Turquie : Mœurs anachroniques inspirés par l’islamisme

Mœurs : S’embrasser en public ? Vous n’y pensez pas ! A Ankara, on veut interdire le baiser dans le métro mais les autorités ne font rien pour combattre les viols ou le mariage forcé des mineures.

Il y a deux ans, le service des enquêtes familiales et sociales a mené une étude sur 5.765 étudiants dans toute la Turquie. Il en ressort que la moitié d’entre eux n’ont pas d’amis de l’autre sexe et que 60 % sont confronta à la violence domestique.

Vers la même époque, un conducteur d’autobus d’Istanbul avait chassé à coups de pied de son bus un jeune couple qui s’était embrassé pendant le voyage. Le chauffeur en colère leur avait hurlé: « Mon bus n’est pas un bordel ! »Manifestement, cet homme pieux était convaincu que les bébés naissaient des baisers de leurs parents.

Pour protester contre cet incident, de jeunes anticonformistes, tous en couple, ont décidé de monter collectivement dans un bus et de s’y embrasser. Cette « manifestation des baisers » à bord d’un bus a donné lieu à un autre mouvement de protestation, cette fois déclenché par un groupe d’étudiants des écoles d’imams (religieux), bien décidés à lutter « contre le sexe dans la rue ».

Fin mai, environ zoo Turcs ont manifesté en masse dans une station de métro d’Ankara. Ils réagissaient à une annonce publique faite dans cette même station, qui invitait les passagers à « se comporter moralement ».

Des groupes religieux conservateurs les ont attaqués à la machette, scandant des slogans religieux, blessant certains des manifestants. L’incident du métro d’Ankara n’était qu’une répétition plus violente de « l’affaire du bus » d’Istanbul.

Les Turcs conservateurs feraient mieux de s’occuper de ce qui les regarde au lieu de s’appuyer avec arrogance sur le pouvoir de la toute nouvelle police d’État.

Quelles sondes « vraies valeurs » que défendent les musulmans conservateurs? La dignité humaine et la morale ? D’une certaine manière. Certains « musulmans sensibles » sont toujours prompts à se mobiliser pour taper sur des couples qui s’embrassent – et peut-être même pour les tuer. On ne les a pas vus quand on a appris que près de 80.000 femmes avaient subi des violences domestiques ou que la violence contre les femmes avait augmenté de 1400 % pendant les sept premières années de leur régime islamiste bien-aimé. On ne les a pas entendus non plus quand on a appris que, durant la seule année 2011, des hommes avaient violé 102 femmes et 59 filles.

Où étaient ces « bons musulmans » et leurs machettes dégoulinantes de sang pour leur sainte cause lorsqu’un éminent journaliste de 78 ans a avoué avoir couché avec une jeune fille de 14 ans parce que « l’islam autorise les relations sexuelles avec des filles qui ont atteint la puberté » ? Pourquoi pas un seul conservateur musulman ne s’est-il « senti offensé » et ne s’est-il « dressé » après la fameuse affaire de Siirt.

Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire.

En 2010, la femme du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, Emine Erdogan, a déclaré devant un parterre de dignitaires : « Dans notre civilisation au brillant parcours historique, la famille et la maternité sont sacrées. »

Naturellement, cela lui a valu des applaudissements nourris. Ironie du sort, seulement quelques jours avant ce discours, la Turquie avait été secouée par la nouvelle d’une série de viols survenus dans sa Siirt natale, y compris des cas d’adultes ayant violé des mineurs et de mineurs ayant violé des petits enfants, et en tuant un.

La maire de cette ville a déclaré : « C’est une petite ville et tous les habitants ont des  liens de parenté. Nous avons clos l’affaire après consultation du gouverneur et du procureur. » Et un nanisme a reproché aux médias d’avoir rendu compte de viols « qui ont eu lieu il y a un an ».

L’affaire de Siirt est emblématique d’une Turquie musulmane conservatrice, où, par exemple, on jugerait « contraire à l’honneur » que des garçons et des filles sortent ensemble ou se tiennent par la main en public. Il en irait de même pour les minijupes, les tatouages, les boudes d’oreilles chez les jeunes hommes, l’alcool, le porc, fumer pendant le ramadan et même laisser une femme montrer ses cheveux aux hommes.

Mais violer des mineurs et étouffer de tels actes en collaboration avec les autorités n’a rien de déshonorant. Et relater ces incidents irait également à l’encontre de nos nobles codes de l’honneur.

Des enfants qu’on marie ? Fort bien. Des épouses qu’on achète ? Pas de problème. Combien de moutons vaut une jeune fille de 15 ans ? Aux familles de marchander pour en décider. La  contre les femmes ? Une tradition.

Tuer sa propre fille parce qu’elle a été violée par un vaurien ou bien parce qu’elle est tombée amoureuse d’un garçon du voisinage ? Quand l’honneur de la famille est enjeu…

S’embrasser en public? Vous n’y pensez pas !…

Nous ne vous laisserons pas forniquer dans la rue !

Burak Bekdil – Publié le 29 mai – Hürriyet, Istanbul, Lu dans « courrier international » N°1179

A voir : la campagne « Kissing protest » à Ankara. http://www.hurriyetdailynews.com/