Un tel chèque en blanc est tout à fait symptomatique de notre conception monarchique des institutions. Ce serait totalement impensable dans les autres démocraties européennes. Au nom de quoi se prive-t-on du contrôle parlementaire ? C’est étrange ! Quels sont les risques ? Le climat politique est inquiétant. J’ai entendu le premier ministre annoncer que par mesure de sécurité il interdirait toute manifestation lors de la réunion de la COP21 à Paris. Interdire une expression citoyenne au nom de la sécurité, c’est grave. Et le justifier en disant que les rassemblements constituent des cibles est aberrant. Tout est une cible : le métro, les musées, les ministères… On ne va pas arrêter la Nation ! Utiliser une situation dramatique pour museler une expression citoyenne est une voie dangereuse. Et on va le faire devant les caméras du monde entier.

Quand j’entends Xavier Bertrand demander de faire un Guantanamo français pour 10 000 personnes, on est bien dans un climat de surenchère sécuritaire dangereux. C’est une situation où nous avons tous peur. Mais, le rôle des dirigeants dans une démocratie est de ne pas augmenter la peur. L’opinion est tellement traumatisée qu’elle pourrait accepter beaucoup de choses sans réfléchir. M. Bertrand fait exactement ce que Daech attend de lui. Plus on emprunte cette voie, plus on facilite le recrutement de futurs terroristes.