La nette droitisation…

… de l’exécutif offre une réelle opportunité pour un renouveau de la gauche.

Et si Emmanuel Macron avait rendu service à la gauche ? La nomination du gouvernement Attal et la nette droitisation de l’exécutif dont il témoigne ont au moins un mérite : celui de la clarification. La position médiane du macronisme a vécu : le « en même temps » et le « dépassement », chers au président, qui a toujours cherché à se placer au-delà du clivage droite-gauche, ont été emportés par ses choix récents.

Après l’adoption de la loi sur l’immigration, qui trahissait déjà les compromissions du chef de l’État avec LR et le RN, la composition du nouveau gouvernement accentue la pente droitière d’Emmanuel Macron. Exit les quelques ministres qui avaient eu le front d’exprimer leurs doutes sur le texte immigration, remerciés sans ménagements.

Bienvenue aux barons de la droite qui composent désormais l’ossature de l’équipe gouvernementale.

Calcul ou conviction, la volonté d’Emmanuel Macron de chasser sur les terres de la droite conservatrice et de l’extrême droite — jusqu’à endosser la même lecture passéiste et décliniste de notre société — provoque un remaniement important de l’offre politique. Le président tourne en effet le dos à ses engagements progressistes et laisse orphelins les électeurs de la gauche réformiste qui avaient cru en sa réincarnation dans le macronisme.

Ce tournant ouvre une réelle opportunité pour un renouveau de la gauche social-démocrate, celle qui a longtemps été incarnée par le Parti socialiste — avant de s’abîmer dans l’exercice du pouvoir et d’être concurrencée par la gauche radicale.

C’est cette gauche-là, fidèle à ses valeurs humanistes et européennes, qui a su embrasser la cause écologiste et veut combattre les inégalités engendrées par le libéralisme, qui cherche aujourd’hui à donner de la voix. Et à sortir de la nuit où l’avait plongée le macronisme, en renouant avec ses fondamentaux doctrinaux.

De ce point de vue, les élections européennes seront un moment majeur qui pourrait préfigurer bien des batailles à venir. Rarement les enjeux de ce scrutin auront été aussi décisifs : il n’est que de voir comment les politiques européennes, et notamment le Green Deal écologiste, sont attaquées par les populistes, qui instrumentalisent les colères sociales, comme celle des agriculteurs.

Dans ce contexte, il est crucial que les sociaux-démocrates européens restent un groupe puissant au Parlement de Strasbourg, afin de contenir les conservateurs du Parti populaire européen et la poussée de l’extrême droite. Car la social-démocratie n’est pas morte, elle reste aux commandes en Espagne, au Portugal et en Allemagne, et vient de remporter une élection décisive en Pologne en s’alliant avec le libéral Donald Tusk.

Partout en Europe, c’est elle qui mène le combat frontal contre l’extrême droite, en refusant la logique souverainiste et le repli sur soi nationaliste.

En France, c’est aussi la recomposition de la gauche qui est en jeu, avec le pari de Raphaël Glucksmann, député européen sortant, bientôt nommé tête de liste du PS pour la seconde fois.

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D’après l’édito de Cécile Prieur. L’Obs. N° 3095. 25/01/2024


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