L’Occident touché en plein cœur

L’attentat contre Charlie Hebdo est un attentat contre la France, l’Europe, l’Occident. Mais le Vieux Continent doit continuer à croire en ses valeurs et les défendre plus que jamais. C’est la seule réponse à apporter au terrorisme, estime le directeur de La Repubblica.

Attentat Charlie Hebdo 4

Dessin d’Aguilar (Espagne)

Avec son action militaire contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo à Paris, le terrorisme islamique a porté la mort dans le cœur de l’Europe – une Europe en crise – en lançant le nom d’Allah et en jetant le feu des kalachnikovs contre un symbole de la démocratie : un journal.

Le prétexte antique et automatique brandi telle une fatwa est celui des caricatures de Mahomet publiées en 2006 et déjà visées dans une attaque contre ce journal il y a quatre ans.

Mais la cible, évidemment, n’est autre que la liberté. Nous vivons cette liberté, en paix, sans nous apercevoir que cette même liberté est considérée comme subversive et coupable aux yeux des fanatiques. Il y a un écart évident, et parfois trop visible, entre les principes que nous affirmons et la traduction qui en est faite en politique, dans notre façon d’exercer le pouvoir, dans les actes des Etats démocratiques et jusque dans nos attitudes personnelles. Et, pourtant, il y a un horizon collectif dans lequel nous nous reconnaissons et qui, pour le dire simplement, tend au bien commun, à un développement qui sache prendre en compte à la fois la liberté économique et la liberté individuelle.

La démocratie ciblée

Aujourd’hui nous mourrons de ce que nous sommes. Parce que le terrorisme fanatique semble tout à fait conscient du fait que nous négligeons notre identité, nous la supportons mal, nous la considérons comme fatiguée, de même que nos institutions sont exténuées. Ses soldats sont tout à fait conscients que notre identité est destituée.

Puis nous levons les yeux devant les tirs contre la rédaction d’un hebdomadaire transformé en symbole et nous nous remémorons la liste des sanctuaires d’une immense banalité démocratique choisis pour cible par le terrorisme : une école à Toulouse, un musée hébraïque à Bruxelles, un café à Sydney, le Parlement d’Ottawa et pour finir un journal à Paris.

Les terroristes nous rappellent qu’il n’y a pas de liberté sans les journaux. Et que la liberté des journaux peut aller jusqu’à l’irrévérence, comme dans le cas de Charlie Hebdo. La dimension fanatique et le mécanisme totalitaire ne tolèrent pas une information libre. Ils ne peuvent pas concevoir la satire. Ils savent parfaitement que l’information, la liberté et la satire sont des éléments fondamentaux et naturels de la démocratie. Et la démocratie est leur vraie cible.

Réarmement culturel

Si nous voulons que les morts de Paris aient une signification morale et politique pour nous, en dehors de la signification symbolique et militaire pour les terroristes, nous devons retrouver cette conscience de ce que nous sommes. Nous devons non seulement nous défendre nous-mêmes, mais aussi défendre notre démocratie : notre mode de vie, la manière que nous avons de nous administrer, notre liberté d’amener nos enfants à l’école, de croire en leur futur, de les accompagner à l’église, au musée, de nous réunir au Parlement.

Nous devons défendre nos principes démocratiques et la légalité internationale. Notre autre devoir est un réarmement culturel de la démocratie, de ses principes – dans lesquels nous devons croire et que nous ne devons pas mépriser. Cela vaut en premier lieu pour le pouvoir qui, avec ses pratiques incohérentes, porte une immense responsabilité. Cela vaut pour nous tous : défendre la démocratie aujourd’hui pour pouvoir la confier demain à nos enfants.

La Repubblica Ezio Mauro

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