Le business du CBD

Beaucoup d’hésitations avant de mettre en ligne cet article ; n’est-ce pas faire la publicité d’un tel ostrogoth, contribuer par ce genre d’article à banaliser l’utilisation des drogues, où doit-on se taire ? Aidez -moi ! MC

Un deal au cannabis qui a pignon sur rue

À 25 ans, Mao Aoust, un ex-dealeur de Marseille devenu millionnaire, est à la tête d’une société de vente de CBD, High Society. Une success story toujours à la limite de la légalité.

Lorsqu’il se lance dans le business, en 2018, Mao Aoust est un homme d’affaires avec un bracelet électronique, une journée en réunion, une autre en perquisition. Il s’était fait attraper en 2017 avec 3,5 kg de cannabis et 20 g de cocaïne à son domicile. Mais aujourd’hui, le jeune homme a trouvé le bon filon, après des années de deal et de démêlés avec la justice : il est à la tête de l’enseigne High Society, l’empire du CBD.

Cent quatre-vingts boutiques en France et en Europe, 21 millions de chiffres d’affaires en 2021. « Un marché très prometteur », estime l’ex- trafiquant, teint pâle, yeux très clairs. Les cheveux sont longs, et la barbe taillée : tout est travaillé. Mao Aoust est devenu millionnaire grâce à une série de pieds de nez à la justice. Attrape-moi si tu peux.

Le CBD, ou cannabidiol, est une version light du cannabis, qui contient moins de 0,3 % de THC, le composant à effet psychoactif du chanvre. En 2018, les autorités n’ont pas encore statué sur la substance, son commerce n’est ni légal ni illégal. Les boutiques commencent à fleurir partout dans l’Hexagone, profitant du flou juridique.

En 2020, la Cour de justice de l’Union européenne tranche la question : le cannabidiol n’est pas un stupéfiant. « Un État membre ne peut interdire la commercialisation du cannabidiol légalement produit dans un autre État membre », précise la décision. L’État français tente en 2021 de suspendre les ventes de fleurs de chanvre, mais le projet est annulé par le Conseil d’État.

Depuis, le CBD se banalise, vendu sous forme de tisanes, d’huiles essentielles. Et sous forme de fleurs, 80 % du chiffre d’affaires, dont l’usage reste controversé. Mao Aoust botte en touche : « Je ne peux pas dire comment les utiliser, la justice pourrait s’en servir contre moi. »

Comprenez : elles se fument. En attendant, Mao Aoust s’est engouffré dans la brèche.

Millionnaire grâce à une série de pieds de nez à la justice

Désormais, il mêle les genres, le startupeur et le dealeur, le franc-parler et le discours bien rodé, parle de « complexification du monde », « d’accélération du marché du travail » et « de passion pour le cannabis ».

Les premiers mois de business sont tout de même compliqués. Il se fait perquisitionner deux fois par semaine, passe des nuits au commissariat. Il craint un moment de finir en prison, mais déjà, les bénéfices sont là, et « le jeu en vaut la chandelle ».

Aujourd’hui, les autorités ont renoncé à le poursuivre : « Ils ont compris que c’était du temps de perdu. » Il ne voit finalement que peu de différences avec son activité d’avant : « Le trafic, ça reste du commerce, des échanges, y a rien de mal là-dedans. Ça pourrait être des patates, des carottes ou des voitures », explique-t-il. Peu d’états d’âme sur les effets néfastes de la substance, qui a, c’est bien commode, « des bons et des mauvais côtés ».

THC ou pas THC, Mao n’est pas un fumeur lascif : c’est un ambitieux, trop subtil pour l’illégalité, trop malin pour se résoudre à un commerce traditionnel. Il soigne son discours puis, l’air de rien, le truffe de provocations. Le deal l’obligeait à se cacher, il est finalement beaucoup plus drôle de vendre du cannabis sous le nez des autorités. Et ça fonctionne.

Tout s’accélère, High Society ouvre en 2020 deux boutiques par semaine. Mao Aoust enchaîne les rendez-vous en Europe, s’installe en Allemagne et en Espagne.

De retour de Bangkok, où il étudie les possibilités d’ouvrir un magasin, le jeune entrepreneur jauge les marchés, étudie les besoins. Auprès des médias, il donne une image de mec sain, qui fait du sport, vit simplement. Tous saluent un « jeune entrepreneur assagi par l’argent ». Une bravade supplémentaire.

Les devantures de ses magasins sont sobres, tons beiges, un brin bobo, il s’adresse désormais « à des amateurs de vin bio », vise une clientèle CSP+, entre 30 et 50 ans. Mao Aoust veut développer une image de marque, quelque part « entre Starbucks, Apple et Louis Vuitton ».

Et planche sur son nouveau projet : livrer du CBD dans les prisons, valsant toujours avec la légalité.


Coline Renault. Charlie Hebdo. 01/03/2023


Dessin de Biche – Charlie Hebdo 01/03/2023

Reste deux questions à trancher… Premièrement le gouvernement français – les gouvernements européens ou mondiaux – étant dans l’incapacité d’interdire la phénomène dans la population tant qu’il ne sera pas réglementé, doit-il légiférer en faveur d’une légalisation.

Deuxièmement, en relation avec la première remarque, il s’agit là d’une manne financière qui tant qu’elle sera illégale échappe à l’économie et au budget nationale.

Oui, je suis conscient que c’est dérogé à la moralité, mais comme la prostitution, la pornographie, les films prônant la violence, les reportages banalisant les guerres et les morts sur le terrain, etc. n’est-ce pas un excès de pudibonderie mal placée ? Ce n’est pas de réglementation, c’est d’éducation qu’il faut. MC