J’t’embrouille dans la tambouille !

Le Maire , c’est trop souvent des annonces qui « prennent le vent » sans pour autant amener hélas, la tempête… MC

PrIse de tête sérieuse au sein du ministère de l’Économie : comment taxer les milliards de bénéfices des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) alors que la loi interdit, en principe, de le faire ? Ladite taxation est pourtant alléchante. Selon les calculs de Bruno Le Maire, elle pourrait rapporter entre 300 et 500 millions d’euros par an — soit 10 % des profits. Les SCA ont déjà ourdi leur contre-attaque.

Sans surprise, elles menacent de répercuter la ponction sur l’usager des péages.

La privatisation des années 2000 prévoyait de « maintenir l’équilibre économique et financier » des concessions. En 2011, cela a poussé l’État à autoriser une hausse des tarifs des péages de 0,6 %, histoire de compenser l’augmentation de la taxe d’aménagement du territoire censée être acquittée par les SCA. Rebelote en 2013 : +1,2 %, après une hausse de la redevance domaniale. Chaque fois, l’usager a dû mettre la main à la poche. À la fin, ça fait beaucoup. D’autant que Macron, alors ministre de l’Économie, a encore renforcé la contrainte en imposant, en 2015, la « stabilité des prélèvements obligatoires », selon laquelle toute nouvelle taxe pèserait « spécifiquement » sur les SCA doit être compensée par l’État. Le gouvernement doit donc s’y prendre autrement s’il entend récupérer une partie des mégaprofits des autoroutiers.

Aucune compensation ne leur est due si la nouvelle taxation ne s’applique pas uniquement à eux : la nouvelle taxe doit donc frapper au-delà des quatre-voies, mais pas trop, afin de ne pas créer des dégâts collatéraux dans des secteurs qui sont loin d’enregistrer des surprofits. En un mot : il faut que la ponction ait l’air de concerner beaucoup de monde, mais qu’en définitive, elle ne s’applique essentiellement qu’aux autoroutes.

Au stade actuel de leurs cogitations, les crânes d’œuf de Bercy envisagent de frapper exclusivement les bénéfices des concessions d’État des infrastructures de transport. Ouf ! Seraient ainsi écartées la quasi-totalité des innombrables autres concessions : eau, gaz, chauffage urbain, tramways, barrages, ramassage des ordures, cantines scolaires, etc. De même que, par exemple, la RATP ou la SNCF (sociétés possédées par l’État).

Resteraient, en particulier, les aéroports, et pas n’importe lesquels : le plus important, Paris Aéroport, ne serait pas concerné puisqu’il s’agit non pas d’une concession, mais d’une société cotée — contrairement à une grosse demi-douzaine de grands aéroports régionaux de l’État (Lyon, Marseille, Nice, etc.). Ces derniers ne vont certainement pas accepter de gaieté de cœur de se voir taxer juste pour que le gouvernement puisse ponctionner les autoroutes. Ils invoqueront une distorsion de concurrence, puisque leur principale rivale, la SNCF, ne sera, elle, pas touchée.

Des concessions sans concession

Comme on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, le gouvernement n’est pas pressé de dévoiler ses intentions, « pour ne pas donner d’armes à la partie adverse », explique-t-on à Bercy. Même l’avis du Conseil d’État, publié en juillet, qui fixe les conditions d’une telle hausse, n’a pas été rendu public. « Nous allons examiner le texte. S’il s’agit d’une taxe pseudo-générale qui ne vise qu’à nous taxer, nous la contesterons devant le Conseil d’État », explique un responsable d’une SCA.

On l’a compris, les autoroutiers aimeraient garder leurs profits comme Harpagon sa cassette. À première vue, on n’est pas au bout du tunnel !


Hervé Martin. Dessin d’Aurel. Le Canard Enchainé. 30/08/2023


2 réflexions sur “J’t’embrouille dans la tambouille !

  1. bernarddominik 06/09/2023 / 20h49

    Ce n’est pas Macron qui a négocié le prolongement des concessions autoroutières ?

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