À ça j’assume.

C’est le nouveau verbe à la mode.

En cette année d’incertitudes, il est bon, il est doux d’« assumer ». Surtout en haut lieu, où l’on exerce d’écrasantes responsabilités. Surtout quand on n’est pas tout à fait sûr de soi, ou que l’on craint la boulette. Voilà juste trois mois que Gabriel Attal est installé à Matignon et qu’il n’arrête pas d’« assumer ». Depuis quelques jours, il « assume totalement » sa réforme de l’assurance-chômage, que l’aile gauche de sa majorité enverrait bien aux oubliettes.

Raté, car, il l’a dit le 8 février, il « assume de travailler (sic) avec tout le monde ». Deux jours plus tôt, en voyage à Berlin, il avait « assum[é] des divergences avec l’Allemagne ». Le bilan est impressionnant : depuis janvier, le nouveau Premier ministre a (aussi) « assumé » son homosexualité, les groupes de niveau au collège, la politique de rigueur… On comprend qu’il paraisse parfois fatigué : assumer, c’est exténuant.

Il est vrai que l’exemple vient d’en haut. Car Emmanuel Macron n’est pas le dernier à « assumer ». Et ça ne date pas d’hier. Le 7 janvier 2022, il « assume totalement » et sans masque ses propos sur les non-vaccinés, qu’il voulait « emmerder ». Le 20 décembre dernier, à la télévision, il « assume totalement » ses choix sur l’immigration. La hiérarchie est respectée : quand le Premier ministre se contente d’assumer, le Président le fait totalement…

Il l’a encore prouvé le week-end dernier à propos du Rwanda, ou début mars, à Prague, après ses propos sur l’envoi de troupes au sol en Ukraine.

Mais tout cela est-il bien français ? L’Académie française s’en émeut sur son site. Le verbe « assumer » est transitif, et suppose donc un complément d’objet direct : on assume une fonction, une charge, un risque, voire des responsabilités. Mais on n’assume pas « de dire ceci » ou « de faire cela », comme trop de personnages politiques (et de confrères) ont tendance à l’écrire ou à le dire. « « Assumer » est parfois utilisé à la place d' »adopter » ou « afficher » », déplore encore la noble Académie.

Au fond, le verbe est surtout employé pour dire aux gens qui critiquent d’aller se faire voir ailleurs. Une sorte de bras d’honneur pas tout à fait… assumé.


Bruno Dive. Le Canard enchaîné. 10/04/2024


Une réflexion sur “À ça j’assume.

  1. tatchou92 17/04/2024 / 17h12

    Quand les Enarques s’adressent au Peuple, pourquoi se croient-ils obligés de tenter de parler peuple = populo pour se faire comprendre ?

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