D. Trump : chef de guerre !

Comme il l’a souvent répété, M. Donald Trump entend mener une politique étrangère imprévisible !

Déclenchés le 7 avril dernier en représailles à une attaque chimique meurtrière attribuée au régime de Damas par la plupart des membres du Conseil de sécurité des Nations unies, les bombardements lancés depuis des navires de guerre américains contre une base aérienne en Syrie ont été présentés dans les médias comme la première « véritable » action militaire du président Donald Trump depuis son entrée à la Maison Blanche.

Le déluge de cinquante-neuf missiles Tomahawk ne saurait être classé comme une affaire mineure, compte tenu des dégâts substantiels — quoique non catastrophiques — qu’il a provoqués. Mais il s’agit en réalité de la seconde offensive de M. Trump, la première étant le raid sanglant des forces spéciales américaines au Yémen le 29 janvier 2017. Et, surtout, elle pourrait bien n’être qu’un prélude à une longue série d’autres recours à la violence militaire, chacun plus imprudent et agressif que le précédent.

Au cours de sa campagne électorale, M. Trump avait indiqué à maintes reprises qu’il n’hésiterait pas à mobiliser l’armée pour défendre les intérêts de son pays à l’étranger (…)

Depuis qu’il occupe le bureau Ovale, le président Trump se montre de plus en plus va-t-en-guerre, donnant les coudées franches à son état-major — « mes généraux », comme il aime à les appeler — pour planifier et exécuter des opérations militaires dans diverses zones de combat, comme l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Somalie, la Syrie ou le Yémen.

Le premier geste remonte donc à janvier, quand il ordonne une opération commando contre un village situé dans le centre du Yémen et censé servir d’abri à des membres du groupe Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA). Bien que la préparation du raid ait débuté durant les dernières semaines de l’administration Obama, c’est le nouveau président — au cours d’une réunion avec son « stratège en chef » Stephen Bannon, son gendre Jared Kushner, le ministre de la défense James Mattis et le général Michael Flynn, son éphémère conseiller à la sécurité nationale — qui donne le feu vert. En raison sans doute d’une planification bâclée ou d’une supervision cafouilleuse par la Maison Blanche (voire d’une combinaison des deux), l’opération tourne au désastre. Seize civils y perdent la vie, ainsi qu’un membre des Navy Seals, les forces d’élite de la marine américaine.

Peu enclin à tirer les leçons d’un tel fiasco, M. Trump décide d’accorder des pouvoirs accrus à ses officiers en chef, leur donnant carte blanche pour mener des actions militaires dans une demi-douzaine de pays.

Au Yémen, par exemple, le président a autorisé le Pentagone à désigner trois provinces comme des « zones d’hostilité active », un label qui permet aux officiers sur place d’ordonner des raids et des tirs de drones pour éliminer des suspects sans devoir en référer à la Maison Blanche. Dans les semaines qui ont suivi l’opération calamiteuse de janvier, les États-Unis ont lancé plus de soixante-dix attaques de drones au Yémen — nettement plus que le nombre d’attaques de ce type autorisées dans ce pays par M. Obama pour toute l’année 2016.

En Somalie aussi, des territoires entiers ont été classés zones d’activité hostile. Les officiers du commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom) y ont les pleins pouvoirs pour cibler des membres présumés des Chebab, une autre franchise d’Al-Qaida. « Il est très important et très utile pour nous d’avoir un peu plus de flexibilité, un peu plus de liberté en termes de prise de décisions, se félicite le général Thomas Waldhauser, commandant en chef de l’Africom, dans le New York Times (30 mars 2017). Cela nous permet de frapper nos cibles de manière plus rapide. »

« Laissons faire les gars »

Les officiers du commandement central (Centcom), responsables des opérations militaires américaines en Irak et en Syrie, ont également salué les généreuses marges de manœuvre que leur dispense M. Trump. Fin mars, alors qu’à la demande de la Maison Blanche ils se préparaient à intensifier leur offensive contre l’Organisation de l’État islamique (OEI), leur commandant en chef, le général Joseph Votel, déclarait : « Nous avons compris que la nature du combat était en train de changer et que nous devions faire en sorte que les autorités [sic] s’exercent au bon niveau en donnant des pouvoirs élargis au responsable sur le terrain (2).  »

(…) Le 13 avril, le Centcom a choisi une montagne afghane abritant un réseau de tunnels occupé par des combattants de l’OEI pour y larguer l’engin explosif le plus redoutable du monde, hors armes nucléaires : une bombe GBU-43/B connue sous l’acronyme MOAB (Massive Ordnance Air Blast), ou bombe à effet de souffle massif. Pesant dix tonnes et coûtant 16 millions de dollars, cette « mère de toutes les bombes », selon son surnom, réduit toute vie en poussière dans un rayon de neuf cents mètres. Déclenchée dans une zone urbaine ou semi-urbaine, elle peut faire des victimes par milliers, raison pour laquelle l’administration Obama ne l’a jamais utilisée. Le fait que le président Trump ait inauguré son usage quelques jours seulement après son tir de missiles sur la Syrie suggère une certaine inclination à dégainer des armes de destruction de plus en plus massive.

À quoi pourrait ressembler son prochain coup d’éclat ? Des frappes militaires préventives contre la Corée du Nord ou contre l’Iran font partie des scénarios plausibles. (…)


Michael Klare -Professeur au Hampshire College, Amherst (Massachusetts). Auteur de The Race for What’s Left. The Global Scramble for the World’s Last Resources, Metropolitan Books, New York, 2012. Petit extrait d’un article paru dans “Le monde Diplomarique “ Source


Note :

  1. Non référencé.
  2. Propos cités par le New York Times du 30 mars 2017.
  3. Non référencé.
  4. Non référencé.