Importation, démesure, non sens !

QUI L’EÛT CRU ?

Nos animaux de ferme sont de véritables globe-trotteurs. Chaque année, 1,3 milliard de poulets, de dindes, de pintades, 142 millions de cochons, 76 millions de bovins, 60 millions de chèvres, 11 millions de moutons, etc., se font transbahuter dans toute l’Europe sur des distances de plus en plus importantes.

Mais pourquoi cette transhumance géante ?

Tout simplement parce que, pour gratter sur l’os le maximum de marge, les producteurs de viande jouent avec les différences de coût d’engraissement ou d’abattage entre les États membres. Prenez les Pays-Bas : une partie de leurs cochons vont ainsi se faire engraisser et abattre en Allemagne, tandis que leurs poules pondeuses réformées partent se faire zigouiller en Pologne. Les agneaux hongrois ou roumains sont estourbis en Italie, et les veaux irlandais partent vers les abattoirs espagnols, pendant que les nôtres franchissent les Alpes.

Tous les ans, près de 900 000 broutards tricolores sont ainsi engraissés dans la plaine du Pô, avant d’y être abattus.

Bonjour l’empreinte carbone, mais aussi la souffrance animale. Dans les bétaillères, les pauvres bêtes, serrées comme des sardines en boîte, sont souvent assoiffées et affamées. Et pour cause : la plupart des camions ne sont pas adaptés, et les durées de transport bien trop longues. Un mouton, une chèvre ou un bœuf peut passer quatorze heures sur la route et, après seulement soixante minutes de pause à bord du camion avec un peu d’eau, rebelote pendant quatorze heures. Pour les agneaux et les porcelets, c’est deux fois neuf heures de transport, avec une heure de pause au milieu. Le pire échoit aux porcs, qui peuvent enchaîner vingt-quatre heures d’affilée avec de la flotte embarquée. Pour tous, le compteur est remis à zéro au bout de vingt-quatre heures passées hors du camion, juste le temps de se dégourdir les pattes, de manger et de s’abreuver.

En avril, la Cour des comptes européenne s’est saisie du problème, dans un rapport saignant où elle propose d « intégrer au prix de la viande celui de la souffrance animale ». « Insuffisant » pour l’ONG L214, à la pointe sur le sujet, qui réclame de limiter le transport à quatre heures pour les volailles et les lapins, à huit heures pour tous les autres animaux et de l’interdire pour les bêtes fragiles ou non sevrées.

Bruxelles va devoir trancher bientôt. La Commission a en effet décidé de revoir, à partir de cet automne, les règles de circulation du bétail dans TUE.


Le Canard Enchainé. 17/05/2023


2 réflexions sur “Importation, démesure, non sens !

  1. bernarddominik 11/06/2023 / 20h25

    Honteux.et une réponse de l’UE absurde. Il faut tout simplement interdire ces déplacements inter frontières

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