Vouloir l’indisponible unité !

L’« unité », c’est le fin, ou plutôt le gros, mot de la rentrée. Il y en a partout et pour tout le monde. « Unité, unité… » Macron l’a ainsi répété pas moins de dix fois dans son message vidéo d’ouverture de l’université d’été du Medef, où il avait envoyé Borne relayer son message aux patrons. La Première ministre connaît bien le sujet, pour avoir été missionnée la veille par son propre patron à Tourcoing afin de marteler le mot à Darmanin, forcé de l’inviter.

Elle lui a rappelé que « c’est l’unité qui permet le dépassement ». Et, au cas où il aurait mal entendu, que, « pour réussir, nous aurons besoin de l’unité », et que, « notre unité, qui est notre force, nous devons la protéger pour continuer à agir ». Ou, enfin, que « cette unité derrière le président de la République », non seulement elle y tient, mais elle « y veille » et en est « la garante comme cheffe de la majorité ». On l’aura compris.

Et c’est ainsi que les trop précoces et appuyées velléités d’émancipation du ministre de l’Intérieur pour se projeter avec plus de quarante mois d’avance dans l’après-Macron ont été promptement calmées. Et que les « frites et saucisses achetées à Auchan », censées symboliser la prise « au sérieux » des classes populaires par l’impatient Darmanin pour son grand raout de rentrée, ont vite été noyées, comme son intervention, dans cette soupe à l’union servie par l’Elysée et Matignon.

Une unité qui a fait ricaner au Cannet, où Ciotti tentait pourtant de rassembler ses pas franchement unitaires troupes LR, qui ne manqueront pas de s’écharper de nouveau sans tarder à l’Assemblée. Cela ne l’a pas empêché d’affirmer que lui et ses amis étaient très « unis », « contrairement à la majorité, qui s’éclate dans le puzzle des ambitions ». Ni de crier « Revenez, revenez » aux électeurs de LR « qui sont partis vers Marine Le Pen et Emmanuel Macron » en choisissant la désunion.

Pour ce qui est de revenir, Ségolène Royal, dont c’est une spécialité, l’a fait de son côté, en appelant elle aussi à l’unité. C’est-à-dire, pour les européennes, à une « liste unitaire » qu’à titre individuel, mais avec l’assentiment intéressé de Mélenchon, elle entend mener « dans une dynamique de convergence ». L’unité s’annonce un rien ardue, puisque les composantes de la Nupes plus qu’au bord de la désunion ont déjà désigné leurs têtes de liste. Mais, « si la gauche n’est pas unie aux prochaines européennes », la nouvelle recrue de Cyril Hanouna l’a prophétisé devant les Insoumis, « elle disparaîtra ». L’unité ou la mouritude ! Pour le succès de la démarche rassembleuse de Ségolène Royal, il faudra voir. Mais, avant même les festivités de ce mercredi, jour de la fameuse « initiative politique d’ampleur » de Macron avec les oppositions , ce dernier a déjà obtenu un résultat en matière unitaire. Et ce avec les plus difficiles de ses invités que sont les Insoumis, les écolos, les socialistes et les communistes. Lesquels lui ont adressé, mardi, un courrier pour répondre à son invitation à « un après-midi de travail et un dîner ». Ils iront discuter, « dans l’intérêt du peuple et alors que se profile une rentrée difficile », mais n’assisteront pas au dîner, pour « ne pas participer à nouveau à une mise en scène médiatique ».

La missive est cosignée de Manuel Bompard, Olivier Faure, Fabien Roussel et Marine Tondelier, et à l’en-tête de la Nupes. Ainsi, alors que la Nupes est en pleine division, Macron a déjà réussi à la resouder en faisant l’unité contre lui.

Tous les espoirs sont permis.


Erik Emptaz. Le Canard Enchainé. 31/08/2023


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