Douteuse représentation française

Ce double condamné que Macron envoie représenter la France

À la demande d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy a représenté la France, mardi 27 septembre 2022, aux obsèques de l’ancien premier ministre japonais. Le fait que Nicolas Sarkozy ait été condamné deux fois par la justice, notamment pour « corruption », et soit lourdement mis en examen dans l’affaire libyenne, notamment pour « association de malfaiteurs », ne change rien pour l’Élysée.

Et voilà que cela recommence. Comme il l’avait fait lors de son premier quinquennat, Emmanuel Macron a chargé officiellement Nicolas Sarkozy de le représenter et, à travers lui, la France, à l’occasion d’un événement international. Cette fois-ci, il s’est agi des obsèques, mardi 27 septembre, de Shinzo Abe, l’ancien premier ministre du Japon assassiné au mois de juillet dernier.

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Le nom de Sarkozy plane également dans d’autres enquêtes en cours dans les couloirs du pôle financier du tribunal de Paris ou du Parquet national financier (PNF), qu’il s’agisse de ses liens d’argent avec des oligarques russes, avec des proches de Vladimir Poutine et de ses liaisons dangereuses avec l’émirat du Qatar.

Une majorité atone

Mais rien n’y fait : deux condamnations, une quadruple mise en examen dans un scandale d’État et des soupçons persistants n’auront pas incité Emmanuel Macron à la prudence pour éviter que la France ne soit représentée aux yeux du monde par un homme au CV judiciaire si lourd – et infamant pour la fonction qu’il a occupée.

Autour d’Emmanuel Macron, on a assisté ces dernières années, sans piper mot ou presque, à la montée en influence de Nicolas Sarkozy. Ainsi les appels sonnent-ils dans le vide lorsqu’il s’agit de faire commenter aux soutiens du chef de l’État le choix de Nicolas Sarkozy pour représenter la France. « C’est un choix du PR [président de la République – ndlr], qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? », finit par soupirer l’un d’eux. Un autre ne s’en offusque pas : « Sarkozy est quand même un ancien président, c’est quelque chose d’assez habituel. » 

Quels que soient les statuts, nous voulons des dirigeants responsables, exemplaires et qui rendent des comptes. Emmanuel Macron, en mars 2017  … ah bon MC

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Par cynisme politique ou par amitié sincère, Macron montre le peu de cas qu’il fait aujourd’hui du candidat qu’il fut quand, par exemple, en pleine campagne, il déclarait en mars 2017 : « La justice est au cœur du projet que nous portons, parce que l’indécence, les privilèges n’ont que trop duré et nous voulons les mêmes règles pour tous. Quels que soient les statuts, nous voulons des dirigeants responsables, exemplaires et qui rendent des comptes. »

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Évidemment, la situation peut aussi ne pas surprendre si l’on se souvient que le même Emmanuel Macron, qui avait promis qu’un ministre mis en examen devrait démissionner du gouvernement, a reconduit au poste de ministre de… la justice le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti après sa mise en examen pour « prise illégale d’intérêts ».

Le ministre, qui saura le 3 octobre s’il sera renvoyé pour être jugé devant la Cour de justice de la République (CJR), est poursuivi pour avoir utilisé les moyens disciplinaires de son poste afin de mettre à l’index plusieurs magistrats anticorruption. 

Parmi eux : ceux qui avaient enquêté sur un certain Nicolas Sarkozy.


Fabrice Arfi et Ilyes Ramdani. Médiapart. Source (extraits)