La poubelle la plus chic de la planète

Un dossier de 10 000 pages à propos d’une simple poubelle !

Rédigé par des chercheurs, des ingénieurs, des futurologues, il vient d’être remis à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Celle-ci va l’éplucher pendant trois à quatre ans. Puis elle donnera un avis favorable. En 2027, un décret d’autorisation gouvernemental lancera le chantier de la mirifique poubelle nucléaire de Bure.

Des décennies de travaux, 270 km de tunnels à creuser à 500 mètres sous terre… C’est seulement à partir de 2085 qu’on commencera vraiment à la remplir.

Et dans plus d’un siècle, en 2150, lorsqu’elle sera enfin pleine à ras bord de déchets hautement radioactifs, on la bouchera. On la laissera tranquille pendant au moins cent mille ans, vu que les déchets restent mortels tout ce temps, et même plus. Voilà le scénario idéal, celui dont rêve la filière nucléaire, et au premier rang l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

Bure à encaisser

A-t-il quelque chance de se réaliser ? Les 83 000 m3 de déchets hyper-dangereux à enfouir posent quelques petits problèmes. Avant tout, celui des risques. L’incendie souterrain. Les infiltrations d’eau. La nécessité de maintenir en permanence l’aération du chantier et de l’exploitation. Les eaux souterraines infiltrées à extraire nuit et jour. Les incertitudes sur la récupérabilité des déchets défaillants.

La dangerosité des déchets bitumés, qui, sous l’effet de l’irradiation massive, relâchent de l’hydrogène, lequel s’enflamme quand sa teneur dans l’air dépasse 4 %… Sans compter le fait que ce chantier interminable et pharaonique va exiger de multiples intervenants et des transports de déchets dangereux incessants (terroristes, soyez fair-play, merci d’aller voir ailleurs…). On comprend que le « gendarme du nucléaire » prévoie de prendre son temps pour éplucher le dossier.

Problème financier, ensuite. La poubelle de Bure sera en or massif : 25 milliards, selon le chiffre officiel décidé au doigt mouillé par Ségolène Royal en 2016, alors que l’Andra, le maître d’ouvrage, avait prévu 34 milliards… Si cette estimation est aussi fantaisiste que celle claironnée au lancement de l’EPR de Flamanville, la facture finale sera à multiplier par six. Mais quelle importance ! Une fois de plus, nous aurons étonné le monde. Ce sera la poubelle la plus chic et la plus dangereuse de la planète.


Article signé des initiales J.–L. P. Le Canard enchaîné. 25/01/2023


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