Cinéma franchouille !

En France, n’en déplaise à Beaumarchais, tout ne finit pas par une chanson mais par le cinéma.

La preuve par Jamel Debbouze et Omar Sy.

Il suffit que le premier monte un film sur les tirailleurs algériens et les goumiers marocains, en 2006, pour que le président Chirac, les larmes aux yeux, décide, soixante et un ans après la fin de la guerre, d’aligner les pensions des anciens combattants de l’empire colonial français sur celles des soldats de l’Hexagone. Quelle humanité !

Omar Sy s’intéresse-t-il aux tirailleurs sénégalais, le président Macron décide de ne plus leur imposer l’obligation de séjourner six mois en France pour toucher le minimum vieillesse. II fait ainsi 37 heureux nonagénaires qui pourront économiser six mois de loyer en foyer et un billet d’avion pour la France. Quelle générosité !

C’est dire la puissance du septième art, qui, par la grâce d’un long-métrage, parvient à régler des problèmes jamais résolus pendant plusieurs dizaines d’années.

Vite un film sur :

  • Le déficit des caisses de retraite,
  • Un autre sur le chômage,
  • Un troisième sur la pauvreté

… pour que ces maux disparaissent à jamais !

La guerre sous la mitraille

Las, il y a un contre-exemple. Aucun film sur le racisme n’a jamais eu la peau des racistes. La preuve encore par Omar Sy, qui a récolté une petite polémique montée par l’extrême droite à l’occasion de la sortie de ses « Tirailleurs ».

Il a eu le malheur d’expliquer que toutes les guerres étaient atroces avec leur lot de « familles brisées » et de « gamins orphelins ». Il s’est étonné que « les gens soient si atteints » par l’Ukraine : « Ça veut dire que quand c’est en Afrique, on est moins atteint ? » Que n’avait-il dit là ?

Comme si les Français n’avaient pas montré autant de grandeur d’âme pour les réfugiés ukrainiens, 106 000 accueillis en un an, que pour les Afghans pourchassés par les talibans, 3 000 accueillis en deux ans !

C’est bien la preuve que tout le monde est logé à la même enseigne, qu’il soit africain, européen ou d’ailleurs. Et que, pour Omar, comme il le souligne, ce n’est pas ce qu’il dit qui dérange les racistes, mais ce qu’il est, lui, le Français d’origine sénégalaise.

Quand il l’ouvre, l’extrême droite se fait un film.

Qu’elle arrête son cinéma !


Article signé des initiales J. – M. Th. Le Canard enchaîné 11/01/2023


Note : L’administrateur se garde bien de porter un jugement quelconque sur la qualité, le jeu des acteurs, la valeur historique, la narration du film, ne l’ayant pas visionné. MC