Moldavie et U.E.

Des emmerdements en perspective

La Moldavie a obtenu en juin 2022 le statut de candidat à l’entrée dans l’Union européenne. On peut espérer que celle-ci pensera à débloquer des fonds pour rénover les multiples bâtiments délabrés qui, une fois remis en état, feraient de Chisinau une belle capitale, ville tantôt russe, puis roumaine et soviétique, désormais centre d’un pays de 2,5 millions d’habitants à l’identité complexe.

Comme pour rappeler toute l’attention qu’elle porte à la Moldavie, mitoyenne de l’Ukraine et travaillée par de profonds courants prorusses, l’Europe y organisera en juin prochain le sommet de la Communauté politique européenne (CPE), une instance de concertation de la « plus large Europe », de Reykjavik à Bakou, un forum voulu par Emmanuel Macron, non soumis aux règles de fonctionnement de l’Union européenne et permettant d’associer les États qui n’y appartiennent pas, ou pas encore. Car depuis 1994, la Moldavie reste membre de la Communauté des États indépendants (CET), qui réunit les pays satellites de Moscou et avec laquelle elle est en train de rompre les amarres, économisant au passage 200 000 euros de contribution

Un pays divisé politiquement et fracturé culturellement

L’attente moldave vis-à-vis de l’Europe est immense en termes de lutte contre une corruption endémique, une économie illégale foisonnante et, bien sûr, une Russie dont la menace est omniprésente. D’abord parce que le pays est politiquement divisé entre libéraux proeuropéens, menés par la présidente, Maia Sandu, et communistes ou « socialistes » prorusses, appuyés par quelques oligarques entrés en politique pour faire prospérer leur fortune à l’ombre bienfaisante de Moscou.

L’un d’eux, Ban Shor, qui a fondé son parti, a profité de ses passeports russe et israélien pour prendre la tangente en 2019, après avoir détourné 1 milliard de dollars. C’est lui que les autorités moldaves comme Washington soupçonnent d’être derrière les récentes manifestations qui ont eu lieu à Chisinau contre la présidente Sandu. Objectif : empêcher l’adhésion à l’Europe.

La Moldavie est aussi fracturée culturellement. Le 16 mars, le Parlement a fait du roumain la langue officielle et, ethniquement, les Russes ne pèsent que 4 % de la population. Mais 10 % de celle-ci ont le russe pour langue maternelle, et les librairies sont toutes bilingues : on y trouve aussi bien des auteurs attachés au vieux projet de réunification avec la Roumanie, comme Ion Mischevca, que l’ultranationaliste russe Douguine et son allié local Iurie Rosca. Et même un livre en roumain de l’eurodéputé RN Hervé Juvin.

Fracture géographique enfin. À 80 km de Chisinau, il y a la Transnistrie et sa « capitale », Tiraspol. Un pays non reconnu internationalement qui, depuis la dislocation de l’URSS, en 1991, reste un bastion du communisme soviétique, mais surtout un gigantesque réservoir d’armes et de munitions servant à tous les trafics, spécialité de ce bout de terre où campent 1 500 soldats russes et où tous les affairistes russo-ukraino-roumano-moldaves faisaient, avant la guerre de Moscou contre Kiev, de juteuses combines.

Militairement, la garnison russe de Tiraspol n’est pas une menace. Mais comment faire entrer la Moldavie dans l’Union européenne sans que le conflit gelé de la Transnistrie soit résolu et la province revenue dans le giron de Chisinau ? Quel risque de déstabilisation politique, alors qu’Odessa est à 200 km ?

Des élections municipales auront lieu à l’automne à Chisinau et, le 30 avril, la région autonome de Gagaouzie, peuplée de Turcs devenus chrétiens orthodoxes et traditionnellement prorusses, élira ses dirigeants. La route de l’adhésion va cahoter un peu.


Jean-Yves Camus. Charlie Hebdo. 12/04/2023


Une réflexion sur “Moldavie et U.E.

  1. bernarddominik 19/04/2023 / 22h45

    L’UE pour complaire aux USA se met dans de sales affaires. On est gouvernés par des débiles.

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