Partout dans le monde, des démocraties vacillent.

Loin de régner définitivement sur la planète, la démocratie est en danger là où elle est née.

 […] …

Les idées et les forces antidémocratiques prospèrent.

En France, notre démocratie n’échappe pas à cette mise sous tensions. Il ne s’agit pas ici d’agiter la peur d’une dictature imminente, mais de mesurer combien nos défenses immunitaires s’amenuisent à grand vitesse. Quand aucun imaginaire démocratique puissant n’émerge des rangs [ni de] gauche, ni d’ailleurs, pour concurrencer les passions identitaires et affronter la gestion néolibérale du monde, alors il faut dire que le péril vient. Et secouer nos consciences assoupies.

La démocratie, avec ses crises et ses chocs, ses clicks et ses clashs, organisait, organise encore la vie en commun dans un grand nombre d’États modernes. Elle inspire leurs institutions et leurs valeurs, et les distingue des régimes autoritaires. Mais elle n’est pas seulement un régime ou un mode de désignation des dirigeants par le vote, c’est aussi une forme de société, aspirant à l’égalité et au pluralisme.

La démocratie est aujourd’hui prise en tenaille. Cette mâchoire qui enserre l’idéal démocratique est faites de deux offensives qui s’additionnent. Nationalisme autoritaire et gouvernement néolibéral sont les deux faces du danger présent.

A ces graves menaces qui partout jaillissent contre les démocraties, révélant ou confirmant leurs fragilités, s’ajoute la paresse collective qui voit la France se laisser aller à une démocratie de faible intensité.

La crise de la démocratie est probablement aussi ancienne que la démocratie moderne. Les années 1930 ont eu la leur. Le moment Hulot est d’abord le symptôme brûlant d’une défaillance démocratique.

[…] …Comment ne pas s’inquiéter de la profonde défaillance qui corrompt tous les étages de la démocratie française, et nier l’urgente nécessité pour la gauche de relever ce défi qu’elle a méprisé ?

Sans démocratie de combat, inventive et ouverte, la France laisse s’affaiblir son message. Pour la gauche, il n’est pas d’avenir sans affirmer sérieusement que des progrès sont nécessaires et possibles pour la démocratie. Aucune des grandes transformations qu’elle propose (transition écologique, justice fiscale, vitalité des territoires…) n’est possible quand la démocratie tourne au ralenti. Avec la droite, on s’attend à la verticalité. De la gauche, on exige plus de démocratie, qui n’empêche ni la volonté, ni l’autorité, mais conditionne leur exercice. […] 

Emmanuel Macron, comme Trump aux États-Unis ou l’alliance en Italie de la Ligue du Nord et du mouvement Cinq Etoiles, a prospéré à sa manière sur le discrédit d’un système politique, qui avait depuis longtemps fait l’impasse sur les progrès démocratiques.

[…] La démocratie sociale, espace des compromis positifs des Trente Glorieuses, n’est remplacée…par rien. […]

La méthode revendiquée mérite un nom : la modernisation sans le peuple. Tout porte donc à craindre que la défaillance démocratique française ne soit pas sur le point de guérir.

Le pays de Montesquieu méprise la séparation des pouvoirs, s’inquiète de l’indépendance de la justice.

La démocratie représentative peine à renouveler les formes et les hommes.

L’innovation citoyenne est regardée de haut, pendant que les poisons de l’entre-soi font des ravages. […] 


Christian Paul – Médiapart – titre original : « La planète brûle, la démocratie aussi » Source (Petit extrait – Lecture libre à cette adresse)


NOTES

  1. Stéphane Collignon et Christian Paul, Pour la République européenne, Odile Jacob, 2007.
  2. La gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France 2012-2014. Seuil, 2015.
  3. Numérique et libertés : un nouvel âge démocratique, commission parlementaire, Assemblée Nationale, 2016.
  4. Inscrire le bien commun dans la Constitution, Le Monde, 30 mai 2018
  5. Luc Ferry n’a pas craint de parler d’un texte « insensé « et « liberticide » …Le Figaro, 21juin 2018
  6. Mireille Delmas-Marty, Mediapart, décembre 2017
  7. Pierre Rosanvallon, La société des égaux, Seuil, 2011
  8. John Dewey, Ecrits politiques, Gallimard, 2018
  9. Le 1 Hebdo, 8 juillet 2015.
  10. Chantiers ouverts au public, La documentation française, 2015, ouvrage collectif de La 27e Région.
  11. Innover et gouverner dans la ville numérique réelle, Fing et Iddri, 2018.
  12. Le principe démocratie, La Découverte, 2014.
  13. Nathalie Bufi, Construire des entreprises vivantes, En Temps réels, 2016

Une réflexion sur “Partout dans le monde, des démocraties vacillent.

  1. jjbey 05/09/2018 / 22h35

    La vie démocratique passe par l’engagement citoyen.

    On ne peut parler démocratie quand un président est élu par 16% des électeurs.
    Tout a été fait pour que la moitié des français refusent de participer à la dernière mascarade qui succédait à bien d’autres.

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