La bonne question.

Qui va réduire la fracture territoriale ?

Après la conférence de presse au sortir du grand débat. Alors que les préconisations sont sur la table, rembobinons le film et posons cette question simple : qui, dans les prochains mois et les prochaines années, va consacrer toute son énergie à réduire la fracture territoriale, cette faille révélée par le mouvement des « gilets jaunes » ?

A l’approche de Noël, on ne parlait que d’elle, plaie béante entre la France des grandes métropoles et celle des zones périphériques, entorse majeure au pacte républicain supposé garantir une égalité de traitement pour tous les citoyens.

Le printemps est arrivé, le président de la République a tenu, jeudi 25 avril, une longue conférence de presse, et pourtant rien d’évident ne saute aux yeux. Il n’y a pas d’acteur attitré, pas de maître d’œuvre de la réparation. Le mot même de fracture a été gommé du discours présidentiel. Cachez cette blessure que l’on ne saurait voir !

Le volontarisme politique bute sur la complexité de l’action publique, qui n’a cessé de prospérer au rythme de lois de décentralisation

On ne peut pourtant soupçonner le président de la République d’être passé à côté du sujet : dans son adresse aux Français, le 10 décembre, Emmanuel Macron pointait « le malaise des territoires, villages comme quartiers où on voit les services publics se réduire et le cadre de vie disparaître ».

Quatre mois plus tard, son premier ministre, Edouard Philippe, affirmait devant les députés : « Nous devons réconcilier les métropoles avec leurs territoires proches en prenant l’exemple de ce qui a été fait pour rétablir l’équilibre entre Paris et les grandes villes de province. C’est le chantier d’une génération. » […]

Aujourd’hui, trois grands acteurs peuvent prétendre aménager le territoire : l’Etat, à travers l’action de ses différents ministères, relayés sur le terrain par les préfets. La lutte contre les déserts médicaux, devenue l’urgence absolue, sonne comme un rappel à l’ordre.

Mais à côté de l’Etat il y a aussi la région, chargée du développement économique, et la métropole parce que sa puissance d’attraction a des effets directs sur son environnement proche. Il ne faut cependant pas oublier les maires des petites villes, qui ont beaucoup perdu à travers la montée de l’intercommunalité mais disposent d’un outil d’aménagement important à travers le permis de construire.

C’est d’ailleurs sur eux qu’Emmanuel Macron s’est appuyé pour conduire le grand débat parce qu’ils incarnent la proximité, forte demande de la période. Il ne faut pas oublier non plus les départements, qui entretiennent une partie du réseau routier et gèrent, tant bien que mal, l’aide sociale.

Tout cela crée un enchevêtrement de responsabilités dont nul ne sort indemne : l’Etat est accusé d’agir à mauvais escient, les élus locaux sont soupçonnés de coûter plus cher qu’ils ne rapportent. Les relations entre les deux puissances affaiblies sont, qui plus est, devenues exécrables depuis que la crise des dettes souveraines, en 2008, les a forcées à faire des économies.

Tout cela plaide pour un grand coup de pied dans la fourmilière, or rien ne va fondamentalement changer : l’Etat va intensifier sa présence sur les territoires en augmentant le nombre de ses fonctionnaires dans le cadre d’un nouveau mouvement de déconcentration. Les élus ont quant à eux obtenu la mise en chantier d’une nouvelle loi de décentralisation au terme de laquelle des compétences comme le logement, le transport, la transition écologique pourraient leur être transférées.

Enfin, si la révision constitutionnelle est adoptée, un droit à la différenciation devrait permettre à certaines collectivités de mettre en œuvre des politiques adaptées à la spécificité de leur territoire.


Françoise Fressoz, Le Monde. Titre original : « Fracture territoriale : cachez cette blessure que l’on ne saurait voir ! ». Source (extrait)


Autour de la fracture territoriale vont donc œuvrer pas moins de cinq acteurs, le préfet, le maire, les représentants du département, de la région, de la métropole, sans garantie d’y parvenir mieux que ces dernières années.

2 réflexions sur “La bonne question.

  1. jjbey 09/05/2019 / 10h41

    Vive la commune mais gare aux préfets dont les pouvoirs deviennent exorbitants.
    Le tribunal administratif a de beaux jours devant lui, mais qui osera le saisir?

    • Libres jugements 09/05/2019 / 14h14

      Dans les revendications des gilets jaunes était porté (entre autres) le fait de supprimer des strates administratives. La réponse de Macron n’est que « allée vous faire voir ailleurs », je vous rajoute même une couche pour éloigné la population le plus loin possible de la démocratie directe.

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