Venezuela. « Nous vivons une tentative de coup d’Etat soft »

Un an après la disparition d’Hugo Chavez, le Venezuela de Nicolas Maduro, président élu, fait face à une vague de protestation des classes moyennes. Prêt au dialogue avec elles, le gouvernement maintient son choix d’une politique sociale, mais refuse le rôle pris par les Etats-Unis. Pour l’ambassadeur du Venezuela en France, Hector Mujica, ce mouvement qui tente de déstabiliser la révolution bolivarienne, est voué à l’échec.

ENTRETIEN

HD – Comment analysez-vous les mouvements qui agitent actuellement le Venezuela?

HECTOR MUJICA. Il ne faut pas confondre des revendications légitimes de la part des étudiants des tentatives de déstabilisation du pouvoir. Ceux qui parmi les étudiants réclament le droit à pouvoir étudier dans de bonnes conditions et le droit de manifester doivent savoir que ces droits existent et qu’ils sont dans la Constitution. Mais je rappelle que dans la Constitution, le droit de manifester implique aussi que les manifestations gardent un caractère pacifique. Force est de constater que la dérive violente des manifestations actuelles montre que le véritable objectif de ceux qui poussent à cette violence est la délégitimation du pouvoir. Ils tentent ce qu’il faut bien appeler « un coup d’État soft ». Et nous savons qu’en sous-main ce sont des officines des États-Unis qui dirigent. Les émeutes, les barricades, les affrontements avec la police… tout cela se déroule dans les quartiers résidentiels. Les quartiers populaires, eux, ne connaissent pas cette flambée de violence.

Justement, on a le sentiment qu’aujourd’hui ce sont les couches moyennes qui se révoltent.

H. M. Nous sommes en train d’établir un dialogue avec ces classes moyennes. Nous essayons de mettre en œuvre des politiques économiques, sociales et culturelles pour prendre en compte leur situation. Mais une partie de cette classe moyenne porte une profonde rancune vis-à-vis du chavisme. Pour eux, la révolution bolivarienne c’est faire du Venezuela une marionnette de Cuba. Il existe également chez eux une véritable haine contre l’irruption des classes populaires dans la vie politique du pays. Reste qu’il est vrai que la classe moyenne est aujourd’hui défavorisée par l’inflation. C’est une question grave que nous devons résoudre. Nous devons combattre cette inflation avec des politiques monétaires qui ne doivent pas conduire au chômage et à la misère d’une bonne partie de la population. Cela implique de poursuivre nos politiques sociales.

Il faut mesurer l’évolution de la situation économique et sociale du peuple vénézuélien. Depuis 1998,1e revenu annuel moyen par habitant a été multiplié par trois. Le SMIC est le plus élevé d’Amérique latine. Nous avons mis en œuvre des politiques qui assurent l’accès des classes populaires et des plus pauvres aux produits de première nécessité… Nous ne reculerons pas sur ces points.

Vous avez évoqué dans les événements actuels une tentative de délégitimation du pouvoir. Pourtant les dernières élections semblent avoir confirmé la légitimité de Nicolas Maduro…

H. M. L’opposition, après la défaite lors de la présidentielle d’avril 2013, a voulu faire des municipales de décembre 2013 un référendum anti-Maduro. Mais celles-ci ont été marquées par la victoire sans appel des forces bolivariennes. Comme l’opposition ne réussit pas à prendre le pouvoir par les urnes, elle tente de le faire par la rue et la violence. C’est la position de Leopoldo Lopez, qui ne cache pas qu’il veut faire tomber le gouvernement.

Comment appréciez-vous les accusations de censure et de dictature proférées notamment par le Parlement européen?

H. M. C’est lamentable. Je leur dis de regarder les titres de la presse vénézuélienne. Certains articles d’opinion ont même pu lancer des appels à « tuer le président pour résoudre les problèmes ».

Peut-on imaginer cela dans un pays d’Europe?

Nous savons que les tentatives de déstabilisation vont se poursuivre. Une partie de l’opposition a refusé de participer à la conférence pour la paix et contre la violence initiée par le président Maduro. Mais elle n’aura pas le soutien de la population.

Trois facteurs expliquent que la révolution bolivarienne résiste à toutes ces tentatives de coup d’État: l’organisation populaire, l’alliance civil-militaire et nos alliances internationales. Le Venezuela n’est pas isolé. Ni en Amérique latine ni dans le reste du monde. J’en veux pour preuve les manifestations de solidarité avec la révolution bolivarienne partout dans le monde et notamment en France.

L’ENTRETIEN de M Hector Michel Mujica Ricardo, ambassadeur du Venezuela en France a été réalisé par Stéphane Sahuc – HD N° 21373