Le vrai profil des chasseurs

Les chasseurs se sont contrôlés. Propres sur eux, tout d’orange vêtus. Pas de pancartes vulgaires ou provocatrices lors des manifestations de ce week-end.

Un seul mot d’ordre : la ruralité c’est nous ! « Les premiers écolos de France », c’était également eux. Qu’en est-il dans les faits ?

Revendiquer la ruralité, ce n’est pas conforme à la réalité. Pour ne pas dire, c’est un mensonge. Selon l’étude réalisée par la Fondation Sommer, que l’on ne saurait soupçonner d’être anti-chasse primaire (le Musée de la chasse et de la nature, le Club de la chasse et de la nature à l’hôtel de Guénégaud, c’est la Fondation en question) et le sondage IPSOS/LPO, près de 70 % de chasseurs sont urbains.

Pour être plus précis, il est constaté qu’environ la moitié des chasseurs français habitent dans des villes de plus de 20 000 habitants (13 % dans des villes de 20 000 à 99 000 habitants et 22,5 % de 100 000 à 1 999 999 habitants), tandis que 11 % vivent dans l’agglomération parisienne. On est loin de la prétendue représentation rurale. Et s’il fallait en finir définitivement avec cette allégation, il faut rappeler que moins de 4 % des chasseurs sont des agriculteurs.

Les sondeurs n’ont même pas pu quantifier le nombre d’agriculteurs dans la classification professionnelle des chasseurs tant le chiffre est faible. Dans les faits, les tensions entre les chasseurs et le monde agricole sont de plus en plus vives en raison de la gestion calamiteuse des populations de sangliers.

Par ailleurs, victime de dégâts des campagnols des champs, un nombre croissant d’exploitants agricoles se plaignent de l’éradication de leurs principaux alliés que sont les mustélidés et les renards.

L’Institut National de la Statistique et des Études Économiques a revisité la notion de ruralité. Il apparaît que la France figure parmi les pays les plus ruraux d’Europe derrière la Pologne. 32 % de la population française est considérée comme rurale, ce qui représente quelque 22 millions d’habitants. On est loin du faible million de chasseurs, en constant déclin.

De 2 350 000 en 1984, les porteurs de fusil passent à 1 100 000 en 2018 et tombent au-dessous du million symbolique aujourd’hui selon les chiffres officiels de l’OFB (l’Office Français pour la Biodiversité).

La représentation prétendue de « plus de 1 million » de chasseurs n’est plus conforme. Compte tenu de la pyramide des âges (60 % ont plus de 50 ans, parmi lesquels 31,4 % ont 65 ans et plus), il y a entre 20 et 40 000 chasseurs en moins chaque année. On comprend pourquoi le monde cynégétique lance de coûteuses campagnes vantant le potentiel de la chasse, notamment à l’attention des jeunes et des femmes.

À propos, ces dernières, souvent affichées, ne représentent que 5 % des pratiquants !

Entre 20 000 et 40 000 chasseurs en moins chaque année

L’étude prospective de la Fondation Sommer ne s’y trompe pas. Elle constate qu’à l’image de la société française, la sociologie des pratiquants de la chasse s’est considérablement modifiée depuis les années 1980. Les chasseurs sont plus âgés et plus urbains (parmi les effectifs des chasseurs, le nombre de cadres moyens et supérieurs dépasse désormais celui des employés, des ouvriers actifs et des agriculteurs).

Constatant que le nouveau chasseur est de moins en moins fréquemment résident des milieux où il chasse, l’étude suggère : « À l’horizon 2040, le gros des effectifs actuels né lors du baby boom ne sera plus chasseur. »

Face à l’aplomb des chasseurs qui clament leur représentativité nationale, il faudrait peut-être se retourner vers l’opinion publique. Il y a quelques mois, la Fondation Brigitte Bardot commandait un sondage IFOP sur les Français et la chasse.

La première question creuse d’emblée le fossé. « Avez-vous déjà chassé ? » demande l’institut de sondage. Réponse : oui 9 %, non 91 %. À noter qu’en 2017, les réponses étaient : oui 12 %, non 88 %, ce qui montre un déclin et une écrasante majorité de Français ne chassant pas. Plus loin, il est demandé aux sondés s’ils se sentent en sécurité dans la nature durant la période de chasse. 46 % répondaient oui, en 2009 ; ils ne sont plus que 29 % aujourd’hui.

En clair, 71 % des Français ne se sentent pas en sécurité. Autre question récurrente : « Faut-il que le dimanche devienne un jour sans chasse ? » En 2009, 54 % des Français le souhaitaient, ils sont 78 % aujourd’hui. Et, parmi les types de chasse, la chasse à courre est tout particulièrement rejetée. 73 % des Français étaient contre en 2005, ils sont aujourd’hui 86 %.

À noter que si en 2005, 5 % des sondés ne se prononçaient pas sur ce sujet, tous les derniers sondés ont donné un avis. Les périodes de chasses trop longues, la chasse de nuit ou les trophées réalisés à l’étranger sont également largement conspués dans ce sondage.

Dans quelques jours, la plus haute juridiction française se prononcera sur la validité des chasses traditionnelles voulue par l’exécutif, sur pression des chasseurs. Ces derniers sont descendus dans la rue pour fustiger le Conseil d’État, tout en rendant hommage à Emmanuel Macron qui tente de tordre le cou au droit pour le rendre favorable à la chasse.

À ce moment de l’histoire, il est peut-être judicieux de rappeler que ces chasses, qui génèrent d’odieuses souffrances, comme l’étranglement des oiseaux, ne perdurent que pour le plaisir, le loisir. Nous ne sommes plus en temps de guerre, ni de disette…

Quoiqu’il en soit, avis aux braconniers, l’avenir s’annonce clément. Désormais, en cas d’infraction, le contrevenant pourrait ne plus avoir d’amende à payer, il devra se soumettre à un stage de formation. Une convention vient d’être signée dans ce sens dans le Pas-de-Calais, entre le président des chasseurs et le procureur général près la cour d’appel de Douai. Après les insultes à la justice proférées lors des manifestations, cette dernière n’est pas rancunière !


Allain Bougrain-Dubourg – Charlie Hebdo Web –

Source (Extraits)

4 réflexions sur “Le vrai profil des chasseurs

  1. bernarddominik 22/09/2021 / 19h02

    Xavier Bertrand a promis aux chasseurs la réintroduction des chasses traditionnelles (capture d’oiseaux à la glu) Macron a baissé le prix du permis de chasse et a promis d’autres « faveurs ».
    Cette cours faite aux chasseurs, comme celle aux harkis, en pleine période électorale, est lamentable et montre le bas niveau des candidats à la présidence.

  2. Dominique Hasselmann 30/10/2021 / 17h55

    Heureusement, le dernier décret (autorisant les chasses « traditionnelles » des oiseaux) émanant du Président en place vient d’être retoqué par le Conseil d’État.
    Les chasseurs vont sans doute se mettre en grève… ce qui permettrait à Yannick Jadot, partisan d’une interdiction de la chasse durant les week-ends et les vacances scolaires, de souffler un peu ! 😉

    • Libres jugements 31/10/2021 / 11h41

      Bonjour et merci Dominique pour avoir posté ce commentaire.
      Cordialement
      Michel

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