Romance en vers

Et si avant de rejoindre sa-son double, nous rêvassions un moment …

À Vénus

 Ayant après long désir
 Pris de ma douce ennemie
 Quelques arrhes du plaisir,
 Que sa rigueur me dénie,
 Je t’offre ces beaux œillets,
 Vénus, je t’offre ces roses,
 Dont les boutons vermeillets
 Imitent les lèvres closes
 Que j’ai baisé par trois fois,
 Marchant tout beau dessous l’ombre j’ai
 De ce buisson que tu vois
 Et n’ai su passer ce nombre,
 Parce que la mère était
 Auprès de là, ce me semble,
 Laquelle, nous aguettait
 De peur encores j’en tremble.
 Or’ je te donne des fleurs
 Mais si tu fais ma rebelle
 Autant piteuse à mes pleurs,
 Comme à mes yeux elle est belle,
 Un myrthe je dédierai
 Dessus les rives de Loire,
 Et sur l’écorce écrirai
 Ces quatre vers à ta gloire
 « Thénot sur ce bord ici,
 A Vénus sacre et ordonne
 Ce myrthe et lui donne aussi
 Ses troupeaux et sa personne ». 

Joachim Du Bellay