Si t’aimes pas, tu peux fermer le poste !

Tenter d’interroger les angles morts, les apories, les lacunes ou les malentendus que pourrait receler le travail que mène depuis 25 ans Acrimed : tel est l’objectif !

Nous partirons de réflexions, questions, commentaires, critiques et objections reçues par courrier, entendues lors des réunions publiques auxquelles nous participons, ou parfois dans l’espace médiatique lui-même où, faut-il le préciser, notre critique a mauvaise presse.

Commençons donc cette série autour d’une objection régulièrement faite à notre activité, qui consiste à s’étonner, voire à s’offusquer qu’un rédacteur ou une rédactrice d’Acrimed passe autant de temps à lire, écouter et regarder des articles et émissions « juste pour les critiquer ». Ou plus brutalement dit : « Si vous n’aimez pas, ne consommez pas ».

Une objection en apparence frappée du coin du bon sens, mais qui a le gros inconvénient de ramener l’information au rang de simple marchandise.

Or, et c’est la raison d’être d’Acrimed, nous ne pensons pas que l’information soit un bien de consommation comme un autre puisqu’elle est indispensable aux citoyens pour se forger une opinion, pour éprouver leurs convictions et finalement, prendre position de façon éclairée, que ce soit dans la sphère individuelle, ou dans la sphère collective pour l’exercice de leurs droits civiques et politiques.

En ce sens, les médias sont les institutions chargées de les instruire des faits qu’ils ne peuvent pas connaître directement et la portée des informations qu’ils délivrent excède largement le simple acte de consommation individuelle d’un public atomisé.

C’est ainsi que l’on peut considérer les médias en général comme des « animateurs de la démocratie »  […]

Cette position de médiateur des faits et données devant éclairer les prises de décision, notamment politiques, des citoyens donne à l’ensemble du système médiatique une responsabilité majeure dans les évolutions politiques et sociales [1].

C’est la raison pour laquelle chacune et chacun est en droit de se sentir concerné par l’ensemble des informations diffusées, même s’il ne les consomme pas, en ce qu’elles peuvent influencer non seulement leurs voisins, mais aussi l’agenda politique, et ainsi susciter des décisions qui auront des conséquences bien réelles.

Ce qui justifie un droit de regard indiscutable des citoyens sur l’activité des journalistes et sur leurs productions.  

[…]

Nous affirmons  […] que mettre en doute la pertinence et la fiabilité d’une information, remettre en cause le travail de ceux qui l’ont fabriquée et critiquer les structures du système médiatique sont des activités indispensables à la démocratie  […]

 […] … seconde objection : la diversité des médias est telle que chaque citoyen peut parvenir à trouver des informations qui correspondent à ses attentes et à ses préférences. On entend ainsi d’authentiques admirateurs du journalisme dominant avoir l’outrecuidance de se prévaloir de l’existence de sites ou de journaux comme Reporterre ou CQFD [2] comme une preuve de la vitalité et de la diversité du « système médiatique » qu’on ne saurait dès lors critiquer sans faire preuve d’un systématisme réducteur et partial.

Ici, nos contradicteurs confondent la pluralité des médias, indéniable, avec le pluralisme des informations et des opinions qui y circulent, dont Acrimed ne cesse de démontrer l’atrophie dans les principaux médias d’information de large audience.  […]


Patrick Michel, avec Blaise Magnin – Acrimed – Source (Extraits mais lecture libre avec le lien)


  1. Cela dit sans se raconter d’histoires sur le réel pouvoir des médias.
  2. Il est sans doute superflu de préciser que ces deux exemples n’épuisent pas la catégories de médias pratiquant « un autre journalisme ».