Et pourquoi pas ?

Écocide : décodage, génocide écologique volontaire.

Dans une interview, Christophe Bouillon (Député PS de Seine-Maritime) l’affirme, « La France doit reconnaître l’écocide dans son Code pénal » et l’explique en répondant aux questions d’Alexandra Chaignon

  • L’objectif de cette proposition de loi est d’inscrire le terme « écocide » dans la loi. De quoi parle-t-on exactement ?

Christophe Bouillon L’objectif, c’est de punir les crimes commis à l’encontre de l’environnement. Il faut savoir que la criminalité environnementale, selon l’ONU, génère jusqu’à 200 milliards d’euros de profits par an… Il est donc urgent de renforcer le droit pénal dans ce domaine. En mai dernier, une première proposition de loi, portée par le sénateur socialiste Jérôme Durain, a été rejetée, sa définition de l’écocide étant jugée trop floue. J’ai pris en compte ces critiques et propose aujourd’hui une autre formule, volontairement restrictive : « Une action concertée et délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, irréversibles et irréparables à un écosystème, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulte.» Outre l’intentionnalité, cette définition reprend plusieurs critères : que le phénomène soit étendu, irréparable et irréversible. On n’est plus dans du flou !

  • Pourquoi mettre ce débat sur la table aujourd’hui précisément ?

Christophe Bouillon C’est un combat qui vient de loin : il remonte à la guerre du Vietnam et à l’utilisation de l’agent orange par l’armée américaine. Dans les traités internationaux, le crime d’écocide existe, mais il n’est défini que par temps de guerre. Il faut donc l’élargir et introduire cette notion dans le traité de Rome, qui régit la Cour pénale internationale de La Haye. Il y a bien eu une tentative de reconnaissance en 1996, mais elle a échoué, car de puissants intérêts, économiques notamment, y sont opposés. Mais je pense que, aujourd’hui, il y a une fenêtre de tir. Le 12 décembre, c’est le jour de clôture de la COP25, où le sujet a été mis à l’ordre du jour d’une conférence. En France, la convention citoyenne pour le climat, souhaitée par Emmanuel Macron, réclame une reconnaissance de l’écocide ; et partout dans le monde on note une montée des initiatives citoyennes qui traînent les États devant les tribunaux.

  • Parmi les objections déjà soulevées lors des précédents débats, on a objecté que la France dispose déjà d’un arsenal robuste. Que répondez-vous ?

Christophe Bouillon Sauf que ; ce qui relève de la protection de l’environnement est disséminé dans plusieurs codes (de l’environnement, de l’urbanisme, rural). En outre, les sanctions contre les entreprises ou bandes organisées restent souvent dérisoires. Quand Vinci a reconnu avoir déversé de l’eau bétonnée dans la Seine, la multinationale a été condamnée à une amende de 375 000 euros. Il faut être honnête, ce n’est pas dissuasif ! Ceux qui se livrent à l’orpaillage illégal, rejetant du mercure dans le fleuve, ne mesurent pas l’impact de leurs actes… Ce texte vise à durcir les sanctions et à renforcer l’effet dissuasif. S’il est adopté, les contrevenants s’exposent à vingt ans de prison et à une amende de 10 millions d’euros ou équivalente, pour les entreprises, à 20 % du chiffre d’affaires mondial.

  • En commission, votre texte a essuyé un tir de barrage des députés de la majorité. Ne craignez-vous pas de subir le même sort aujourd’hui ?

Christophe Bouillon Cet été, Emmanuel Macron a qualifié d’« écocide » les feux qui ravageaient l’Amazonie. Lors de la COP25, la France va probablement essayer de créer une coalition pour intégrer cette notion au droit international. On ne peut pas vouloir être le champion du climat et ne pas l’inscrire dans ses textes. Si la France était exemplaire sur le sujet, cela lui donnerait une crédibilité pour mener ce combat. Pourtant, les députés de la majorité continuent de dire que le texte manque de précision ; mais ils peuvent l’amender ! Ce qu’ils n’ont pas fait ! Ils arguent que cette notion ferait fuir les investisseurs, reprenant les arguments économiques des multinationales. Oui, le crime d’écocide gêne les entreprises ! Mais assumons. On voit bien qu’il y a un effet cumulatif entre le réchauffement et les atteintes environnementales. On est à un moment de l’urgence climatique qui implique d’être plus radical. La bataille va être dure, mais je persiste à croire que c’est le bon moment pour avancer.


Alexandra Chaignon. Titre original : « Christophe Bouillon « La France doit reconnaître l’écocide dans son Code pénal ». Source (extrait)


4 réflexions sur “Et pourquoi pas ?

  1. pigrai 16/12/2019 / 13h03

    Oui, il faut des contraintes lourdes pour ces sociétés hors société, hors jeu. Carton rouge. Il est temps, urgent d’agir. Nos petites actions c’est bien mais elles ont du mal à faire ke poids face aux mega pollutions industrielles.

  2. jjbey 16/12/2019 / 16h17

    Des dégazages sauvages de navires pirates à l’abandon de ruines industrielles en passant par ces activités polluantes dont on pourrait diminuer les effets il y a un vaste domaine d’activité pour sanctionner la commission d’écocides. Mais voilà ce sont aussi les marionnettes des pollueurs qui sont au pouvoir, alors……..

  3. fanfan la rêveuse 17/12/2019 / 7h58

    Bonjour Michel,

    En lisant cette publication, je me disais, il faut commencer par les industriels !
    De plus tant que l’écologie rimera avec argent, rien ne changera, pour un particulier oui ! mais pour une industrie, je n’y crois pas du tout, cet article en donne la raison de lui-même.
    « Ce qu’ils n’ont pas fait ! Ils arguent que cette notion ferait fuir les investisseurs, reprenant les arguments économiques des multinationales. Oui, le crime d’écocide gêne les entreprises ! Mais assumons. On voit bien qu’il y a un effet cumulatif entre le réchauffement et les atteintes environnementales. »

    De plus il faudrait que cette démarche soit international, la France en la matière est très mal placée pour faire la morale…entre autre…

    Ce problème est long d’être résolu, l’argent faisant la loi, hélas…Espérons !!

    Je vous dépose une action citoyenne qui est mise en place par une mairie de l’Oise, voila qui devrait faire réfléchir et espérons donnera des idées à d’autres 😉
    Pour info, le dernier pollueur de 2019 a reçu ses ordures devant sa porte et a eu 800e de frais (il faut bien financer les frais de la voirie de la mairie face à ses actions) ainsi qu’une amende de 68e.

    https://youtu.be/4iL5q3bgWA4

    https://youtu.be/TMjxkSj8Hfs

    Et voici l’explication de Mr le maire de Laigneville qu’en à ses agissements :

    https://youtu.be/HUfUjno6a2E

    Comme quoi lorsqu’on veut !! 🙂

  4. fanfan la rêveuse 18/12/2019 / 8h05

    Oups, mon commentaire ne semble pas vous êtes arrivé !

    Je vous disais que pour cela change, il faut que nos dirigeants mais aussi les industriels agissent. Croyez vous vraiment qu’une histoire de quelque sous va arrêter le système, non ! Je suis d’accord avec tigrai mais en face il y aura le chantage au chômage…

    La France est bien mal placée en la matière pour faire des leçons de morale…Les lobbys ont bien trop de puissance et qui est derrière ceux-ci ?…

    Dans mon département , il y un maire qui ne rigole pas avec l’écologie. Que chacun en prenne de la graine !

    Voici sa méthode :

    https://youtu.be/zNbyHWWSuX4

    Voici son explication qu’en à ses agissements :

    https://youtu.be/HUfUjno6a2E

    Comme quoi lorsqu’on veut que cela change 😉

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