Reparler des « Contrats aidés ».

En cet été 2017, le gouvernement a décidé de baisser drastiquement le nombre de contrats aidés, ces emplois subventionnés officiellement destinés à insérer dans le marché du travail les personnes qui en sont les plus éloignées — jeunes, non-qualifiés, chômeurs de longue durée.

Les crédits qui leur sont attribués ont été ramenés de 2,4 milliards d’euros à 1,4 milliard dans le projet de loi de finances 2018, soit une baisse de plus de 40 % par rapport à 2017. De quoi financer 200.000 contrats, contre 320.000 un an plus tôt et 450.000 en 2016.

La décision a immédiatement suscité de vives réactions, notamment des collectivités territoriales et du milieu associatif, très consommateurs de ces emplois, […] Pour la ministre du travail Muriel Pénicaud, les contrats aidés sont «extrêmement coûteux pour la nation, pas efficaces dans la lutte contre le chômage et ne sont pas un tremplin pour l’insertion professionnelle (1)».

Une triple affirmation soit erronée, […] Historiquement, ces contrats visaient trois objectifs : réduire le chômage des jeunes, améliorer l’employabilité des bénéficiaires et répondre à des besoins collectifs non satisfaits.

La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail a récemment évalué les deux premiers de ces objectifs (2).

  1. D’une part «à court terme, les contrats aidés, particulièrement ceux du secteur non marchand, permettent de soutenir efficacement l’emploi ».
  2. d’autre part, si le taux de retour à l’emploi à la fin d’un contrat aidé de six mois apparaît « limité », il n’est pas pour autant négligeable : il était, en 2014, de 67 % dans le secteur marchand et de 41 % dans le secteur non marchand — deux chiffres difficilement comparables du fait de l’existence d’un effet d’aubaine dans le premier cas (les entreprises, prêtes à embaucher, utilisent souvent le contrat aidé Comme un pré recrutement) et du ciblage de personnes en plus grande précarité sociale dans le second, pour améliorer leur position dans la file d’attente du chômage.

74 % des bénéficiaires se sont sentis utiles

Si la mesure de l’efficacité des contrats aidés en matière d’emploi apparaît, par ailleurs, complexe (elle dépend notamment de la taille des structures accueillantes, des actions de formation engagées, de l’âge des bénéficiaires ou de l’implication des employeurs), leur supposée « inefficacité » dans ce domaine ne peut faire oublier qu’ils répondent à divers besoins, que ne prennent pas en compte les seules approches quantitatives. Les contrats aidés comblent des besoins humains (six mois après leur sortie de contrat, 74 % des anciens bénéficiaires trouvaient que le dispositif leur avait permis de se sentir utile et de reprendre confiance, selon la Dares) ou sociaux (en matière d’aménagement du territoire ou d’engagement associatif, d’où la levée de boucliers des élus locaux et des responsables associatifs (3)).

Or ces fameux besoins collectifs non satisfaits, qui constituaient un objectif premier, ne font aujourd’hui l’objet d’aucune étude, si ce n’est pour être stigmatisés sur le seul terrain de leur coût.

Cachant mal la visée essentiellement budgétaire de sa décision, le gouvernement argue qu’il préfère désormais investir dans la formation des publics éloignés de l’emploi. C’est oublier que la formation, à elle seule, «ne permet pas de sortir plus vite du chômage», selon d’autres études encore (5). […]

Pour contrer l’argument selon lequel le dispositif serait «extrêmement coûteux », cette économiste livre les résultats d’un rapport (non publié) de l’inspection générale des finances (IGF) de 2012 : celui-ci évaluait, selon elle, le coût annuel d’un emploi aidé, pour les finances publiques, à 12.853 euros contre 26.429 euros pour un emploi de niveau smic exonéré de cotisations patronales. Chiffres qu’il est aussi possible de rapprocher du coût des emplois créés par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : car, selon les données 2016 du comité de suivi, les 50 000 à100 000 emplois créés ou sauvegardés par la mesure en 2013-2014 auraient coûté en aides publiques… de 287.000 à 574.000 euros chacun (7). De quoi financer bon nombre d’emplois pérennes, si l’on s’y était pris un peu mieux.


Jean-Michel Dumay, Journaliste – Manière de voir (Extrait)– « Le monde diplomatique N°156 »


  1.  Questions au gouvernement, 9 août 2017.
  2. «Les contrats aidés : quels objectifs, quel bilan ?», Dares analyses, n° 021, Paris, mars 2017.
  3. Cf «Non, monsieur Macron, les contrats aidés ne sont pas inutiles », tribune de la Fédération des acteurs de la solidarité, quia lancé une pétition pour demander le main­tien d’un volume élevé de contrats aidés, consultable sur ww change. org
  4. «L’accès des jeunes à l’emploi. Construire des parcours, adapter les aides », rapport de la Cour des comptes, Paris, septembre 2016.
  5. (S) Marc Ferracci, Évaluer la formation professionnelle, Presses de Sciences Po, Paris, 2013.
  6. «Les contrats aidés en débat», Alternatives économiques, n° 372, Paris, octobre 2017.
  7. «300 000 à 600 000 egos par emploi, le gâchis du CICE », L’Humanité, Saint-Denis, 30 septembre 2016.