La comédie des « Césars »

Qu’y a-t-il de plus intéressant qu’un film assassiné par les critiques dans les médias, déserté par les spectateurs lors de sa sortie, devenant culte au fil des années. Les exemples sont légion de ces films récompensés et aujourd’hui oubliés à tout jamais par la grande majorité des spectateurs alors que certains sont encore étudiés dans les écoles de cinéma, passent avec beaucoup de succès dans les ciné-clubs et le plus souvent servent de référence voire de « comparaison étalon » à d’autres films de se révélant rapidement de moindre valeur.MC

Il y a quelques années, lorsqu’en dépit de ses quelque vingt millions d’entrées France, Bienvenue chez les Ch’tis échouait à remporter des nominations aux César dans les catégories reines, Dany Boon suggérait que l’académie crée un César de la meilleure comédie. Ce à quoi ladite académie rétorqua que le genre s’en trouverait plus ghettoïsé encore. Guillaume Gallienne peut remercier le ciel que la motion Boon ait été rejetée. Cela a permis vendredi 07 mars 2014,  à Les Garçons et Guillaume, à table ! d’obtenir cinq statuettes (meilleur film, premier film, acteur, adaptation et montage). De quoi faire un sort au soupçon de racisme anti-comique de l’institution, d’autant que l’autre vainqueur de la soirée est 9 mois ferme d’Albert Dupontel (meilleure actrice pour Sandrine Kiberlain et meilleur scénario original).

La supposée dérive élitaire des César des années 2000 (lorsque L’Esquive raflait des César au nez et à la barbe des Choristes) semble révolue. Cette année, la profession a principalement récompensé le succès avec un ticket à 2 millions d’entrées pour les deux principaux winners. Enfin, c’est aussi une nouvelle figure que dessinent Les Garçons… et 9 mois ferme : celle de l’auteur omniprésent à tous les stades de la chaîne (scénario, réalisation) jusqu’à occuper le devant de l’écran.

Un auteur-acteur complet donc, histrionique et au four et au moulin. La marque de l’auteur se confond avec l’identification de l’acteur. Avec pour grande sacrifiée l’étape de la mise en scène, réduite à un emballage clippé comme un programme court télévisuel délayé sur deux heures.

De toute façon, un événement a surgi ce week-end qui a un peu relégué ce marathon de trophées au second plan : la disparition d’un des plus grands cinéastes au monde. Nous lui rendons hommage, lui qui sut si brillamment conjuguer le spectacle et l’innovation, triompha aux César avec des films tantôt très audacieux (Providence, Smoking/ No Smoking), tantôt très audacieux mais très populaire (On connaît la chanson).

Jean-Marc Lalanne – Les Inrocks N°953