Ascenseur social en panne

Des réussites masquantes

La parole de ces nouvelles stars de la littérature, hier, manant parmis les manant, aujourdhui, franchissant les frontières et déjouant les lois de la reproduction sociale est recherchée par les maisons d’édition, étudiée par les universitaires, valorisée par les médias et volontiers adaptée au théâtre et au cinéma. […]

Qu’on les nomme « nomades sociaux », « déclassés par le haut », « miraculés », « migrants de classe » ou plus simplement « transclasses », ces parvenus, autrefois anonymes, se voient désormais choyés par l’intelligentsia de gauche, sensible à leur origine modeste, et brandis par la droite comme incarnations du mérite individuel.

« La question des transclasses, comme le storytelling qu’elle génère, est passionnante, commente l’éditrice Jeanne Morosoff. Elle est au cœur des divisions politiques qui agitent notre époque (sur l’égalité des chances, la mobilité, le mérite, le travail ou les retraites) et interroge autant les structures sociales que les trajectoires personnelles. »

« La place prise par les transclasses tient à l’intérêt actuel pour les parcours hors normes, pour les récits intimes qui sont à l’image de l’individualisme et de l’atomisation de la société, décrypte la philosophe Chantal Jaquet, […] Au-delà d’un phénomène de mode, la fascination qu’exerce leur révolution personnelle est aussi le symptôme de l’absence d’un projet politique fédérateur de transformation sociale. »

L’exposition le plus souvent médiatique des transclasses serait-elle donc un trompe-l’œil, masquant le fait que la France, obsédée par son propre déclassement international, demeure un pays massivement reproducteur d’inégalités, où nombre d’enfants connaissent une moins bonne réussite que leurs parents ?

[…]

« La bourgeoisie adore les transfuges de classe, et les expose comme des trophées. […] Les célébrant, c’est elle qu’elle célèbre. Le transclasse justifie l’ordre bourgeois ; le rachète ; le sanctifie. »

[…]


D’après un article signé de Juliette Cerf. Télérama. Source (Très courts extraits)


2 réflexions sur “Ascenseur social en panne

  1. bernarddominik 01/02/2023 / 22h57

    En ce qui me concerne, élevé en HLM, devenu petit cadre, mes trois enfants, un quadra deux trentenaires, on bien mieux réussi leur vie que moi. Et je connais plusieurs cas similaires au mien. L’ascenseur est en panne pour ceux qui n’ont pas compris que notre société est restée conservatrice, il est essentiel de savoir se présenter, parler sans outrance, ne pas faire de fautes d’orthographe ni de logique. Éviter les percings tatouages et autres marques montrant quelqu’un de trop influençable… un commercial avec un anneau au nez ne vendra pas.

    • Libres jugements 02/02/2023 / 10h37

      Quels sont tous ces clichés qui voudraient qu’habiter dans un HLM, dans une bourgade rurale éloignée de tout bourg, ne permettraient pas une ascension sociale, si la société le permet dans des conditions justes et équitables, sans possibilité de forfaiture.

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