L’avenir de l’avion passe par le cochon !
Accusées de plomber la planète avec leur empreinte carbone maousse – un passager en avion émet 285 grammes de CO2 par kilomètre, contre 158 grammes en voiture et 14 grammes en train -, les compagnies aériennes ont trouvé la martingale pour reverdir leur image : faire voler leurs zincs avec de la graisse animale. D’autant que Bruxelles a décidé de mettre les gaz sur les « carburants aériens durables », qui devront composer a minima 2 % du kérosène en 2025 et 63 % en 2050…
Les compagnies misent sur le biodiesel touillé avec des graisses animales plutôt qu’avec de l’huile végétale. Non seulement le rendement énergétique est bien meilleur, mais le CO2 généré par tous ces animaux avant que leurs carcasses soient transformées en kérosène reste imputé à la filière viande et pas au secteur aérien !
Des avions qui volent au biodiesel, rien de plus planant pour la com’… à condition, bien sûr, de ne pas dire qu’on remplit les réservoirs avec des carcasses d’animaux. Il faut tout de même l’équivalent de 8 800 carcasses de porcs pour un Paris-New York propulsé par graisse animale. Questionné par « Le Canard » sur la part de ses appareils qui carburent au biodiesel animal, Air France renvoie vers son principal fournisseur de kérosène, TotalEnergies, lequel noie le poisson dans le pétrole.
Même discrétion à la pompe à essence. Les pétroliers se gardent bien d’avertir les automobilistes qu’ils roulent avec des déchets de poulets, de lapins ou de cochons. Depuis dix ans, le groupement Les Mousquetaires, deuxième plus grand distributeur de carburant en France via les stations-service de ses enseignes comme Intermarché, sert à la pompe de l’« ester méthylique d’huile animale ». Et pas qu’un peu : il en produit ’75 000 tonnes par an, diluées à hauteur de ‘7 % dans du diesel.
Chaque jour, son usine du Havre, la plus grosse du genre dans l’Hexagone, fabrique avec les carcasses et déchets des veaux, vaches, cochons récupérés par son associé, le géant de l’équarrissage Saria, du carburant pour les bagnoles et les camions.
Troisième producteur de porcs et de poulets de l’Union européenne, notre pays fournit à lui seul un cinquième de la production européenne de graisses animales destinées au biodiesel, laquelle, selon les experts, devrait tripler d’ici à 2030.
En France, on n’a pas de pétrole, mais on a du cochon…
Article non signé. Le Canard Enchainé. 27/09/2023