« J’veux pas, d‘leur argent, qu’y aillent se faire foutre ! »
Voilà une grand-mère pas contente (Reporterre, 19/3). Pourtant, elle devrait l’être. Elle habite pas loin du laboratoire nucléaire souterrain de Cigéo, dans la Meuse, là où, depuis vingt ans, les ingénieurs s’activent pour montrer à la planète ébahie que, oui, enfouir à 500 mètres de profondeur les milliers de tonnes de déchets hautement radioactifs qu’a produits à jet continu notre parc nucléaire depuis un demi-siècle, c’est génial, c’est faisable, et que d’ailleurs ça va se faire.
L’utilité publique de cette poubelle nucléaire a fini par être officialisée en juillet 2022. Elle sera creusée juste à côté du labo actuel (« Le Canard », 7/2). Mais, pour commencer les travaux préparatoires, il faut exproprier. Des chemins, des routes, des milieux naturels, une ancienne plateforme de voie ferrée. Et des surfaces agricoles. La Meuse a beau être l’un des départements les moins peuplés de France, il s’y trouve quand même quelques agriculteurs.
L’Andra, l’agence nationale qui s’occupe de ces déchets, leur avait déjà acheté ou « échangé » pas mal de terrains. Il lui manque 106 ha en surface. Et 185 ha dans les tréfonds.
Cette histoire de tréfonds est désopilante. On ne vous achète pas votre terrain en surface. Mais ce qui se trouve 500 mètres au-dessous. Là où l’on creusera des tunnels et où l’on fourrera pour les cent mille ans à venir des colis très hautement radioactifs mais tellement sécurisés que vous ne sentirez rien, promisjuré.
A la grand-mère, 1 ‘Andra a proposé 1 325 euros pour les tréfonds de sa pâture à vaches, qui occupe 1,3 ha. Ce n’est pas la modicité de la somme qui l’a énervée. Après tout, elle ne va pas tous les jours voir ce qu’il se passe à 500 mètres sous son terrain. Et elle n’envisage pas de le revendre demain matin (ça n’aurait rien d’évident de trouver un amateur pas rebuté par des tréfonds irradiés à mort !). Mais elle n’a pas spécialement envie d’aider la France à rester cette grande puissance nucléaire qui fait l’admiration du monde entier. Ce manque de patriotisme fait peine à voir. Et il semble que, dans le coin, elle ne soit pas la seule.
Car il y a aussi ceux dont l’Andra convoite les terrains en surface. Ils sont plus de 300 propriétaires et exploitants à être concernés. Ils ont reçu un dossier de l’Andra qui leur demande de leur donner toutes les infos sur leur parcelle, qu’elle soit louée ou cultivée. Une fois que tout aura été mis au clair, le préfet dégainera un « arrêté de cessibilité ». On leur proposera une indemnité. Les récalcitrants seront expulsés. Pour les opposants locaux, la bataille ne fait que commencer. Recours juridiques, mobilisations, réunions… ils sont prêts à résister fermement au bulldozer nucléaire. Tout cela devrait bien prendre quelques mois. Ou quelques années. Ou cent mille ans ?
Jean-Luc Porquet. Le Canard enchaîné. 17/04/2024
Désolant, révoltant….
Pour paraphraser certains co..dS de service planqué dans les administrations, l’ordre doit être exécuté même si cela déplaît à quelques-uns.
amitiés. Michel
Les choix nucléaires sont aberrants, la filière uranium est la plus polluante mais elle produit du plutonium pour les bombinettes.
« faut’il pleurer ? faut’il en rire…? » c’est dramatiquement lamentable, ne serions nous pas pris pour des… ?