Un bluff à 4,9 milliards ? Avec ajout.

 La Société générale aurait réalisé 1,8 milliard de profits sur les pertes attribuées à Jérôme Kerviel.

Notre enquête apporte de nouvelles révélations et permet de comprendre l’attitude de la banque au cours de la semaine du 21 janvier 2008. Trois interrogations surgissent : les 4,9 milliards que le trader est supposé rembourser ont-ils vraiment été perdus ? Quel a été le rôle exact de Daniel Bouton, pdg de la Société générale ? Le crédit d’impôt de 2,2 milliards octroyé à la banque est-il justifié ?

Au 35e étage de la tour Société générale, dans le quartier d’affaires de la Défense à Paris, la direction de la banque est sur le pont. Dans le bureau de Daniel Bouton, le grand patron, un groupe de banquiers sacrifie son dimanche pour tenter de mettre au point une stratégie de crise face à l’événement qui secoue leur établissement.

Nous sommes le dimanche 20 janvier 2008, un jeune trader de la banque, Jérôme Kerviel, a spéculé près de 50 milliards d’euros sur la hausse des marchés boursiers européens. Or ceux-ci s’effondrent. Panique à bord, le bateau Société générale tangue.

“On se croirait dans un épisode de 24 heures chrono

Quelques étages plus bas, au même moment, dans la salle des marchés de la banque, le même Jérôme Kerviel est entendu par ses supérieurs. “On m’a demandé de revenir le dimanche dans les locaux de la banque, et j’ai passé plusieurs heures dans une salle à subir un sorte d’interrogatoire privé”, se souvient aujourd’hui l’ancien trader.

Une version confirmée par Hugues Le Bret dans son livre (La semaine où Jérôme Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial, Points). Le directeur de la communication de la Société générale à l’époque est présent dans les bureaux ce dimanche-là : “Un téléphone pieuvre retransmet la conversation entre Luc (Luc François, le responsable de la salle des marchés – ndlr) et le trader (Jérôme Kerviel) pour que les auditeurs, installés dans une salle des marchés adjacente, puissent tout suivre. Les murs sont en verre, les deux hommes sont visibles. On se croirait dans un épisode de la série 24 heures chrono.”

Comment se débarrasser des 50 milliards de positions prises par Kerviel ?

Pendant que Kerviel se fait cuisiner façon Jack Bauer, plus haut dans les étages, dans le bureau du pdg Daniel Bouton, on s’interroge. Dans la pièce, on trouve Philippe Citerne, le numéro 2 de la banque, Jean-Pierre Mustier, qui supervise les activités de trading, Frédéric Oudéa le directeur financier (devenu depuis pdg de Société générale) et Hugues Le Bret en charge de la communication. La question qui agite les cinq plus hauts décisionnaires de la banque, c’est comment se débarrasser des 50 milliards de positions prises par Kerviel sans perdre trop d’argent dans l’opération, et sans mettre à mal la réputation de la banque.

Après s’être entretenu avec le conseil d’administration de la banque, Daniel Bouton décide que la meilleure chose à faire est de liquider les positions de Kerviel sans attendre, tout en cherchant de quoi renflouer la Société générale. Autrement dit, se débarrasser des 50 milliards tout de suite, même si cela risque de coûter très cher à la banque. Cette opération se nomme le débouclage.

Une opération menée dans le plus grand secret

Un débouclage pendant une partie de poker, par exemple, ce serait le moment où le joueur retire ses jetons de la table de jeu et passe au guichet encaisser ses gains ou constater les pertes. Mais un débouclage de 50 milliards reviendrait à retirer de la table un nombre de jetons si élevé que d’autres joueurs pourraient avoir envie de suivre le mouvement, de peur que la table ne s’effondre.

Pour éviter cela et permettre à ses équipes de commencer à travailler rapidement, Daniel Bouton décroche son téléphone et appelle coup sur coup Christian Noyer, le gouverneur de la banque de France, et Gérard Rameix, le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il doit passer un accord avec eux pour rendre légitime l’opération de débouclage.

Dans un cas pareil, la réglementation européenne impose une totale transparence sur une opération de ce genre, d’autant que sa taille est de nature à avoir des conséquences sur les marchés mondiaux. La Société générale est donc censée “porter dès que possible à la connaissance du public toute information privilégiée” (cf. directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 et de l’article 223-2 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers).

Soit on informe tout le monde, soit on ne dit rien à personne

Comprendre : faire une annonce dans la presse pour prévenir du raz-de-marée qui se prépare. Mais cette directive comprend une exception qui permet de retarder cette annonce, sous certaines conditions. L’une d’entre elles est vitale : “être en mesure d’assurer la confidentialité de l’information privilégiée”. Autrement dit, il est possible de ne pas rendre publique une information explosive, du moment que le secret est bien gardé. Question d’équilibre. Soit on informe tout le monde, soit on ne dit rien à personne.

Daniel Bouton passe un accord avec la Banque de France et l’AMF

Daniel Bouton choisit la seconde option et passe un accord avec les deux piliers français du monde de la finance : Christian Noyer pour le compte de la Banque de France et Gérard Rameix au nom de l’AMF, le gendarme des marchés. Devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale du 5 février 2008, ce dernier témoignera que le débouclage secret “est apparu comme raisonnable aux personnes dans la confidence. La décision de laisser faire – tout en surveillant l’opération – s’explique par le fait qu’une position de 50 milliards, pour une banque dont les fonds propres sont de 35 milliards, est mortelle”.

Entre ces trois institutions, le pacte est scellé. La Société générale va pouvoir commencer à solder les comptes de Kerviel dès le lendemain à l’ouverture de la Bourse. Mais voilà, contrairement à ce qu’il a promis, le soir même, le pdg de la Société générale aurait décroché son téléphone et contacté deux de ses collègues, deux grands patrons de banques françaises, Philippe Dupont et Georges Pauget, pour les prévenir de ce qui est en train de se jouer.

Marie-Jeanne Pasquette est journaliste spécialisée en finances. Elle hante les couloirs du monde de la finance depuis de longues années et si elle côtoie quelques grands banquiers, sa plume n’a pas pour habitude de les épargner. Passée par Les Echos, La Tribune ou encore La Lettre de l’Expansion, elle est aujourd’hui à la tête d’un site d’information économique indépendant : Minoritaires.com.

Daniel Bouton “voulait rassurer”

En décembre 2013, Marie-Jeanne Pasquette prépare la rédaction d’un ouvrage sur le milieu bancaire pendant la crise des subprimes. A cette occasion, elle rencontre deux grands patrons de banques : Philippe Dupont, à l’époque à la tête du groupe Banque populaire-Caisses d’épargne, et Georges Pauget, le directeur général du groupe Crédit agricole.

“Si les patrons n’avaient pas été informés, nous aurions joué contre la Société générale”

Devant Marie-Jeanne Pasquette, les deux dirigeants aujourd’hui à la retraite tiennent alors des propos qui l’étonnent : “Philippe Dupont et Georges Pauget m’ont affirmé avoir été appelés le soir du dimanche 20 janvier par Daniel Bouton et prévenus du débouclage des positions de Kerviel”, nous précise Marie-Jeanne Pasquette. Daniel Bouton “voulait rassurer”, aurait précisé Georges Pauget. Et Philippe Dupont aurait ajouté, après avoir confirmé à la journaliste la version de son confrère : “Si les patrons n’avaient pas été informés comme nous l’étions, nous aurions joué contre la Société générale.”

On comprend alors que Daniel Bouton, en prévenant les deux banquiers d’une opération censée rester secrète, aurait joué coup double : d’un côté il renforce les liens entre lui et ces grands patrons en leur offrant une information de première main, de l’autre il s’assure que ces deux-là n’aggraveront pas la situation en spéculant contre les positions de la Société générale.

Les deux banquiers auraient admis avoir immédiatement transmis l’information aux services concernés au sein de leur établissement : “J’ai dû donner l’information à mon directeur financier et à mon directeur des risques”, aurait précisé l’un d’eux. Au final, impossible de dire combien de personnes étaient au courant.

L’opération “débouclage” est lancée

Pour Marie-Jeanne Pasquette, ces appels ne seraient pas anodins : “Les marchés financiers ne sont pas cloisonnés, ce qui se passe à Paris a un impact à Wall Street, à Tokyo ou à Londres. La diffusion de cette information privilégiée a pu permettre à tous les financiers qui savaient de protéger leurs arrières, au détriment de ceux qui n’avaient pas l’information. Et certains ont pu être tentés de tirer parti de la situation”, écrit la journaliste sur son site web. Ce que ces témoignages ne nous apprennent pas, c’est si cette précieuse information a été utilisée pour générer des profits, malgré l’accord que Daniel Bouton a passé avec la Banque de France et l’AMF.

Contacté, l’avocat de la Société générale, maître Jean Veil, nous indique qu’un autre journaliste “a dans le passé proféré les mêmes accusations”. Bien qu’il ne précise pas de qui il s’agit, ni dans quelle publication, l’avocat ajoute : “Des plaintes pour diffamation ont d’ailleurs été déposées tant par l’ancien président de la banque que par la Société générale elle-même. Elles sont actuellement en cours d’instruction par un juge parisien.”

Sur le fond, Jean Veil affirme : “outre qu’elle aurait été illégale (l’intervention de Daniel Bouton – ndlr), elle ne présentait aucun intérêt pour l’intéressé et ne pouvait que détériorer la position d’une banque que son dirigeant et ses collaborateurs s’efforçaient de sauver après la découverte de la fraude”.

Ni le gouvernement, ni Bercy, ni l’Élysée ne sont prévenus

Si les patrons des banques Crédit agricole et Banque populaire-Caisses d’épargne auraient affirmé avoir été prévenus du séisme qu’allaient subir les marchés financiers, Daniel Bouton a en revanche pris la décision de ne tenir informé ni le gouvernement, ni Bercy, ni le président de la République, Nicolas Sarkozy.

Dans Sarko m’a tuer (Stock), les deux enquêteurs du journal Le Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet, interrogent Daniel Bouton sur ce point. Le pdg explique qu’il a préféré ne pas avertir l’Elysée de ce qui se préparait car “la capacité d’un cabinet ministériel à tenir confidentielle une information est très limitée, dans tous les cas de courte durée. C’est structurel”.

“Un mouvement de panique aux conséquences incalculables”

Daniel Bouton ajoute : “Il y avait une probabilité non nulle que huit à dix personnes soient prévenues dans les deux ou trois heures, ce qui aurait déclenché un mouvement de panique aux conséquences incalculables.” Daniel Bouton n’aurait-il pas également dû appliquer cette théorie à ses confrères Dupont et Pauget avant de les contacter ?

Lundi 21 janvier 2008, 8 heures du matin, Maxime Kahn, l’un des traders senior de la Société générale, arrive dans les locaux de la banque. L’homme, au crâne dégarni et au visage rond, a été prévenu la veille par ses supérieurs qu’une mission primordiale allait lui être confiée. C’est la première fois qu’on le dérange un dimanche soir, l’homme prend l’affaire au sérieux sans vraiment savoir de quoi il s’agit.

La Société générale a-t-elle perdu 4,9 milliards ?

Entendu plus tard par la justice, il expliquera que la mission que son supérieur direct, Luc François, le patron de la salle des marchés, lui demande alors d’accomplir, est de “passer une opération client importante, confidentielle de par sa taille”. Autrement dit, le trader s’apprête à vendre les 50 milliards d’euros de positions engagés par Jérôme Kerviel. “Pour assurer la confidentialité de l’opération, on m’installe dans une petite salle de trading isolée”, détaillera Maxime Kahn devant les juges.

Pendant trois jours, Maxime Kahn sera cantonné à cette tâche, tenant Luc François informé toutes les 15 minutes. Une opération qui se soldera par une perte sèche de 4,9 milliards d’euros pour la banque, annoncée en conférence de presse le jeudi 24 janvier.

Seulement voilà, au cours de notre enquête, nous avons pu avoir accès aux comptes de trading de la Société générale. Des milliers de pages qui détaillent l’activité de tous les traders de la banque sur le mois de janvier 2008. Et ce que nous avons découvert ne colle pas avec la version officielle de la banque et jette un doute sur ce chiffre de 4,9 milliards d’euros déclaré à la justice.

Le mystérieux compte SF594

Avec le compte SF581, Jérôme Kerviel jouait essentiellement sur deux indices européens : le DAX, qui est le principal indice boursier allemand, dont la valeur est fondée sur le cours des actions des trentes plus importantes entreprises cotées à la Bourse de Francfort. Et l’Euro Stoxx 50, un indice boursier équivalent au CAC40 mais au niveau de la zone euro. Dans les comptes de la banque, on peut voir que le débouclage effectué par Maxime Kahn aboutit bien aux pertes colossales annoncées par la Société générale. Mais l’activité d’une banque ne saurait se limiter à un seul de ses traders.

En observant de plus près les chiffres que comportent ces milliers de pages de relevés d’opérations, un autre compte, désigné SF594, a attiré notre attention. Pendant les mêmes trois jours du débouclage opéré par Maxime Kahn, et sur les deux mêmes indices DAX et Euro Stoxx 50, un autre trader aurait généré un profit de 1,8 milliard d’euros.

Gagner une telle somme sur un temps si court semble incroyable

Cela signifie-t-il que les mêmes contrats vendus par Maxime Kahn auraient été rachetés moins cher par un autre trader de la banque qui aurait réussi à en tirer profit ? Gagner une telle somme, sur un temps si court et sur les mêmes indices que ceux qu’étaient alors en train de vendre Maxime Kahn pendant le débouclage semble a priori incroyable. Pourtant, les chiffres sont là, mais n’ont jamais été présentés à la justice.

Pour mieux comprendre, comparons cette opération à une course hippique. Jérôme Kerviel a parié 50 milliards sur le fait que ses deux chevaux fétiches, DAX et Euro Stoxx 50, plutôt en mauvaise posture, allaient remonter dans le classement. Seulement voilà, c’est l’inverse qui se produit, ces deux chevaux rétrogradent. La Société générale décide donc de retirer la mise de Jérôme Kerviel, quitte à perdre de l’argent. Mais ce geste va avoir comme conséquence de ralentir encore plus les deux chevaux. Donc parallèlement, pour limiter la casse, la banque lance un autre pari sur ces deux mêmes chevaux, mais cette fois elle mise sur le fait qu’ils vont perdre. Plus la banque retire son argent d’un côté, plus elle  fait perdre de la vitesse aux chevaux, plus elle en gagne de l’autre.

“Comment croire la banque ?”

Nous avons apporté ces documents à un expert dans le domaine du traitement des informations financières et de trading : Philippe Houbé, un ancien employé du Fimat, une société de courtage, filiale à 100% de la Société générale. Son travail dans la banque était d’analyser et de transmettre les opérations des traders aux services de contrôle et de trésorerie.

Des relevés de comptes de traders, Philippe Houbé en a donc vu passer beaucoup, ce qui lui a valu de témoigner au procès de Kerviel. Après avoir expertisé les documents que nous lui soumettons, ses calculs arrivent tous à la même conclusion : un trader de la Société générale a bien généré 1,8 milliard d’euros de gains en trois jours sur les mêmes indices que ceux de Jérôme Kerviel.

“On voit clairement que du 21 au 25 janvier, les contrats achetés sur le compte SF581 (le compte de Kerviel piloté par Maxime Kahn – ndlr) sont revendus, et qu’un autre compte profite de la baisse provoquée par ces ventes pour acheter”, décrit Philippe Houbé avant de s’étrangler : “Non mais vous réalisez ce que ça veut dire ? Avec tous les risques qu’a pris Kerviel, il n’aura réussi à gagner que 1,5 milliard d’euros en un an. L’autre, avec le compte SF594, il gagne 1,8 milliard en trois jours… Comment croire la banque quand elle dit que le secret a bien été gardé ?”

“Les positions de Kerviel étaient couvertes ailleurs”

Dans un article de mai 2014, la journaliste Martine Orange de Mediapart qui suit de très près la Société générale depuis huit ans, évoque le témoignage de Michael Zollweg, un responsable d’Eurex, le marché à terme allemand sur lequel Kerviel passait ses contrats. Il aurait affirmé devant la brigade financière de Paris “que le 18 janvier 2008, Eurex s’apprêtait à relancer une nouvelle enquête sur les positions de la Société générale, compte tenu de leur ampleur large short and large long. En d’autres termes, la banque était vendeuse et acheteuse sur le DAX, ce qui laisserait entendre que les positions de Kerviel étaient couvertes ailleurs”, décrypte la journaliste.

Sur ce point, l’avocat de la Société générale, maître Jean Veil, nous confirme l’existence du compte SF594, mais selon lui, “ce compte reflétait chez Fimat les positions futures d’une activité de ‘basket trading’ sur l’indice Euro Stoxx 50, totalement distincte de l’activité de Jérôme Kerviel”.

Autrement dit, la banque aurait pris “deux positions de sens inverse sur des produits similaires”. Et pour justifier ces positions inverses, censées annuler les opérations réalisées par SF594, l’avocat ajoute : “Ceux-ci étaient logés dans un autre compte, qui n’était pas ouvert chez Fimat. Celui-ci demeurait donc invisible par Fimat et ses salariés.”

L’étonnement d’Eva Joly

La justice a désigné en première et deuxième instance Jérôme Kerviel comme seul responsable des pertes subies par la Société Générale, en se fondant sur le chiffre déclaré par la banque. Pour Eva Joly, ancienne magistrate spécialisée dans les crimes et délits financiers, “il est inexplicable que les juges n’aient jamais, en huit années de procédure, commandé d’expertise judiciaire indépendante sur les comptes de Société générale”.

Et l’ex-magistrate aujourd’hui députée européenne Vert-ALE insiste : “Pour obtenir un dédommagement pour votre bras cassé, par exemple, ou pour n’importe quel préjudice, il y a des expertises pour 10 000 euros. Alors comment expliquer qu’il n’y a pas eu d’expertise pour 4,9 milliards ?” D’après elle, ces chiffres sont “une indication qu’il y a peut-être eu des fuites de renseignements. Ce qui est certain, c’est qu’il y a là de quoi demander à la justice d’ouvrir une enquête, car nous ne pouvons pas nous contenter de la feuille A4 sur laquelle la Société générale a déclaré avoir perdu 4,9 milliards d’euros !”

Quand l’Etat accorde une ristourne fiscale de 2,2 milliards d’euros à la Société générale…

Ce que notre enquête révèle ne remet pas uniquement en question la somme perdue par la Société générale. Elle questionne également le cadeau fiscal dont a bénéficié la banque de la part de l’Etat français. Car c’est sur les 4,9 milliards d’euros déclarés perdus par Société générale qu’a été calculée une ristourne fiscale, elle aussi colossale, de 2,2 milliards d’euros que le ministère des Finances a accordée à la banque au titre de la fraude imputée à Jérôme Kerviel.

Un crédit d’impôt octroyé en deux parties, une première en 2009, et une seconde en 2010. Mais ce que nous avons découvert dans les comptes de la banque interroge sur la légitimité de ce remboursement monumental qui représente environ 120 euros par contribuable. Les Français auraient-ils remboursé à la banque Société générale une somme qu’elle n’aurait en réalité jamais perdue ?

Seule la justice peut commander une expertise judiciaire indépendante

Seule la justice peut déployer les moyens nécessaires pour répondre à cette question à 2,2 milliards d’euros. Seule la justice peut demander au marché à terme Eurex, en Allemagne, d’ouvrir ses comptes et éclairer la déclaration de Michael Zollweg. Seule la justice peut commander une expertise judiciaire indépendante dans les comptes de la Société générale afin de connaître l’activité de tous les traders de la banque pendant le débouclage. Et justement, le 21 mars 2016, la justice décidera si le procès de Jérôme Kerviel mérite d’être révisé ou non.

La cour de révision de Paris n’a jusqu’à aujourd’hui rouvert que onze dossiers judiciaires depuis 1945. A la lumière des éléments de notre enquête et des questions qui restent encore sans réponse, “l’affaire Société générale” ne pourrait-elle pas être le douzième dossier ?


Basile Lemaire-Les Inrocks. – Source


Ajout –

« Droit de réponse de Daniel Bouton  Le 1er mars 2016 a été mis en ligne sur le site http://www.lesinrocks.com, sous la signature de M. Basile LEMAIRE un article portant notamment sur les conditions de confidentialité ayant entouré le débouclage des positions colossales dissimulées par M. Jérôme Kerviel, découvertes pendant le week-end du 10 janvier 2008. […]

« Droit de réponse de Daniel Bouton

 Le 1er mars 2016 a été mis en ligne sur le site http://www.lesinrocks.com, sous la signature de M. Basile LEMAIRE un article portant notamment sur les conditions de confidentialité ayant entouré le débouclage des positions colossales dissimulées par M. Jérôme Kerviel, découvertes pendant le week-end du 10 janvier 2008. J’affirme n’avoir prévenu par téléphone les deux dirigeants des banques françaises cités, le premier, que le mercredi 23 janvier 2008 après la fermeture de la bourse, et le second, que le jeudi matin tôt avant ma conférence de presse tenue alors que le cours du titre Société Générale était suspendu. J’ai d’ailleurs personnellement joint aux mêmes moments d’autres dirigeants de grandes institutions, publiques ou privées, non cités dans l’article. Informer tel ou tel financier le dimanche 20 janvier 2008, comme le prétend Mme Pasquette, dont les allégations sont reprises dans votre article, aurait été contraire aux intérêts de la banque qu’il fallait sauver, mais surtout dépourvu de toute logique car personne à cette date ne pouvait prévoir ni la baisse massive des bourses asiatiques intervenue le lundi matin 21 janvier, ni l’ampleur des pertes qui en est résulté du fait du débouclage inévitable des positions aberrantes de M. Jérôme Kerviel. Le 23 janvier, l’essentiel du montant des pertes dues au débouclage a été connu et la nécessité d’une augmentation de capital de grande ampleur s’est imposée. J’ai donc averti, seulement à ce moment là, outre la ministre de l’économie, mes principaux confrères banquiers qui pouvaient assurer la liquidité dont nous allions avoir un besoin vital et ce pour éviter un mouvement de défiance très dangereux ainsi qu’une crise systémique. C’est ce qui a été fait et il n’y a pas eu de crise. »

Par des Inrocks