Peu importe…

… qu’il soit roi en sont palais !

Dans cette société nombriliste, tout le monde se prend pour un petit Charles III convaincu d’être le centre du monde. La survalorisation de l’individu croise un phénomène inverse qui est celui de la banalisation revendiquée des dirigeants politiques.

On se souvient de François Hollande qui voulait être un président « normal » et d’Emmanuel Macron qui réclamait d’être « à portée d’engueulade ». Proche du peuple, mais pas trop quand même, puisque, lors de la finale de la Coupe de France de foot, il s’est bien gardé de descendre sur le terrain de peur de se prendre des canettes sur la tête.

Si les dirigeants démocratiquement élus semblent tout faire pour désacraliser leur fonction, à l’inverse, les individus sans aucune légitimité particulière, qu’il s’agisse de M. Tout-le-Monde ou d’une fin de race assise sur un trône, demandent qu’on se prosterne devant eux. Devant un roi d’Angleterre, mais aussi devant n’importe quelle minorité, il faut s’incliner sans broncher et satisfaire leurs exigences.

Proche du peuple, mais pas trop quand même

L’autorité politique acquise par les urnes ne semble plus conférer aucun prestige et devient même suspecte, puisqu’il est de bon ton de la contester à la première occasion.

La crise de la démocratie est celle de sa légitimité. Qui est légitime à diriger, à ordonner, à interdire, ou même tout simplement à s’exprimer ?

Cette contestation des droits les plus élémentaires se manifeste dans tous les recoins de la vie. Énoncer ses convictions sur les réseaux sociaux vous expose à des tombereaux d’injures. Ne parlons même pas du droit de manifester ses doutes sur des questions sensibles comme la religion ou Dieu, car c’est la mort assurée.

Finalement, il n’est plus nécessaire d’être couronné roi ou élu président de la République pour soumettre ses semblables. Chacun de nous, derrière son smartphone, peut imposer sa volonté grâce à des menaces et des intimidations qui auront plus de conséquences sur la société qu’un décret royal ou une loi démocratiquement votée.

Charles III sur son trône ressemble à ces ours de foire exhibés devant la foule, qu’on fait se dresser sur leurs pattes arrière pour leur donner une silhouette vaguement humaine et qu’on fait asseoir sur une chaise comme un roi déchu qui n’a pas encore compris qu’il ne fait plus peur à personne.

Les véritables rois sont ailleurs, dans la rue, à la tête d’entreprises, dans les lieux de culte ou sur les réseaux sociaux. La tyrannie des vieux monarques moisis n’a pas disparu, elle a juste changé d’aspect, changé de main, et s’exerce toujours sur le cours du monde, quoi qu’on pense, quoi qu’on vote.


Editorial de RISS. (Extraits). Charlie Hebdo. 03/05/2023


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