« Apprendre ne suffit plus. Il faut apprendre à comprendre »

Le monde qui nous entoure est, à bien des égards, devenu complexe à décrypter et appréhender. Parallèlement la tentation est grande de verser dans le simplisme et la pensée binaire…

Oui, nous manquons aujourd’hui de recul et de mise en perspective sur toute une série d’événements.

La réactivité qui s’impose à nous a des atouts mais le revers de la médaille est qu’elle nous force à négliger le long terme et à rester ancré dans la réalité immédiate. Le temps va de plus en plus vite et comme nous sommes contraints de fonctionner à flux tendu, la difficulté principale est désormais de parvenir à conserver une distance pour penser les choses.

Un contexte qui favorise les thèses conspirationnistes et complotistes…

Oui, certainement, encore qu’il faille nuancer car ces thèses ont de tout temps existé. Je ne crois pas qu’il y ait aujourd’hui davantage de complotisme qu’auparavant. En fait, toutes ces thèses qui renvoient au phénomène des fake news c’est ce qu’on appelait avant la rumeur. Rappelez-vous combien d’années on a entendu qu’ Elvis Presley n’était en fait pas mort… La différence est que ces thèses circulent aujourd’hui beaucoup plus vite et que leur viralité permet de toucher beaucoup plus de monde, beaucoup plus rapidement, que par le passé. Il y a tout de même un bénéfice: le contrepoison peut lui aussi se distiller plus rapidement.

De quoi a-t-on besoin pour « réfléchir mieux »?

  • D’une meilleure pédagogie ?
  • D’un autre système éducatif ?
  • D’une meilleure pédagogie ?
  • D’un autre système éducatif ?
  • L’idéal serait de donner à chaque citoyen les moyens de développer son esprit critique. Une ambition qui concerne donc au premier chef les enseignants, les journalistes, les politiques…Car une idée reçue, prise isolément, peut apparaître comme étant de bon sens. Mais quand on la restitue dans l’histoire longue on s’aperçoit qu’elle est relativement inexacte voire tout à fait fausse. […]

    L’idéal serait de donner à chaque citoyen les moyens de développer son esprit critique. Une ambition qui concerne donc au premier chef les enseignants, les journalistes, les politiques…Car une idée reçue, prise isolément, peut apparaître comme étant de bon sens. Mais quand on la restitue dans l’histoire longue on s’aperçoit qu’elle est relativement inexacte voire tout à fait fausse. […]

    Face à ces clichés qui collent à la pensée, le récit médiatique est-il en cause ?

    Face à ces clichés qui collent à la pensée, le récit médiatique est-il en cause ?

    Autant je trouve normal de critiquer les médias et d’exercer une surveillance à leur égard, autant une critique globale comme on l’entend régulièrement en ce moment, le fameux « tous pourris », n’a pas de sens. […]

    Autant je trouve normal de critiquer les médias et d’exercer une surveillance à leur égard, autant une critique globale comme on l’entend régulièrement en ce moment, le fameux « tous pourris », n’a pas de sens. […]

    Parallèlement, on peut parfaitement trouver des informations pertinentes sur le web. Personne n’a le monopole de la vérité ou du mensonge. […]

    Parallèlement, on peut parfaitement trouver des informations pertinentes sur le web. Personne n’a le monopole de la vérité ou du mensonge. […]

    Le monde va mal, les crises sont partout, c’était mieux « avant », voilà une idée reçue qui continue de faire son chemin…

    Le monde va mal, les crises sont partout, c’était mieux « avant », voilà une idée reçue qui continue de faire son chemin…

    On a tous la nostalgie du paradis perdu. Mais le monde était-il vraiment meilleur quand il y a eu 600.000 morts dans un coup d’État raté en Indonésie, lorsqu’il y avait l’apartheid en Afrique du Sud, [lors de la guerre froide entre l’URSS et les États-Unis, l’épisode des missives de Cuba], lorsqu’on n’était pas loin d’une guerre nucléaire qui aurait pu faire disparaître l’humanité, […]

    On a tous la nostalgie du paradis perdu. Mais le monde était-il vraiment meilleur quand il y a eu 600.000 morts dans un coup d’État raté en Indonésie, lorsqu’il y avait l’apartheid en Afrique du Sud, [lors de la guerre froide entre l’URSS et les États-Unis, l’épisode des missives de Cuba], lorsqu’on n’était pas loin d’une guerre nucléaire qui aurait pu faire disparaître l’humanité, […]

    On a toujours tendance à se rappeler des bonnes choses du passé, moins des
    mauvaises. Par ailleurs, nous sommes mieux informés de ce qui se passe parfois à l’autre bout du monde et notre exigence morale est plus forte qu’auparavant.
    Prenons l’exemple des bombardements sur les populations civiles. Auparavant, c’était des faits de guerre. Aujourd’hui, on considère à juste titre qu’il s’agit d’un crime de guerre et d’un crime contre l’humanité. On est finalement moins imperméables aux malheurs des autres qu’auparavant.

    On a toujours tendance à se rappeler des bonnes choses du passé, moins des
    mauvaises. Par ailleurs, nous sommes mieux informés de ce qui se passe parfois à l’autre bout du monde et notre exigence morale est plus forte qu’auparavant.
    Prenons l’exemple des bombardements sur les populations civiles. Auparavant, c’était des faits de guerre. Aujourd’hui, on considère à juste titre qu’il s’agit d’un crime de guerre et d’un crime contre l’humanité. On est finalement moins imperméables aux malheurs des autres qu’auparavant.

    S’il y a bien un sujet qui crispe et agite les débats c’est celui [de] la question climatique et celle de l’exploitation des ressources de notre planète.

    S’il y a bien un sujet qui crispe et agite les débats c’est celui [de] la question climatique et celle de l’exploitation des ressources de notre planète.

    […] Tout le monde sait, sauf peut-être les présidents
    américain et brésilien, qu’il s’agit de la plus grave menace qui plane
    aujourd’hui sur la planète ou plutôt sur l’humanité. Parce que la planète
    quoiqu’il arrive nous survivra, elle. Et ce n’est pas le marché seul qui va
    pouvoir régler la question. L’État doit imprimer la marche.

    […] Tout le monde sait, sauf peut-être les présidents
    américain et brésilien, qu’il s’agit de la plus grave menace qui plane
    aujourd’hui sur la planète ou plutôt sur l’humanité. Parce que la planète
    quoiqu’il arrive nous survivra, elle. Et ce n’est pas le marché seul qui va
    pouvoir régler la question. L’État doit imprimer la marche.

    […]

    […]

    […] Remettre en cause les analyses [des experts], puis, une fois décrédibilisés, on peut commencer à dire tout et son contraire et la propagande fait le reste ?

    […] Remettre en cause les analyses [des experts], puis, une fois décrédibilisés, on peut commencer à dire tout et son contraire et la propagande fait le reste ?

    Oui, c’est vrai, mais ce qui me dérange profondément c’est que parmi cette masse d’experts, il y en a précisément qui n’hésitent pas à faire de la propagande, soit parce qu’ils sont les agents cachés d’une compagnie x ou y soit par conviction. L’expertise ne présuppose pas la neutralité. On a quand même vu une brochette d’experts nous démontrer qu’il y avait des armes nucléaires en Irak en conséquence de quoi une guerre était jugée indispensable.

    Oui, c’est vrai, mais ce qui me dérange profondément c’est que parmi cette masse d’experts, il y en a précisément qui n’hésitent pas à faire de la propagande, soit parce qu’ils sont les agents cachés d’une compagnie x ou y soit par conviction. L’expertise ne présuppose pas la neutralité. On a quand même vu une brochette d’experts nous démontrer qu’il y avait des armes nucléaires en Irak en conséquence de quoi une guerre était jugée indispensable.

    On peut plaider l’incompétence mais le plus souvent il y a un agenda caché. Bien des fois on a vu des experts débarquer non pas tant pour débattre avec un public ou informer mais, au contraire, pour manipuler les informations. Ces intellectuels faussaires nuisent au débat démocratique. Or, si on veut vraiment,combattre le populisme il faut nécessairement que les élites intellectuelles se montrent irréprochables et que le mensonge soit systématiquement combattu dans le débat public.

    On peut plaider l’incompétence mais le plus souvent il y a un agenda caché. Bien des fois on a vu des experts débarquer non pas tant pour débattre avec un public ou informer mais, au contraire, pour manipuler les informations. Ces intellectuels faussaires nuisent au débat démocratique. Or, si on veut vraiment,combattre le populisme il faut nécessairement que les élites intellectuelles se montrent irréprochables et que le mensonge soit systématiquement combattu dans le débat public.

    […]

    Apprendre ne suffit plus.

    Il faut aujourd’hui, apprendre à comprendre.


    […]

    Apprendre ne suffit plus.

    Il faut aujourd’hui, apprendre à comprendre.


    Propos recueillis par Serge Vandaele pour l’Echo (Belgique) – Interview de Pascal Boniface – L’Echo (Belgique)  – Source Française lecture libre  suivre le lien

    Propos recueillis par Serge Vandaele pour l’Echo (Belgique) – Interview de Pascal Boniface – L’Echo (Belgique)  – Source Française lecture libre  suivre le lien

    2 réflexions sur “« Apprendre ne suffit plus. Il faut apprendre à comprendre »

    1. Pat 02/02/2019 / 18h04

      Les choses vont plus mal non pas nécessairement parce qu’il y a plus de guerres, de famines, d’injustices…(etc…la liste est longue) qu’hier mais parce qu’elles perdurent, que les peuples savent qu’il existe des moyens d’éviter certaines de ces catastrophes mais que les moyens mis en oeuvre sont désespérément insuffisants…et lorsque l’espoir meurt, la maladie s’aggrave.

    2. mangezcochons 07/02/2019 / 9h55

      Apprenons à retrouver notre esprit critique

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