Vivre sans dieu. Na !

Il y a ceux qui ont décidé de vivre sans manger de viande. Ceux qui s’abstiennent de consommer les produits issus d’un animal. Ceux qui tentent de ne plus utiliser d’objets en plastique. Ceux qui ne veulent plus prendre l’avion. Ceux qui ont banni la télévision, ceux qui mangent sans gluten et vivent sans tabac ni alcool.

Mais parmi toutes ces modes censées nous permettre d’avoir une vie plus saine, aucune ne tente la seule expérience vraiment osée : vivre sans Dieu.

Vivre sans Dieu, comme on fait abstinence de vin ou de nicotine, comme d’une substance dont on serait prisonnier et dont on croit qu’il nous est impossible de vivre sans elle. Alors qu’en vérité on pourrait très bien s’en passer. Car on peut vivre sans Dieu comme on peut vivre sans alcool ou sans gluten.

Ces dernières semaines, les débats sur le voile ont repris de plus belle, et quand la lassitude nous gagne d’entendre répéter sans cesse les mêmes raisonnements foireux, on se dit que la religion a pris ces dernières années une place de plus en plus démesurée dans la vie publique. Ce ne sont pas les débats sur le voile, l’islam ou la religion en général qui prennent trop de place. C’est la religion tout court qui s’est incrustée dans nos vies et l’encombre de plus en plus.

On vient de fêter les 40 ans de la révolution iranienne qui chassa l’infâme shah d’Iran et installa à sa place le pétillant ayatollah Khomeyni. Pour la première fois depuis longtemps, la religion jouait de nouveau, un rôle dans la vie politique et, mieux encore, elle parvenait à faire tomber un tyran aussi abject que le shah. Les naïfs ont alors cru que la religion pouvait libérer les hommes. Elle ne faisait que remplacer un carcan par un autre.

Depuis la chute du mur de Berlin, les religions qui avaient été congelées par la guerre froide se sont décongelées. Comme le permafrost, qui fond avec le réchauffement climatique et libère des millions de tonnes de CO2 qui en étaient prisonnières depuis des millénaires, la fin de la rivalité entre l’Est et l’Ouest a redonné vie aux religions et leur a permis de retrouver leur place perdue dans la vie publique. Les religions, la foi, le mysticisme nous ont alors envahis, comme les milliards de microparticules de plastique dans tous les océans de la planète.

Alors pourquoi ne pas essayer de vivre sans?

Car on peut vivre sans religion. L’avantage, c’est que cette expérience ne nuit à personne. Sans Dieu, on n’exige rien, on n’impose à personne ni vêtements, ni aliments, ni rituels, ni jeûne, ni sacrifices d’animaux. Rien. Sans religion, on ne dérange personne. Le « vivre-ensemble », le fameux « vivre-ensemble » dont on nous rebat les oreilles sans arrêt, est possible : il suffit de renoncer à la foi, à Dieu, aux rituels, et on peut vivre avec tout le monde sans incommoder quiconque.

Il faudrait créer un grand mouvement mondial, dont les militants revendiqueraient de vivre sans foi ni aucun dieu : « Je vis sans Dieu, je suis heureux, alors pourquoi pas vous? »

Après #MeToo, pourquoi ne pas lancer #WithoutYou (sans toi mon Dieu, je vis mieux et je ne dérange personne)? Un mouvement pacifiste, qui, à la manière de ceux qui proposent de changer nos modes de vie de consommateurs, nous donne le courage et l’audace de répondre à ceux qui nous harcèlent pour qu’on se convertisse à leurs croyances : quand c’est non, c’est non.


Riss – Charlie hebdo  – n° spécial. N° 1424


5 réflexions sur “Vivre sans dieu. Na !

  1. clodoweg 14/11/2019 / 2h42

    Cela fait longtemps que je vis sans Dieu et que j’ai décidé de ne plus en manger.

  2. fanfan la rêveuse 14/11/2019 / 7h34

    Bonjour Michel,

    A chacun sa vérité !
    Croire n’est pas interdit, une menace, un problème, c’est ce qu’en fait l’Homme qui ne va pas.
    Chacun doit avancer selon son besoin, mais à aucun moment cela ne doit nuire à son prochain et encore moins à la société auquel il adhère.

    Pour ma part, je pense que Dieu a été créé par l’Homme pour l’Homme afin de lui donner, des valeurs, des limites. Ce qui n’est pas une mauvaise idée sur le fond. J’ai été éduqué avec la religion catholique sans pour autant la vivre intensément, plutôt comme une culture de fond à ma vie.
    Il y a bien longtemps aussi que je ne suis plus adepte, « aide toi et le ciel t’aidera »dit-on, alors je m’aide, ainsi je ne suis pas déçue.
    Encore une fois ceci n’engage que moi et espère ne pas avoir choqué, ce n’est pas mon intention.

    Très belle journée Michel !

  3. christinenovalarue 14/11/2019 / 8h16

    Vivre sans dieu, pourquoi pas…mais comment vivre sans spiritualité ?

  4. jjbey 14/11/2019 / 8h24

    La nature même de l’homme, peureux, craintif,….l’encourage à souhaiter fortement qu’un être supérieur le protège et comme il n’existe pas l’homme l’a inventé. De toute l’existence de l’humanité tout y est passé du soleil aux reptiles en passant par l’être suprême……..L’homme a inventé dieu et non l’inverse alors pourquoi s’encombrer l’esprit de cette chose? L’éducation y est pour l’essentiel le facteur de contagion et fait perdurer cet outil qui historiquement a été un moyen d’asservissement de l’humanité, de justification des pires massacres et du maintien de l’ordre établi. L’église toujours du côté du plus fort…..Ni dieu ni maître telle est la devise que j’ai adopté et je suis loin du compte dans une société où la liberté est sans cesse remise en cause.

  5. Pat 15/11/2019 / 11h51

    Vivre sans Dieu est une décision qui nécessite préalablement d’avoir étudié la question et de se poser certaines questions qui font partie d’une vie rarement exempte d’inquiétudes et de remises en questions…(bref…beaucoup de questions auxquelles les religions apportent leurs réponses même si elles ne plaisent pas à tous.) Il suffirait qu’elles tiennent leur rôle, sans empiéter, ni d’elles-mêmes ni dans la récupération permanente depuis…des siècles.

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