Ce soir à la télé

Article déjà présenté le 08/11/2023 : « L’autre face du miroir… »

Bruxelles, Parlement européen, 30 mai 2023. Au centre de l’hémicycle,Raphaël Glucksmann, eurodéputé et cofondateur du mouvement Place publique, s’adresse à ses pairs. Et dans sa main brandie, cette pièce à conviction inédite : un test de grossesse acheté en 2015 dans une pharmacie parisienne et dans lequel a été découvert, sous le blister, le SOS anonyme d’un prisonnier incarcéré dans un laogai, un « camp de rééducation par le travail » en Chine.

Cette lettre, la journaliste Lœtitia Moreau en a fait le sujet d’une enquête de près de deux ans, documentée dans son film « Travail forcé, le SOS d’un prisonnier chinois », diffusé sur Arte.

À travers ce cliché, le symbole. Celui du journalisme lanceur d’alerte qui utilise son pouvoir médiatique pour interférer dans l’Histoire. « Dans le dernier paragraphe, la personne qui nous écrit demande que cette lettre soit médiatisée et qu’on la mène le plus loin possible. Au moment où je commence mon enquête, je vois que l’Europe travaille à une législation. Mon travail a donc aussi été de faire que cette lettre serve d’argument dans le vote d’une loi qui changerait notre mode de consommation », explique la réalisatrice.

Au milieu du film, elle se rend donc à Bruxelles, dans le bureau de Raphaël Glucksmann. Membre de la Commission des affaires étrangères, il est le rapporteur de la proposition de loi sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, une directive qui vise à instaurer une législation européenne pour faire respecter les droits de l’homme et renforcer la protection de l’environnement.

Objectif de Lœtitia Moreau : révéler à l’eurodéputé l’existence de ce témoignage rédigé en mandarin et lui dévoiler l’avancée de ses recherches – identification des mécanismes de sous-traitance, localisation de la prison dans laquelle a été conditionné le test de grossesse, etc.

Plus tard, la journaliste présente à Glucksmann, très engagé médiatiquement pour la cause ouïghoure, deux témoins. Marius Balo, roumain, et Peter W. Humphrey, britannique, deux anciens expatriés qui ont connu la détention dans des prisons-entreprises du régime chinois. Ils lui racontent leur histoire, leur parcours carcéral, leurs conditions d’emprisonnement et leur rôle au sein de la chaîne de travail.

« La lettre est le surgissement du réel dans l’hémicycle ».

C’est très fort pour ce prisonnier qui a osé risquer sa vie pour écrire. Je pense que ça a pu faire basculer les votes. En tout cas, c’était vraiment l’intention de Raphaël Glucksmann », ajoute Lœtitia Moreau, qui filmera le discours poignant de l’eurodéputé. Lequel conclura ainsi : « Voilà où mène un monde sans règle, dans lequel ceux qui ont le plus de pouvoir ont aussi le moins de responsabilités. Le monde de Zara, de Shein ou de Nike. […]

Le moment est venu de rendre les multinationales comptables des destructions de l’environnement et des violations des droits humains commises sur leur chaîne de valeur. Le moment est venu de les empêcher de se cacher derrière leurs fournisseurs, leurs sous-traitants ou leurs filiales.

Cette législation sur le devoir de vigilance est une révolution juridique d’ampleur […] ».

Le Parlement a adopté le texte en première lecture au printemps. Cette petite feuille manuscrite clandestine venue du bout du monde, froissée et passée entre plusieurs paires de mains, aura joué son rôle jusqu’au bout.


Marion Michel. Télérama n° 3852. – 08/11/2023


Un documentaire à voir sur Arte et Arte.tv « Travail forcé, le SOS d’un prisonnier chinois »  Mardi 14 nov. 2023. 20.55


7 réflexions sur “Ce soir à la télé

    • Libres jugements 14/11/2023 / 22h12

      Comme à mon habitude Laurent, j’ai posté volontairement ce texte en étant certain de recevoir des commentaires (qui ne sont pas arrivés, à ma grande surprise) dénonçant ce travail infligé par cette société au régime collectiviste chinois. Je m’attendais à des commentaires du style : « décidément, on est mieux en France que dans ces pays-là » sans bien sûr faire une analyse réelle de la situation prolétarienne française, de sa pauvreté ambiante, où les salaires ne sont plus augmentés depuis bien longtemps face aux augmentations du coût de la vie, un pouvoir d’achat qui ne cesse de diminuer.
      Que conclure ? Est-ce que l’ensemble de la population s’en fiche ou encore, hésite à se rebeller pensant perdre encore plus en le faisant ?

      • laurent domergue 15/11/2023 / 8h28

        Dés que l’on possède un peu nous avons déjà trop à perdre et s’engager c’est risquer !

        • Libres jugements 15/11/2023 / 15h17

          Ta remarque est frappée du bon sens, Laurent.
          C’est vrai que pour beaucoup d’entre nous les crédits à la consommation, pour un véhicule, pour une habitation, pour des meubles, pour des lave-linges, sèche-linge, lave-vaisselle, télévision, etc. et même pour certaine-certains nourritures ou vacances à crédit !
          Oui ce crédit à la consommation inventée dans les années 70, empêche pour nombre d’entre nous de s’engager notamment dans un conflit d’ampleur avec les entreprises ou avec le gouvernement.
          Amitiés
          Michel

          • laurent domergue 16/11/2023 / 8h54

            Nous devenons  » Lâches  » et nous nous détachons des autres !

            • Libres jugements 16/11/2023 / 12h18

              Je ne peux qu’approuver ton raisonnement, Laurent.
              Je situe la cassure de la solidarité du peuple français, de l’envie de combattre en commun; à mai 68.
              Après avoir obtenu d’immenses avancées sociétales dû à cette révolution de mai 68 qui ne dit pas son nom, est arrivé après la période de fleur Bleue d’anticipations sexuelles et écologiques entre 1970 et 1980, l’idée qu’il fallait que les enfants s’épanouissent en toute liberté guidée entre autres par une psychologue pédiatre Françoise Dolto. L’enfant devenant roi devait ne plus tenir compte de son entourage, combattre uniquement pour accéder au plus haut pouvoir quitte à marcher sur les autres. L’individualisme est né dans l’esprit de nos bambins. Ces enfants aujourd’hui adultes ont garder non seulement cet individualisme, mais aussi le prônent à tout-va, notamment en refusant de se prononcer aux élections, dans les mouvements ouvriers ou sociétaux locaux ou nationaux.
              Les rares moments où un semblant d’entente solidaire a eu lieu, ces dernières années, a été provoquée par le mouvement des gilets jaunes, ou suite à des attentats. Aucune grande grève n’a été menée jusqu’à son terme, toutes ont échoué faute de participants.
              Avec mon amitié
              Michel

              • laurent domergue 16/11/2023 / 19h33

                Chance j’ai avec les 3 miens , par contre se refusent à avoir des enfants donc après nous , le déluge , de toute manière il n’y a pas de lumière au bout du tunnel !

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