Madrigal

Si c’est aimer, Madame, et de jour et de nuit !
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire, !
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit ;

Si c’est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi-même et d’être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre et me taire,
Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit ;

Si c’est aimer de vivre en vous plus qu’en moi-même,
Cacher d’un front joyeux une langueur extrême,
Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite ;
Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal !

Si cela c’est aimer, furieux je vous aime ;
Je vous aime, et sais bien que mon mal est fatal ;
Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.


Ronsard


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