Débat Macron-Le Pen, une vision…

De CNews à LCI en passant par BFMTV, les experts sont unanimes : Marine Le Pen a été dominée par Emmanuel Macron lors du débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle. La faute à son manque d’agressivité, à la roublardise de Macron, au dispositif télévisuel et à des médias à la solde du président. Heureusement, la candidate du RN a marqué des points pour 2027.

Une analyse proposée par Samuel Gontier – Télérama.

« Pour Marine Le Pen, c’est parler vrai, parler simple, comme elle sait le faire. » Sur CNews, le journaliste Loïc Signor donne des conseils à la candidate du RN avant son débat face à Macron. Lequel devra éviter de paraître arrogant. « Ce n’est pas sans me rappeler le débat entre Giscard et Mitterrand, intervient Joseph Macé-Scaron. En 1981, pour son second débat face à Mitterrand, l’intelligence de Giscard passe pour de l’arrogance. » Macron est le Giscard du XXIe siècle. Et Le Pen le Mitterrand du IIIe millénaire.

« C’est le moment le plus important de notre vie politique, estime sur BFMTV Christophe Jakubyszyn, qui a animé le duel de 2017. Quand vous avez la chance d’être l’arbitre de ce débat, on retient pas beaucoup les questions des journalistes, qui passent les plats. »

Sur CNews, un reporter planté devant l’Élysée (?) prévient : « Marine Le Pen de 2022, ce n’est pas Marine Le Pen de 2017, elle sera beaucoup plus prête. » Elle va cartonner. « Ce qui est intéressant, note Laurence Ferrari, c’est qu’Emmanuel Macron et Marine Le Pen ne se détestent pas. » Ils s’adorent, confirme Loïc Signor : « Y a même une forme de respect pour l’enfance de Marine Le Pen du côté d’Emmanuel Macron. » Ah oui, sa terrible enfance de Cosette à Saint-Cloud. « Il a beaucoup de respect pour la fille de Jean-Marie Le Pen, il estime ce parcours qu’elle a eu dont chacun peut mesurer qu’il n’est pas facile. » Oui, chacun a pu mesurer comment les médias relayaient les jérémiades de la fille sur son enfance malheureuse. « Être la fille de Jean-Marie Le Pen en France, ce n’est pas une sinécure. » C’est un calvaire.

Dans Face à l’info, Christine Kelly interroge : « Le débat sur le débat est-il important ? — Le débat sur le débat est probablement plus important que le débat lui-même, tranche Mathieu Bock-Côté. Parce qu’y a toute l’industrie du commentaire médiatique qui dit qui a gagné, qui a perdu. » Que je vais devoir me fader…

Je quitte BFMTV et CNews, interdits accès au studio de la Plaine-Saint-Denis, au contraire de LCI qui, en tant que filiale de TF1, co-organisatrice, peut filmer les préparatifs de la soirée. Moment d’intense émotion, j’assiste à l’essai et au réglage de la chaise sur laquelle est assis le président.

La prestation des passe-plats-speakerines ne se prêtant pas au commentaire, je m’astreins à un bref résumé du débat en usurpant la fonction de commentateur politique. Au début, ça cause surtout de social et d’économie. J’avoue avoir du mal à distinguer un programme néolibéral de droite d’un programme néolibéral d’extrême droite. On en vient au sujet de l’environnement, du dérèglement climatique, de la transition écologique… Oups, pardon, en fait, il n’est question que de la meilleure manière de produire de l’électricité. Et c’est à qui fera le plus de nucléaire. À ce jeu-là, Le Pen l’emporte largement car Macron estime indispensable de déployer les formidables quantités d’énergies renouvelables dont il s’est tamponné le fondement pendant cinq ans.

Arrive enfin le quart d’heure sécurité, Marine Le Pen associe illico la délinquance et la criminalité à l’immigration, Macron va pouvoir jouer l’humaniste droit-de-l’hommiste… Ah non, finalement, il se vante d’avoir embauché des milliers de policiers. En plus, il promet de créer deux cents brigades de gendarmerie. Et il veut « soit de la rétention dans un environnement militaire, soit des travaux généraux sous contrôle » pour les mineurs délinquants.

Macron attaque Le Pen sur son projet d’interdire le port du voile, défend la loi de 1905 qu’il a piétinée avec la loi Séparatisme, se targue d’avoir fait passer des « lois de tolérance » (comme la loi Sécurité globale ?)… Puis il vante justement sa loi Séparatisme et ses formidables résultats, notamment la fermeture d’écoles hors contrat (musulmanes, ça va de soi, et pas cathos, faut pas déconner). Le Pen s’insurge contre « les Qaeda (sic) qui s’organisent dans nos quartiers » et précise : « Il y a 570 mosquées radicales. » Macron se défend en disant qu’il ne peut pas expulser les mosquées françaises. Le Pen s’impatiente : « On va pas passer dix minutes sur le voile, on n’a pas parlé d’immigration. » Ben si, elle a dit que l’insécurité, c’était la faute des immigrés. Macron, lui, est à fond pour l’immigration (des Ukrainiens). Mais il ne suppporte pas que « les filières d’immigration clandestine utilisent l’asile ». Il faudrait interdire au clandestins de demander l’asile. Ou aux demandeurs d’asile d’être clandestins (c’est compliqué).

L’animation du debriefing de France 2 est confiée à un ancien adhérent de l’UMP. Invités, une autre journaliste maison (Valérie Astruc), un sondologue (Brice Teinturier) et deux éditorialistes de droite (Nathalie Schuck du Point et Yves Thréard du Figaro). Pour davantage de pluralisme, je passe sur BFMTV, où Bruno Jeudy livre son verdict : « A l’arrivée, l’avantage est pour le président-candidat. » Tugdual Denis, de Valeurs actuelles, a une explication : « Marine Le Pen s’est laissée dominer physiquement par Emmanuel Macron. » Elle aurait mieux fait de prendre des cours de boxe plutôt que de passer son diplôme d’éleveuse de chats.

Sur CNews, Julien Pasquet désespère : « Elle a eu cinq ans pour préparer ce débat mais y a un goût d’inachevé. Elle a travaillé ses dossiers mais elle est pas allée au bout des choses. —À chaque fois, les gens tombent sur Marine Le Pen, déplore son collègue Loïc Signor. — Ah non mais on va tomber sur les deux », promet Julien Pasquet. Guillaume Bigot analyse : « Son caractère posé, placide s’est retourné contre elle. Elle n’a pas du tout été mobile. Pour faire de la politique, il faut avoir le goût du sang ». Ne pas hésiter à enfoncer ses crocs dans la carotide de l’adversaire. Las, le dispositif ne le permettait pas, regrette l’éditorialiste : « Ceux qui tiennent le manche font les règles et ils aseptisent tout. Le cadre n’a pas été discuté une seule seconde au nom du peuple. » Il aurait fallu organiser un référendum pour accorder le double de temps de parole et un hachoir à Le Pen.

Sur LCI, Jean-Michel Aphatie aussi est déçu par la prestation de Le Pen : « C’est pas une question de projet… » Excellent, le projet. « … Mais elle est pas très lucide, c’est pas bien pensé, c’est pas du bon travail. » Éric Brunet désigne le coupable : « Je voudrais qu’on revienne sur la roublardise de Macron. — Le problème, estime Jean-Michel Aphatie, c’est que Marine Le Pen n’a pas été assez roublarde. » Éric Brunet relève que « François Bayrou a dit à l’issue du débat : “Il y a eu des moments de tendresse entre eux.” — Ça, c’est un point clé, réagit Guillaume Roquette, du Figaro. Marine Le Pen n’a pas été assez agressive. » À cause de ceux qui tiennent le manche.

« C’est terrible, se désole Éric Brunet, parce qu’y a une inégalité absolue dans l’art du débat. Il est juste supérieur. Ce qui est terrible, c’est que tout ça masque des réalités différentes. Je suis pas certain que le bilan de Macron soit aussi joli et que Marine Le Pen aurait pas pu placer des tacles un peu plus appuyés. »

Guillaume Roquette dénonce le wokisme de Macron : « C’est hallucinant d’un point de vue rhétorique de dire que que la patrie des Lumières ne peut pas interdire le voile islamique parce qu’objectivement on pourrait renverser l’argument. » Dire que les Lumières justifient la discrimination des musulmans. « Là-dessus, Marine Le Pen a été assez en retrait. » Elle n’avait pas assez potassé Le Figaro Magazine.

Guillaume Roquette ne désespère pas : « Nous sommes sensibles à la maestria, à la maîtrise technique d’Emmanuel Macron mais les messages, même à faible intensité, envoyés par Marine Le Pen, ça peut fonctionner. » Sur le long terme.

« J’ai un sentiment de frustration, geint Éric Brunet. Marine Le Pen fait une bonne campagne, on s’est dit qu’on allait avoir un vrai débat. Et au final elle s’effondre à quelques mètres de l’arrivée. » Alors qu’on espérait la voir enfin l’emporter.

Guillaume Roquette le console « Avec dix points de retard dans les sondages, Marine Le Pen se dit peut-être : “Construisons un personnage de plus en plus légitime, aimable, et ça ira mieux en 2027”. »


Samuel Gontier. Télérama. Source (extrait)


Note de l’administrateur. Bien sûr, le choix est partiale de la part de Gontier, évidemment celles ou ceux des journaleux épinglé-e·s dans des médias sont en même temps réputés hostiles et « POUR » l’évincement de Macron.

Oui, toutes, les réflexions sont partiales, constituées aussi par la déception d’un échec annoncé. Reste que ces réflexions sont la conséquence des résultats, le score du 1ᵉʳ tour et les pronostics sondagiers du 2ᵉ, de cette extrême droite. Extrême-droite votante qui, dites-vous bien, n’est pas uniquement l’expression des votes d’encartés du RN.

En postant cet article notre but est de faire réagir lectrices-lecteurs — amener à constater une nouvelle fois — la main mise des propriétaires de médias, leurs lignes éditoriales et leurs salariés-scribes rémunérés pour diffuser des autoguidages de pensées, inciter, peser sur vos choix de votant. C’est fort inquiétant.


Une réflexion sur “Débat Macron-Le Pen, une vision…

  1. bernarddominik 22/04/2022 / 19h31

    C’est une vision des journalistes. MLP à défendu ses positions et Macron à paru arrogant et professoral.

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