Une réalité

Extrême droite : Récupération du « féminisme ». (1/2)

Collectif Némésis…

ATTENTION : Articles de mars 2021

Le féminisme est décidément repris par tous et n’importe qui. Voilà que certaines militantes de la droite radicale le revendiquent. « Féministes d’extrême droite », quel oxymore ! Même si l’on ne peut pas décerner des brevets de féminisme, et qu’il est multiple, difficile à nos yeux de considérer ces activistes comme telles. La seule chose qui les intéresse, c’est la lutte contre le « grand remplacement ». Les migrants sont perçus comme intrinsèquement violents envers les femmes. À l’heure où tout est brouillé, où la notion d’identité est de plus en plus prônée à gauche, l’extrême droite en profite.

La dernière fois que le collectif Némésis s’est retrouvé dans la rue, ce n’était pas pour défendre les femmes. Mais pour soutenir… Génération identitaire, sous le coup d’une dissolution en raison de son « discours de haine assumé » et de son organisation en « milice privée », selon les termes du ministre de l’Intérieur… « C’était pour dénoncer une décision politique », balaye sa présidente, Alice Cordier. Mais Némésis est bel et bien proche des identitaires, comme le confirme notre spécialiste maison Jean-Yves Camus.

« Némésis pourrait même être une des structures de repli de Génération identitaire, qui envisage de poursuivre son action via plusieurs associations thématiques », souligne-t-il. Les propos de la présidente de Némésis, âgée de 23 ans, sont déjà maîtrisés, pesés, ripolinés. Némésis se présente comme un collectif de « féministes identitaires ». Mais n’y voyez pas de lien avec l’extrême droite, non, non, dit-elle. Comme Marine Le Pen, on réfute le terme d’« extrême droite ». « Identitaire » renvoie à « l’identité de la femme française », précise Cordier, qui n’est pas à un paradoxe près. Et comme souvent à l’extrême droite, on est méfiant à l’égard des médias. Lorsqu’on l’appelle pour une interview, elle nous annonce qu’elle enregistre notre entretien, « par précaution », à cause d’une précédente interview pour Slate dont elle est sortie mécontente.

Le cheval de bataille de Némésis, ce sont les violences faites aux femmes, mais la plupart du temps, dans sa ligne de mire se trouvent les immigrés. « Dans certaines cultures, la culture du viol est davantage présente », lâche la présidente. Quand on lui fait remarquer que toutes les dernières accusations médiatisées n’ont rien à voir avec des étrangers (PPDA, Duhamel…), elle réplique : « On a notre lot à nous de porcs, est-ce que c’est intelligent d’en faire venir d’autres ? » Sur leur site, les propos sont plus violents et beaucoup plus directs que lorsqu’elle parle à la presse. Il y est question d’« invasion », d’appel à la « remigration », cette notion qui consiste à renvoyer dans leur pays d’origine toutes les personnes ayant un ancêtre en dehors de la France. Si l’immigré est leur ennemi, la plus grande victime, c’est… le mâle blanc ! « Nous devons farouchement défendre les mâles blancs, car ils sont nos pères et seront plus tard les pères de nos enfants, puis nos fils. Si les statistiques françaises sont exactes et que les Français de souche se retrouvent en minorité en 2050, l’enjeu tient de la survie », dit Alice Cordier, lors d’une allocution dans une émission de radio.

Drôle, si l’on peut dire, de constater aussi que Némésis défend les femmes contre la « misogynie d’extrême droite », en voulant « tordre le cou » à un cliché qui nous avait échappé : les femmes « ne sont pas plus favorables à l’immigration que les hommes et n’ont joué aucun rôle majeur dans l’organisation de l’invasion », peut-on lire dans un article sur leur site. Et de rappeler que les principaux dirigeants d’organisations de gauche sont des hommes, tandis que « le seul parti d’envergure anti-immigration en France a une femme à sa tête ». Voilà un féminisme qui revendique d’être aussi raciste que le seraient les hommes.

Némésis a beau jeu de remplir un espace de plus en plus vacant

Ce n’est pas totalement étonnant que ce féminisme identitaire se développe, alors que, à l’extrême gauche, c’est aussi l’identitarisme qui a le vent en poupe, avec les indigénistes et les décoloniaux. Némésis a beau jeu de remplir un espace de plus en plus vacant : celui d’un féminisme universaliste de gauche qui lutte contre les intégrismes religieux. Le collectif mélange ainsi propos racistes anti-immigration et critique nécessaire de l’intégrisme religieux. Ainsi, parmi ses dernières actions, a été mené un No Hijab Day, le 31 janvier dernier, en réaction au Hijab Day qui veut promouvoir le voile. À gauche, les Femen sont presque les seules à critiquer ce Hijab Day.

Certains thèmes, à Némésis, sont empruntés au féminisme « classique ». Alice Cordier évoque « la lutte contre les violences obstétricales », le « bracelet électronique » pour les auteurs de violences. Mais pour d’autres combats féministes, ça coince. La contraception ? « On est pour des moyens naturels, contre les grandes industries qui produisent des produits dangereux pour les femmes. » En ce qui concerne l’IVG, dans Slate, on pouvait lire : « On considère qu’il y a énormément sinon trop d’avortements. Nous pensons aux femmes qui l’ont très mal vécu, qui vivent de vrais post-traumas. » Depuis, Cordier rétropédale : « On ne le remet pas en question. Mais on refuse de le voir comme quelque chose d’anodin. » Quant au mariage pour tous : « Nous n’avons pas de prise de position dessus. C’est un sujet de la communauté LGBT. » Elle prône aussi une « complémentarité hommes/femmes », vieille rengaine conservatrice : chacun dans des rôles différents. Et pour être féministe, à ses yeux, mieux vaut être une « bombasse » : sur Instagram, elle n’hésite pas à poster un montage qui dénigre physiquement plusieurs militantes féministes « mainstream », pointant leur « capacité à s’enlaidir ». Et d’ajouter : « C’est généralement comme ça quand on choisit le camp de la haine et de la rancœur. Rejoins Némésis. »

Que représente Némésis ? Disons-le, c’est groupusculaire. Elles seraient une quarantaine. On s’est demandé d’ailleurs s’il fallait en parler ou non : il y a toujours un risque de faire de la pub à un mouvement qui n’en vaut pas la peine. Néanmoins, il est intéressant de le connaître, pour s’en prémunir. Près de 20 000 followers sur Twitter, tout de même, ça a une certaine influence. Elles n’y postent que des articles sur des agressions sexuelles dont les auteurs sont des migrants. Alice Cordier nous annonce vouloir se consacrer entièrement au développement du collectif, qui est en train de devenir une association, et même recruter des salariées. Quelle est son ambition politique ? Pour l’instant, elle assure ne rouler pour personne. Quand on lui demande si elle pourrait soutenir Marine Le Pen en 2022, elle répond : « C’est une possibilité. » Némésis écrit régulièrement dans L’Incorrect, le journal des proches de Marion Maréchal. À son propos, Alice Cordier nous dit : «  Nous trouvons très positif la présence de femmes en politique, quel que soit le bord. […] Nous avons des combats communs, mais nous ne rentrons pas dans une logique de soutien total à un programme. » Une chose est sûre, elle manie bien la langue de bois.

Laure Daussy. Source

Extrême droite : Récupération du « féminisme ». (2/2)

Solveig Mineo

Le féminisme est décidément repris par tous et n’importe qui. Voilà que certaines militantes de la droite radicale le revendiquent. « Féministes d’extrême droite », quel oxymore ! Même si l’on ne peut pas décerner des brevets de féminisme, et qu’il est multiple, difficile à nos yeux de considérer ces activistes comme telles. La seule chose qui les intéresse, c’est la lutte contre le « grand remplacement ». Les migrants sont perçus comme intrinsèquement violents envers les femmes. À l’heure où tout est brouillé, où la notion d’identité est de plus en plus prônée à gauche, l’extrême droite en profite.

Solveig Mineo était au départ dans un même groupe Facebook que certaines militantes de Némésis. Maintenant, elles sont à couteaux tirés. Mineo les qualifie de « conservatrices chrétiennes », ce qui, pour elle, bien qu’étant à l’extrême droite, est une insulte. Car la particularité de Solveig Mineo, c’est qu’elle fait partie de ce courant moins connu mais qui a toujours été présent à l’extrême droite, le néopaganisme. Elle dénonce ainsi « 1 500 ans de domination chrétienne ». Quand on lui demande qui elle pourrait soutenir politiquement : « Je souhaite la destruction intégrale du RN, de LR et de tous les partis conservateurs de France et d’Occident, qui se font passer pour la droite, mais qui ne sont que des lobbies chrétiens régressistes. » Carrément.

Elle se présente comme « féministe occidentaliste » et vient d’ailleurs de créer, avec Yann Meridex, un ancien militaire, un « Parti occidentaliste » dont le manifeste est édifiant. L’occidentalisme ? « C’est l’acceptation de la supériorité de la civilisation occidentale et de ses valeurs », peut-on y lire. Parmi les propositions délirantes du manifeste : « Pour un racisme humaniste », ou encore la critique du nazisme, dont l’erreur aurait été… de s’en prendre à d’autres Blancs. Pour Stéphane François, qui étudie les droites radicales, Mineo se situe dans un courant de nationalisme blanc, qui considère qu’il ne faut aucun mélange ethnique. Jean-Yves Camus, notre spécialiste de l’extrême droite, la qualifie de « suprémaciste ». Et elle pourrait même être, nous dit-on, « fichée S ». « On parle beaucoup de l’influence des théories américaines à gauche, mais on oublie qu’il y a aussi une influence des suprémacistes américains sur les mouvements d’extrême droite », déplore Stéphane Nivet, délégué général de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra).

Mineo, elle, se définit comme « féministe blanche ». Tandis que certaines intersectionnelles s’évertuent à considérer le MLF comme un féminisme de Blanches, en voilà une qui le revendique. « Le féminisme est l’étape supérieure de civilisation. […] La civilisation consiste à mettre la masculinité au service du peuple, à récompenser l’homme viril auto-domestiqué et à empêcher que l’homme violent ou destructeur ne se reproduise », dixit le manifeste.

Elle se targue d’être « la seule féministe » à avoir soutenu Mila

Le seul engagement politique qu’on lui connaisse est aux côtés de Renaud Camus, pour les élections européennes de 2019. C’était «  l’unique liste ouvertement engagée contre le Grand Remplacement », expliquait-elle sur Twitter. Mais voilà qu’elle aurait été virée de la liste pour… « antichristianisme ». Elle se targue d’être « la seule féministe » à avoir soutenu Mila. Quand la jeune femme a été du jour au lendemain victime d’innombrables menaces de mort sur les réseaux sociaux, que toute une partie de la gauche l’a laissée seule, Mineo s’est empressée de recueillir son témoignage. Mila, qui ne la connaissait pas, perdue parmi les demandes incessantes des médias, lui a donc accordé sa première interview.

Solveig Mineo a une influence relativement limitée, mais elle fait partie de ces « autoentrepreneurs » de l’extrême droite sur les réseaux sociaux. Son compte Twitter affiche près de 13 000 followers. Et il ne faudrait pas la sous-estimer. La trentaine, née de parents profs, Mineo a poursuivi des études littéraires et a travaillé dans l’édition. Maintenant, elle se présente, non sans une certaine mégalomanie, comme une « théoricienne politique ». « Je suis la seule femme au monde à bâtir un féminisme de droite anti-islam et anti-immigration », nous dit-elle. Les nombreux textes qu’elle produit sont d’autant plus dangereux qu’ils peuvent paraître intellectuellement séduisants, tant ils sont remplis de concepts philosophiques et historiques, et brouillent les pistes.

Solveig Mineo a lancé en 2016 le site Bellica, présenté comme une « sororité féministe ». Elle revendique en partie les mêmes idées que celles du féminisme « classique », comme la liberté à disposer de son corps. « Nous soutenons les militant(e) s du droit à disposer librement de son propre corps : le mouvement de la naissance respectée, les mouvements de défense du droit à la contraception et à l’avortement, la PMA pour toutes, les luttes contre les mutilations génitales (excision féminine, mais aussi circoncision masculine forcée et mutilations forcées des enfants intersexes). » Le déclencheur de son engagement, qui vaut pour elle comme pour Némésis, c’est le débat sur le harcèlement de rue en 2010. « C’est là que j’ai compris que la dépendance organisationnelle du féminisme à l’égard de la gauche était le nœud du problème », explique-t-elle. Entre certains, à gauche, qui à l’époque refusaient que le harcèlement de rue soit condamné au motif que c’était raciste, et Mineo, qui n’y voit qu’un problème de migrants, c’est toujours l’angle identitaire qui gagne.

Solveig Mineo pourrait bientôt être poursuivie en justice pour ses propos xénophobes. La Licra a en effet procédé à un signalement pour une vidéo datant du 4 juin 2019, intitulée « 15 raisons féministes de refuser les migrants », dans laquelle elle disait notamment : « Plus de migrants, c’est plus de pauvres, donc plus d’insécurité, donc plus de femmes occidentales menacées physiquement. » Ce ne sont pas les seuls propos de Mineo qui pourraient tomber sous le coup de la loi, loin de là. Stéphane Nivet, de la Licra, se désole : « Tout le monde ne scrute pas les mots de Solveig Mineo comme sont scrutés ceux d’Annie Cordy et de son Cho Ka Ka O ».


Laure Daussy – Source 


Note : comme il existe des extrémistes de l’extrême gauche, pourquoi n’y aurait-il pas des extrémistes de l’extrême droite ? Le but de cet article n’est pas de faire l’apologie de tel ou tel mouvement-position qui soit, il entend simplement avertir, lectrices et lecteurs qu’ils existent. MC


2 réflexions sur “Une réalité

  1. bernarddominik 03/02/2023 / 10h43

    Je ne sais pas si vous avez eu la curiosité de regarder les noms des auteurs de féminicides parus dans les journaux. C’est très révélateur. Mais c’est interdit, certaines statistiques sont très gênantes pour les tenants du « tout va bien »

    • Libres jugements 03/02/2023 / 11h07

      Bien insidieux commentaire, peut-être une réminiscence adoratrice du KKK ou d’un clanisme délateur d’une époque que beaucoup croyaient révolue.

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