Qui c’est qui veut bosser avec Rachida Dati ?
La toute nouvelle ministre de la Culture est en quête d’un « chargé de mission auprès de la chefferie de cabinet », si l’on en croit une offre déposée sur le site d’offres d’emploi Choisir le service public.
L’heureux ou l’heureuse élu(e) bénéficiera d’un CDD d’un an et sera « particulièrement chargé(e) de contribuer à l’organisation d’événements auxquels participe la ministre de la Culture sur Paris/Ile-de-France ». Alors, comme ça, madame la ministre serait « particulièrement » intéressée par la capitale ? Les provinciaux apprécieront !
Parmi les tâches qui attendent la future recrue : « Organiser les déplacements parisiens et franciliens, et constituer les dossiers correspondants pour la ministre en lien avec les conseillers », mais aussi « rédiger toute synthèse, analyse ou compte rendu utiles dans le cadre de ses missions ».
Paris osé
« Utile » également pour préparer la campagne municipale parisienne de 2026 que Dati entend mener ! « Cette offre de poste est calquée sur celle publiée en juin 2022 pour le précédent cabinet », précise la Rue de Valois. Avec le même focus sur Paris ? Silence radio !
Juste avant d’arriver à la Culture, le 11 janvier, la maire du VIIe arrondissement avait laissé entendre que Macron avait noué un pacte avec elle : elle aurait la voie libre pour représenter le camp présidentiel à Paris, sans subir de concurrence macroniste en 2026. Elle en avait trop dit. Deux jours plus tard, elle infirmait : « Vous imaginez Emmanuel Macron, au moment de ma nomination, me parler de municipales ? » (« Le Parisien », 13/1).
Et, trois jours plus tard, le chef de l’Etat lui-même, lors de sa conférence de presse, balayait à son tour l’idée d’un deal avec l’ex-garde des Sceaux avant de la faire entrer au gouvernement : « Nous n’avons pas parlé de Paris, vous aurez du mal à me croire quand je vous dis ça, mais c’est vrai. » Pourquoi du mal à le croire ?
Article signé des initiales C. B. Le Canard enchaîné. 24/01/2024
… au mépris du secret de l’instruction ?
L’Élysée a-t-il violé le secret de l’instruction avant de nommer Rachida Dati ministre de la Culture ? Selon « Le Monde » (18/1), « l’Élysée a tenu à consulter une copie du dossier judiciaire de ses avocats » avant de se décider.
Le 16 janvier, interrogé sur la mise en examen de Rachida Dati, Emmanuel Macron avait pourtant été clair. C’est « une affaire dont je n’ai pas à connaître (…). Depuis dix ans maintenant, dans notre pays, il n’y a plus d’instruction individuelle sur les dossiers ».
Le Président aurait-il menti, ou « Le Monde » se serait-il trompé ?
Rachida Dati le jure : Macron ne s’est pas soucié de son pedigree judiciaire. « J’ai rappelé au président de la République que j’étais mise en examen, il ne m’a rien demandé de plus. » Un vrai contrat de confiance dans l’indépendance de la justice !
L’Élysée dément vigoureusement une quelconque consultation de documents. Et pour cause : s’il y en a eu une, une enquête pour recel de violation du secret de l’instruction pourrait être ouverte, et les personnes fautives risqueraient trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Après le procès du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, pour prise illégale d’intérêts, ça la ficherait mal.
Prescription sur ordonnance
Les avocats de Dati, eux, assurent qu’ils n’ont même pas rédigé une note récapitulant l’état de la procédure à destination du chef de l’État. Le Parquet national financier (PNF), chargé de l’enquête, affirme lui aussi, n’avoir « rien transmis » à l’Élysée. Manquerait plus que ça !
La procédure contre l’ex-ministre de la Justice, soupçonnée d’avoir indûment perçu, comme avocate, 900 000 euros de Renault entre 2009 et 2011, est aujourd’hui suspendue à la décision de la chambre d’instruction.
À la lumière de certains documents, ses avocats font valoir que les faits reprochés sont prescrits. Le PNF devrait rendre son réquisitoire définitif après cette décision. Si procès, il doit y avoir, ce ne sera pas avant 2025 — pile pour le démarrage de la campagne municipale à Paris.
Marine Babonneau Le Canard enchaîné. 24/01/2024
C’est beau comme un camion..