Encore une histoire (presque) drôle.

L’air intérieur. Celui que nous respirons entre 70 % et 90 % du temps.

Chez soi, au taf, dans les transports, à l’école, au cinoche, etc.

Signalons pour commencer un chef-d’œuvre publié le 30 octobre par le Cerema (1), organisme public sous tutelle de deux ministères, dont celui, si mal nommé de la « Transition écologique ».

Son titre : « Investir son énergie dans la qualité de l’air intérieur ». Soyons franc, il est difficile de faire la part de la rouerie et de l’insouciance la plus totale. Mais voyons ensemble.

Côté rouerie, cette phrase d’introduction : passer 80 % de notre temps dans des lieux clos « peut entraîner des pathologies en cas de polluants dans l’air ». Là, pas de doute.

Ces gens savent très bien que ce n’est pas une possibilité, mais une certitude. Au reste, plus loin, comme si de rien n’était, on trouve ces mots : « 20 000 décès prématurés et 28 000 nouveaux cas de pathologies par an en France en raison d’une mauvaise QAI [qualité de l’air intérieur] ». Faudrait savoir, les gars. Ou ça peut tuer, ou ça tue.

La vérité tout approximative de ces mensonges nous est fournie, car tout arrive, par un autre service public, Recosanté, qui écrit sans apparemment s’évanouir : « Nous passons environ 80 % de notre temps dans des espaces fermés où l’air que nous respirons est en moyenne quatre à cinq fois plus pollué que l’air extérieure (2) » D’autres sources assurent que l’air intérieur est huit fois plus pollué, ce qui montre au passage que nul ne sait ce qui se passe, faute d’études sérieuses.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) égrène en tout cas des chiffres intéressants : « La pollution de l’air à l’intérieur des habitations a été responsable d’environ 3,2 millions de décès par an, en 2020, dont plus de 237 000 décès d’enfants de moins de 5 ans(3). » À ce stade, on peut encore s’en foutre, car ces crétins du Sud font leur cuisine sur des foyers ouverts, en utilisant à l’intérieur charbon, pétrole, résidus divers. Seulement, comme on va voir, nous sommes beaucoup, beaucoup plus cons qu’eux.

D’abord ce rappel : l’air extérieur tue massivement. Le ministère Béchu — de la « Transition écologique » — reconnaît 40 000 morts par an, mais une étude fort sérieuse (4), les chiffre à 97242. Près de 100 000. Or comme la pollution de l’air intérieur est bien plus grave selon les autorités elles-mêmes, elle tue fatalement beaucoup plus. On attendrait de gens responsables qu’ils sonnent le clairon et annoncent un plan aussi drastique qu’immédiat, mais en réalité, il ne se passe rien.

C’est injuste, car les conseils ne manquent pas. Parmi beaucoup d’autres idées révolutionnaires, faisons confiance à Recosanté, déjà cité. Il faut « réduire [les] sources d’émission, en limitant l’usage des produits de la vie quotidienne ; aérer son logement en ouvrant les fenêtres ; assurer le bon fonctionnement du système de ventilation conforme à la réglementation ». On est d’accord, c’est un pur et simple foutage de gueule. Mais cela s’explique aisément, car la situation est en fait hors de contrôle. C’est chiant.

Comment résumer un tel pandémonium ? Selon l’impeccable — et public — Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), des milliers de polluants différents peuvent se retrouver à un moment ou un autre dans l’air intérieur. Bien sûr, il faut considérer la manière de cuisiner, l’apparition de champignons dans un appartement humide, le tabagisme. Mais le reste est une immensité qu’il ne faut surtout pas évoquer. Car toute l’exposition de leur monde repose sur l’usage cinglé de molécules chimiques dangereuses.

Ainsi du formaldéhyde, cancérogène, qu’on retrouve dans les tapis, les moquettes, les peintures, les panneaux d’aggloméré, les colles, les mousses. Ce que ne disent pas les Excellences qui nous protègent si bien, c’est que la dégradation inévitable de centaines de produits de la vie quotidienne relâche peu à peu dans l’atmosphère intérieure des poisons qui se mélangent à l’infini, et gagnent les 14 000 l d’air qui passent par nos poumons chaque jour.


Fabrice Nicolino. Charlie Hebdo. 15/11/2023


  1. tinyurl.com/2v7mu6au
  2. tinyurl.com/3wxxdpad
  3. tinyurl.com/ycx4h7d8
  4. tinyurl.com/rts4fcr8 (en anglais).

Une réflexion sur “Encore une histoire (presque) drôle.

  1. bernarddominik 18/11/2023 / 16h28

    Il y a des chiffres pour tout. Effectivement vivre expose à mourir. Dans ma jeunesse, on se chauffait à charbon. On aurait tous dû mourir à 20 ans. Puis, on est passé au fuel, guère mieux, puis au gaz ou à l’électricité. On nous a vendu des peintures pour rénover nos intérieurs, patatras, c’est pire que le charbon. Certains sont revenus au bois, mais ce serait pire que le fuel. On change de religion [écologique] tous les 10 ans, finalement si on y réfléchit bien ce ne serait pas plutôt pour nous faire acheter une autre technologie, qui sera périmée dans 10 ans…

Rappel : Vos commentaires doivent être identifiables. Sinon ils vont dans les indésirables. MC