Satan se rebelle !

Dominic Cummings, lancien mauvais génie de Boris Johnson à Downing Street n’en finit pas de balancer sur celui qui l’a viré.

Boris Johnson s’est frotté les mains, le 13 novembre 2020, en virant brutalement son âme damnée, le spin doctor Dominic Cummings.

Un introverti au visage en lame de couteau, le sourire rare, teigneux, brutal, macho, arrogant, détesté. Dehors, le scorpion et bon débarras.

Dessin de Kiro – Le Canard Enchainé – 02/02/2022

Vicelard, BoJo avait fait prévenir la presse, et c’est devant les caméras que le tout-puissant conseiller, véritable vice-Premier ministre, a quitté Downing Street, la tête basse, avec son petit sac à dos et sa boîte en carton contenant ses effets personnels, comme un vulgaire tradeur de la City.

Johnson aurait dû réfléchir à ce que l’un de ses prédécesseurs, David Cameron, disait de Cummings, qu’il haïssait : « un psychopathe de carrière ». Car le « psychopathe » ne le lâche plus, alimentant les polémiques sur le « Partygate », ces nombreuses soirées ou pots organisés chez le Premier ministre en plein confinement.

Dès que Johnson tente de sortir la tête de l’eau, il le pulvérise. Il attaque jour après jour, via son blog personnel. Quand BoJo prétend ne pas avoir été invité, n’être resté que quelques minutes ou ment sur les dates, il poste les preuves. Toutes les informations qu’il a rendues publiques se sont révélées exactes, alors la presse en redemande.

Cummings a sorti la sulfateuse peu après son départ, déclarant que Johnson avait fait refaire son appartement de Downing Street grâce à de généreux donateurs. En mai 2021, il accepte de témoigner pendant sept heures devant la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de la pandémie.

Ce diplômé d’Oxford n’a jamais caché son mépris le plus absolu pour les élus, mais, là, il se déplace. Et il se régale. Le pays découvre, abasourdi, le chaos qui règne alors au sein de l’équipe gouvernementale, les mensonges, les manquements, les retards dans la prise de décision qui causent des milliers de morts.

Carrie le rouait

Et, quand on lui demande comment il qualifierait la gestion de cette crise, il lâche calmement : « désastreuse ». Johnson est dépeint comme un indécis, mis sous pression en plein pic épidémique par sa femme, Carrie Symonds, folle de rage qu’un article de presse l’accuse de vouloir abandonner son chien.

La révélation des petits soucis domestiques de BoJo a beaucoup fait rire, et considérablement abîmé son image. Ce n’était donc que ça, le valeureux corsaire du Brexit ? C’était bien le but recherché.

Cummings a quelques comptes à régler avec la première dame britannique. Quand il est nommé conseiller de Johnson, il tente d’imposer partout ses proches et se livre à une purge violente.

Il hait la bulle policée de Westminster, ces hauts fonctionnaires fadasses, proeuropéens qui ont travaillé indifféremment pour Cameron et pour Blair. Il appelle tous les « tordus » àle rejoindre pour former de nouvelles équipes.

Les conflits et les démissions s’accumulent. Carrie Symonds, ex-directrice de la com’ du Parti conservateur, écologiste et féministe, demande sa tête à BoJo et finit par l’obtenir.

« Cummings est bien plus doué pour mener la guerre que pour exercer le pouvoir, il ne fonctionne que par le conflit », explique le journaliste Marc Roche, spécialiste de la politique britannique.

Les guerres, c’est son truc. A l’époque de Blair, c’est déjà lui qui dirige la campagne « Business for Sterling », contre l’entrée dans l’euro. Il a tous les puissants fonds d’investissement derrière lui, il s’amuse comme un petit fou, dézingue, dynamite. Blair renonce.

400 millions le bobard

Il remet ça au moment de la campagne du Brexit. Il est le roi des fake news et travaille main dans la main avec Cambridge Analytica, une société d’analyse de données, également utilisée par Trump, qui permet d’envoyer des messages extrêmement ciblés aux électeurs potentiels. C’est lui l’inventeur du plus gros bobard de la campagne, selon lequel le pays verse 400 millions d’euros par semaine à Bruxelles, argent qui pourrait être réinvesti dans le système de santé. Il est convoqué par le Parlement pour s’expliquer, il n’y va pas. Ils se prennent pour qui, ces nains ?

C’est lui encore qui dirige la campagne de Johnson en 2019. Il a compris avant tout le monde que les bastions travaillistes du nord du pays et des Midlands étaient à prendre. Bien vu : Johnson triomphe.

Cummings n’a jamais été membre du Parti conservateur, il déteste être encarté. Il a vécu en Russie, y a fait un peu de business, s’est planté. Cet anar de droite, véritable grenade dégoupillée, est « idéologiquement iconoclaste », explique Tim Bale, professeur de sciences politiques à l’université Queen Mary de Londres.

Il est tellement cynique qu’il adore semer le trouble chez sessoutiens. En juillet 2017, il balance : « Le référendum était une idée stupide ». Consternation chez les brexiters.

Quel pied. Pourquoi le « psychopathe » arrêterait-il sa carrière ? Il n’a que 50 ans, et tant de cibles à dézinguer.


Anne-Sophie Mercier. Le Canard enchaîné. Le Canard enchaîné. 02/02/2022


Une réflexion sur “Satan se rebelle !

  1. jjbadeigtsorangefr 07/02/2022 / 18:19

    Bojo n’a pas besoin de conseils en conneries, il est passé maître en la matière. Cummings est un peu le Zem britannique mâtiné de Baud ce qui n’arrange rien. Le peuple trompé j’allais dire Trumpé finira par réagir …………….

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