Les tutus battent le pavé !

À force d’évoluer sur la pointe des pieds, ils passeraient presque inaperçus, cachés par les cheminots, les profs ou les hospitaliers. Mais la discrétion des danseurs de l’Opéra n’em­pêche pas leur mobilisation.

Le 5 décembre, Giselle, Roméo, Juliette ou encore Casse-Noisette défilaient en nombre pour sauver leur régime spécial de retraite.

L’Opéra de Paris (qui regroupe le palais Garnier et l’Opéra Bastille) est, avec la Comédie-Française, la seule institution culturelle concernée par la réforme.

Avec un statut spécifique de ses employés qui ne date pas d’hier, mais de 1698. Soit sous Louis XIV, lequel n’était pas, aux dires des historiens, un dangereux gauchiste.

Danser jusqu’à 62 ans ? Ça ne va pas être beau à voir

Pour «réformer» ce très vieux monde et «aborder la situa­tion spécifique des salariés intermittents du spectacle, des artistes auteurs, des salariés de l’Opéra national de Paris et de la Comédie-Française », un semblant de concertation a été lancé en novembre 2019. Sans surprise, il a fait flop, constate la CGT Spectacle dans une lettre ouverte à l’attention de MM. Delevoye et Riester en date du 28 novembre.

« Comment pensez-vous demain imposer aux danseurs de l’Opéra de Paris une retraite à 62 ans, voire à 64 ans, alors que leur carrière prend fin d’office à l’Opéra à l’âge de 42 ans, raison pour laquelle ils bénéficient aujourd’hui d’une faible pension à cet âge

Pour Mathieu, 36 ans, ce métier a plus qu’un régime spécial. « Une spécificité, précise ce danseur encarté à la CGT Spectacle. On vit à travers ce régime spécial, la retraite, c’est le socle de notre contrat avec l’institution. Je veux bien continuer jusqu’à 62 ans, mais ça ne va pas être beau à voir », poursuit-il en souriant.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, avoir été danseur et « tomber » à la retraite vingt ans avant l’âge légal n’est pas une panacée. À 42 ans, on est peut-être un vieillard pour les entre­chats qu’impose un ballet, mais on est dans la pleine force de l’âge… et forcé de vivre avec une pension aussi légère qu’un tutu.

Du coup, il faut penser à se recaser sur le marché. Mais comment redémarrer une vie professionnelle quand on n’a jamais eu d’autre formation que celle des barres au sol dès l’âge de 8 ans ? « La seule façon, c’est de devenir prof de danse », explique Yann, un « vieux » de 46 ans qui cumule retraite et cours de danse au sein de l’Opéra. « Pour moi, ça va, mais les places de prof sont rares, et beaucoup de danseurs à la retraite ne retrouvent pas d’autre métier. »

Pour l’heure, après une semaine de spectacles annulés, l’Opéra de Paris communique sur une perte de recettes de billetterie de 2,5 millions d’euros. Mathieu, lui, a un autre message à faire passer aux spectateurs : « Les danseurs de l’Opéra de Paris ne sont pas des privilégiés. Ce n’est pas parce qu’on danse dans un palais qu’on est riche. »


Natacha Devanda. Charlie hebdo. 18/12/2019

3 réflexions sur “Les tutus battent le pavé !

  1. fanfan la rêveuse 20/12/2019 / 8h04

    Ce matin sur France Inter j’ai entendu que le 1er ministre reviendrai sur certains points , comme la prise en compte de la pénibilité, le fait de commencer tôt sa carrière professionnelle…

    Je vais vous donner ma réaction, whouai, si c’est comme les gilets jaunes, « je vous dis ce que vous voulez entendre et je fais ce que j’ai décidé depuis le départ ! »

    Hé Mr le 1er ministre, il ne faudrait pas nous prendre pour des perdreaux de l’année !
    Je demande à voir, mais je n’y crois pas une seule seconde ! 😦

    • Libres jugements 20/12/2019 / 17h19

      Bonjour Françoise,

      Avez-vous remarqué que depuis un certain temps la communication du gouvernement a changé, il n’est plus lié a l’envisagée reforme des retraites, le terme « régimes spéciaux » … Ceci du fait simple et évident que le gouvernement lui-même a ajouté de nouveaux régimes spéciaux au travers de ce qu’ils ont concédé au service de sécurité (police, CRS), tout comme ceux qu’ils s’octroient en tant qu’élus dans les diverses instances et cumulant ainsi non seulement leur salaire perso, mais aussi de leur retraite et quelqu’en sera demain le regime.

      Malheureusement je le concède aussi, une possible amélioration dans le transport public dans la période des fêtes permettrait certainement un certain nombre de personnes de se rendre auprès de leurs … Ce qui permet au gouvernement dans le même temps de claironner sur les tous les tons Et bien évidemment repris par la sphère médiatique comme par certains élus du groupe LR–EM : Édouard Philippe a réussi « à casser » l’unité syndicale proposant les grèves …
      Un nouveau mensonge éhonté car seul l’UNSA a ouvert une possibilité qui ne sera pas suivie partout ses adhérents, ni parmi l’intersyndicale toujours mobilisé notamment dans les transports mais pas que …
      Audiovisuel, hôpitaux, pompiers, justice, EDF, GDF, éducation, la poste, la culture publique (Opéra, Comédie-Française), sans oublier le mécontentement des maires et certainement d’autres que j’oublie encore …
      Alors Mesdames-Messieurs du gouvernement, toujours content d’avoir « cassé » soi-disant la grève …

      Que tout cela n’empêche pas les réunions de famille pour le Noël et le nouvel an est certes louable – envisageable – mais cela hélas, ne résoudra pas le mal-être de la société française actuelle.

      Très amicalement et avec le regret d’être non pas pessimiste, mais hyperréaliste, je vous souhaite Françoise a vous au vôtre, de bien terminer l’année. Pour notre part, ma femme et moi, nous allons mettre un peu en suspens nos différentes occupations autour de ces jours-là.

      Michel

      • fanfan la rêveuse 20/12/2019 / 19h02

        Bonsoir Michel,
        Le torchon brule alors il faut vite essayer de l’éteindre, il n’empêche que le flot des mécontents s’agrandit 😉
        Oui Michel, voila l’heure de faire une pause afin de profiter des siens en toute quiétude.
        Merci beaucoup, je vous souhaite une douce et agréable fin d’année, profitons des nôtres !
        🙂

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